Friday, I'm in Love (*)

Critique publiée sur ArtZone Chronicles.

Le cinquième et ultime épisode. Enfin ? Au cours de quatre précédents : des hauts, des bas, de la frustration, des déceptions, un peu d'agacement... et mine de rien Life Is Strange a fait vivre son lot d'émotions, à la fois via le jeu, mais surtout hors de celui-ci. L'envie de laisser tomber a pointé le bout de son nez plus d'une fois, notamment après la fin de Chaos Theory. mais Dark Room avait fait renaître un peu d'espoir. Tout allait reposer sur Polarized, ce qui est en soi un vrai problème. Laisser la qualité d'une série reposer sur sa fin (d'épisode, de saison, globale) est une forme à la fois d'aboutissement de ce qui a précédé, mais aussi sa négation absolue.

En ce qui concerne la qualité d'écriture que j'ai si souvent décriée, que ce soit celle du scénario, des personnages ou des dialogues, j'ai cessé d'espérer depuis un certain temps. Polarized, de ce côté, reste dans la même lignée, avec ses caricatures, ses clichés, ses grosses ficelles. Pourtant, tout semble prendre forme et gagner une cohérence. Enfin, un choix a été fait et assumé dans la direction prise, ce qui est un comble dans un jeu qui vise à nous faire prendre des décisions et en subir les conséquences.

Dans ce dernier épisode, DONTNOD semblent montrer tout ce qu'ils voulaient mettre dans leur création, le potentiel que portait le jeu (et peut-être annonciateur de la saison 2 ?) et dont on a des bribes, narrativement assez facultatives dans l'avancée scénaristique (certains diront que cela a été mis pour rallonger l'épisode), mais qui apportent un rythme fait d'allers et retours, de ruptures. C'est bienvenu et surtout bien mieux maîtrisé que l'affreuse fin de Chaos Theory et le médiocre début de Dark Room. On demeure dans des idées évidentes dès qu'on aborde le voyage temporel, dans des choix inutiles et n'apportant pas la liberté qu'on aurait pu espérer, mais enfin le jeu vidéo est là et on s'imagine des possibilités de gameplay assez folles utilisant l'environnement et offrant un autre regard sur tout ce qu'on a à notre disposition (portable, appareil photo...).

Au-delà de la vision de ce potentiel, ce qui réconcilie et prolonge Dark Room, c'est la présence réelle de ce gameplay, ce qui apporte de vrais moments de plaisir ludique, bien supérieur à celui ressenti lorsqu'on doit faire un simulacre de choix. On retrouve à la fois des références à des genres bien précis, mais aussi à d'autres passages des épisodes précédents. Parcours d'obstacle (linéaire et sans trop d'enjeux il est vrai), infiltration, ordre et timing serré des actions, énigmes à résoudre... Autant de vrais écarts vers le média jeu vidéo qui apportent à Polarized l'équilibre qui manquait à ses aînés. Prendre les photos de l'épisode est là encore moins anecdotique qu'auparavant, car ce petit plus est intégré à ces options de gameplay et présente donc un vrai challenge.

Polarized a donc enfin su trouver une cohérence et l'apporter à l'univers original créé par DONTNOD. L'équilibre est là, et les maladresses d'écriture, le scénario un peu faiblard, la superficialité ludique de la possibilité de décisions, tout cela parvient à trouver une compensation ailleurs. La narration est enfin le fruit de nos actions et de notre échange avec l'environnement, ce qui est bien plus incluant que les choix de dialogue. En dépit du style cinématographique et de très bons moments visuels, d'une ambiance travaillée (mais trop instable avant Dark Room), ce sont ces passages, ceux qui nous plongent dans l'action, qui resteront gravés car le joueur est réellement actif. Une saison 2 devrait voir le jour, espérons qu'elle soit dans la lignée de Polarized et ne reprenne pas la dynamique bâtarde de l'ensemble de la saison 1.

(*) : https://www.youtube.com/watch?v=mGgMZpGYiy8