Mosaic
5.7
Mosaic

Jeu de Krillbite Studio et Raw Fury (2019PC)

Développé par Krillbite Studio, Mosaic est un jeu d’aventure sombre et surréaliste traitant de l’isolement urbain et de l’aliénation de l’humain dans une grande machine. On y incarne un jeune cadre plutôt moins dynamique que plus et qui se retrouve à vivre et revivre toujours les mêmes journées. La notion de Métro-boulot-dodo n’a jamais été aussi bien décrite que dans Mosaic et en y réfléchissant bien on peut se retrouver dans ce qui arrive à notre protagoniste de l’histoire. Après avoir essayé de nous faire peur avec un bébé, les développeurs Norvégiens tente de faire prendre conscience que le train-train peut être encore plus effrayant que la fiction.


On travaille donc pour la méga-corporation Mosaic qui développe des applications pour smartphones ainsi que des systèmes connectés largement utilisés dans les villes et les transports. Tous les jours, on se retrouve à faire la même routine à savoir se lever, éteindre son réveil, aller se brosser les dents, regarder la télévision pour ensuite aller au travail par le biais des transports en commun. Le jeu nous propose donc de revivre une journée type mais on va vite se rendre compte que quelque chose cloche et que rien ne semble être ce qu’il parait. On peut ainsi profiter de notre vie de célibataire, exclu social notaire et accro aux notifications de notre téléphone. Là où Mosaic fait fort, c’est dans sa façon de décrire une sorte de détresse sociale et de malaise lié non seulement à l’environnement ambiant mais aussi aux propres actions de notre personnage qu ne peut s’empêcher d’être obnubilé par son téléphone et son application BlipBlop. Cette même application nous propose d’appuyer sur notre écran de façon répétée afin de faire gonfler un score, cela ne vous rappelle rien?


On se retrouve donc à déplacer notre personnage dans son appartement afin de le préparer à aller au travail dans des actions répétitives mais que l’on peut choisir comme se gifler afin de se réveiller, remettre sa cravate en place, se coiffer et découvrir que notre table recèle de factures impayées et de nombreux retards de paiement. La pessimisme ambiant reste de mise avec les programmes de télévision que l’on peut regarder avant de partie au travail ou en regardant notre téléphone ou les messages d’anciens contacts désormais oubliées et les notifications de retard de notre arrivée au travail s’accumulent. On peut également scanner des QR-Codes nous permettant d’installer des applications qui régissent encore plus notre vie déjà bien balisée.


Everyday is Exactly the Same
Mosaic propose un gameplay fort basique que ce soit dans les moments où l’on déplace notre personnage ou même dans les phases de gameplay plus actives comme la constructions de jalons à livrer pour notre entreprise. Le jeu se joue intégralement à la souris et on devra faire des mouvements contextuels gérant directement les déplacements de notre personnage ou ses actions à un moment donné ainsi que la construction de cellules liées entre elles permettant d’atteindre un objectif donné par le jalon. On notera donc 2 phases à savoir le walking simulator et donc le trader simulator. N’espérez pas de réelle variation ou de trop grande originalité dans ce que l’on sera amené à faire pour faire dévier notre quotidien d’un ennui notable jusqu’à la libération de notre personnage de sa propre prison interne.


Si on a déjà vu ce genre de discours dans les films et autres séries, il est plus rare de voir ce genre de réflexion dans le milieu du jeu vidéo. Krillbite Studio tente donc de nous faire réagir face à notre mode de vie ultra-connecté digne de 1984 et ainsi nous pousser à nous poser les bonnes questions sur notre attitude à avoir avec le monde du travail et sur notre obédience à un système à la limite de l’esclavagisme. On retrouve donc tous les poncifs de ce genre de métaphores d’anticipation (sans tomber dans la dystopie caricaturale) avec ce que cela implique de manque de finesse et d’exagération de certains traits de notre dépendance à notre travail ou à notre smartphone.


Il est par ailleurs dommage de devoir forcément suivre certaines actions que l’on ne souhaite pas effectuer pour faire avancer le récit et ainsi aller dans le sens de la critique acerbe de notre mode de consommation d’applications et autres substituts aux rencontres IRL. Forcément, il faut bien faire avancer l’histoire mais on n’a pas vraiment la possibilité de choisir son camps et essayer de voir 2 fins différentes, une où l’on suit la masse et l’autre où l’on s’émancipe et on découvre les vrais plaisirs de la vie. Cela implique donc une aventure fort linéaire totalement dénuée de rejouabilité tant est si bien que l’on souhaite rejouer au jeu après l’avoir terminé une première fois. Après quelques heures de jeu, 4 au total me concernant, on se pose pas mal de questions sur la légitimité du jeu à décrire certaines addictions et à notre réelle tolérance par rapport à la lourdeur du discours et au profond manque de finesse du jeu.


Happiness in Slavery
Mosaic avait tout pour lui, une réalisation sobre mais classieuse, une bande son intéressante et quelques réelles bonnes idées dans la mise en scène de certaines situations de détresse et d’exclusion sociale et professionnelle. Malheureusement, on comprend très vite que par manque de temps et très certainement de budget, les événements spéciaux de la journée normale de notre personnage vont aller très vite et qu’il ne faut pas s’attendre à des évocations subtiles mais bel et bien des symboles pompeux manquant clairement de discernement.


Le message du jeu est trop grossier et brouillon pour que l’on se sente réellement concerné. Si la répétition est logique et bien rendue avec la scène du matin, les phases de travail sont vraiment ennuyeuses et très peu claires. Si le résultat escompté était un ennui profond et un manque d’attrait de la tache qui nous incombe alors c’est parfaitement réussi. Le manque d’explications et de variations dans le challenge et dans l’intérêt de cette phase rend le jeu fastidieux et fait retomber le sentiment que l’on aurait pu avoir de n’être d’un maillon parmi les autres et d’être inutile que ce soit dans notre travail mais aussi en tant que personne.


De plus la maniabilité n’est pas vraiment intuitive et on se retrouve très souvent à chercher ce que l’on doit faire et à trouver le véritable sens dans la mise en scène des passages plus surréalistes. Le challenge n’est au final pas vraiment de trouver la façon de détruite cette machine à broyer nos vies mais bel et bien de pousser notre personnage à faire ce que l’on souhaite qu’il fasse sans devenir fou. Rajoutez à cela pas mal de bugs de collisions et autres événements qui ne se déclenche pas au bon moment et on obtient un certaine frustration et une perte complète d’immersion dans cet univers stylisé et formaté.


Les interactions entre notre personnage et son environnement sont assez bien trouvées pour la plupart mais c’est surtout l’utilisation du téléphone qui apporte un peu de gaieté à notre temps de jeu. Tout y est bien pensé que ce soit dans l’application bien débile où l’on cliquer comme un imbécile pour avancer son e-penis de score ou encore les applications que l’on peut télécharger dans le jeu et les conversations de la messagerie. Tout n’est pas à jeter dans Mosaic, les scènes surréalistes sont bien faites quoi que cliché et on prend tout de même un malin plaisir à aller en dehors des clous pour défier le système et apporter notre désobéissance ludique! Les hallucinations sont marrantes ainsi que les dialogues plutôt bien écrits entre notre poisson rouge et notre personnage. C’est d’ailleurs dommage que l’on ne retrouve pas vraiment de finesse dans nos choix avec lui et que l’on doive soit le suivre soit l’évacuer par la cuvette des toilettes.


This Broken Machine
C’est d’ailleurs particulièrement cocasse que les seuls succès du jeu se résument à utiliser l’application BlipBlop et à nous pousser à l’utiliser dans toute son absurdité et ses déviations addictives utilisées par les lootboxes d’autres éditeurs. En gros c’est faites ce que je dis et pas ce que je fais ce qui est tout de même fort de café vu la réelle teneur de dénonciation du jeu sur ces mêmes comportements. L’avantage, c’est que l’on est pas obligé de tous les utiliser à l’instar de l’application de paiement de ses arriérés ou celle de drague que je n’ai même pas utilisé lors de ma première partie avant que la gestion du Steam Cloud ne soit activée par défaut dans le jeu. Rajoutez à cela l’édition 1% du jeu nous donnant des bonus dans ces parties que l’on entend dénoncer et vous obtenez un rictus gêné de ma part au moment d’écrire ces lignes.


La dualité entre le monde du travail et celui plus verdoyant du monde extérieur est montrée sans réelle nuance ni réelle empathie pour notre personnage et sa vie misérable. On se sent effectivement à part dans cet univers où les gens s’éloignent de ce qui leur est différent et qui n’hésitent pas à monter dans une autre rame de métro pour éviter d’être à nos côtés. La symbolique est forte et la dénonciation de l’uniformité de notre société est bien amenée la première fois que nous la rencontrons. En revanche, le faire systématiquement chaque jour que dois suivre notre personnage atténue fortement la symbolique et au final nous fait sortir de cette bulle de révolte que le jeu attend de nous.


A force de trop matraquer son discours, Mosaic en arrive presque à rendre sympathique tous ces bancs de cols blancs indivisibles et suivant à la trace le troupeau. Certains passages sont plus intelligents comme le moment de basculement que je ne spoilerais pas et on se régale à voir l’implication de nos actes sur nos collaborateurs et sur le contrôle que l’on peu avoir une fois le doute instillé dans les esprits des autres. Les autres symboles comme la chute perpétuelle ou la sensation de se noyer restent des grands classiques de la dépression et autres troubles mentaux et ils sont plutôt bien utilisés ici. C’est surtout le côté utopique du jeu qui reste à quai en matière d’émotions et de finesse dans sa description en jeu vidéo. On aurait aimé un côté plus accès énigme ou découverte comme dans Inside plutôt que les parties walking simulator de Mosaic.


The Great Below
Le jeu devient bien plus intéressant sur sa toute fin où l’ambiance prend une tournure plus glauque et moins clinique voir chirurgicale. Si la fin est prévisible et peut ressembler à une mauvaise publicité pour voiture par certains aspects, on appréciera tout de même la mise en situation et la phase de gameplay qui amène à ce climax. Il y a d’ailleurs d’excellents passages qui sont à signaler comme une balade dans des ruelles et la rencontre (sans interaction) avec d’autres personnes isolées. C’est bien amené et surtout très bien mis en scène.


Mosaic n’est pourtant pas un mauvais jeu, il est réellement novateur dans son concept et sur la façon dont il met en exergue nos dépendances artificielles mais un bon concept ne fait pas forcément un bon jeu. La durée de vie du jeu est assez limitée avec très peu de replay-value une fois le jeu terminé. Le prix est loin d’être excessif que ce soit pour la bande son ou pour le jeu. Comptez 24 succès assez faciles à débusquer ainsi qu’une gestion du Steam Cloud.


Le jeu est intégralement en français et la traduction ne souffre d’aucun problème que ce soit au niveau des fautes ou des tournures de phrases. Le jeu tourne correctement sur n’importe quelle machine récente et il pèse pas bien lourd en terme de place sur votre disque dur. Il y a pas mal de points de sauvegarde ce qui évite de devoir tout refaire pour peu que l’on s’arrête en cours de partie.


Au final, Mosaic est une légère déception en ce qui me concerne. J’attendais beaucoup de ce jeu et je me suis retrouvé avec une aventure trop caricaturale et surtout trop prévisible pour vraiment se sentir concerné et ressentir toute la détresse de notre personnage. Si le jeu peut aider ne serait-ce qu’une personne à se rendre compte que la vie ne se résume pas à son seul travail et que l’on est prisonnier de nos téléphones, ce sera déjà pas mal. Pour le reste, je reste sur ma faim et espère autre chose de cet excellent studio. Dommage.

LoutrePerfide
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le 11 déc. 2019

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