Nuclear Throne
7.4
Nuclear Throne

Jeu de Vlambeer (2015PC)

Au royaume des Rogue-like, je sais qui siège sur le Trône.

Pré-scriptor : j'ai un milliard de choses à dire sur ce jeu, tellement je le trouve naturellement généreux et que je l'ai écumé. Mais vu que sa sortie est imminente, je me sens presque obligé d'en parler vu que j'adore ce jeu et j'espère qu'il va percer. Je suis tellement ravi de l’avoir vu évoluer depuis presque 3 ans déjà et d’en voir la réussite absolue. Alors juste pour info, ça risque d'être un peu confus et bourré d'anglicismes vu que j'ai tout écrit en une traite, soyez indulgent. Et aussi, lisez la critique de Go-Ichi, éminemment complète (http://www.senscritique.com/jeuvideo/Nuclear_Throne/critique/27252097) au sujet du jeu.
 



Isaac vs. Nuclear Throne



Dans le monde assez hype des rogue-like indés, j'ai longtemps considéré The Binding of Isaac comme un accomplissement, un aboutissement. Pour moi c'était le plus riche en termes d'aléatoire, de contenu, de défis et de synergies entre objets, power-ups, passifs, etc. Bref, le jeu offre des combinaisons de possibles vertigineuses, et c'est une part du plaisir du jeu de se dire "tiens ça fait quoi ça ??"; de vouloir tout tester en somme. Pour autant, en termes de gameplay, des tares émergeaient au fur et à mesure que je jouais. Je remarquais qu'une partie pouvait être condamnée dès le premier étage, pour peu que notre starter soit nul ou que l'on se coltine des power-down (sic). Le rythme étant relativement lent et le level-design en donjons n'aidant pas, on pouvait passer de longues minutes à zoner et puis crever comme un sac contre un boss, faute de dps. Frustration, donc. Inversement, on peut se retrouver overstuff et potentiellement intouchable et destructeur en deux frames. En somme, la part de contingence est forte dans une partie de Binding of Isaac. Mais n'oublions pas que le sujet ici, c'est Nuclear Throne, alors ne nous épanchons pas trop sur le jeu de McMillen. C'était juste une base de comparaison.


Pour la faire clair, Nuclear Throne contourne de nombreux problèmes amorcés par Isaac. Car dans Nuclear Throne, tout est affaire de compensation. Je m'explique. Fixons le niveau de difficulté de base des deux jeux à 10. Selon ta chance dans Isaac, une partie peut atteindre, très schématiquement, une difficulté de 1. Ton skill étant alors relativement peu mis à épreuve pour peu que tu aies de bons objets. Si t’es malchanceux, la difficulté atteint un seuil de 30, pour se donner un ordre d'idée. La difficulté d'un NT naviguerait elle entre 5 et 15 (ces chiffres ne se rapportent à rien de mathématique, c'est juste pour exprimer une forte ou faible variabilité).


En effet, une mécanique primordiale du jeu -et parmi tant d'autres, c'est la richesse de ses loots. Je ne spoil pas les particularités du jeu car c'est aussi un plaisir de découvrir le contenu du jeu (on y reviendra), mais force est de constater que quand, à chaque partie tu as le choix entre 15 armes différentes in-game, eh bien le jeu t’offres plus de chances de lutter, ainsi que de jouer selon tes préférences. Bien plus que si tu es cantonnés à des larmes de merde, la faute à un pick aléatoire par étage. Bref, malgré un contenu aléatoire, la flexibilité des moyens offerte au joueur reste forte, ce qui met ainsi en valeur ton skill pour parvenir à finir le jeu.


Pour finir sur ce point là, les armes sont nombreuses mais regroupées en pools, chacune étant bien marquée : pistolets, arbalètes, explosifs, mêlée, etc. Elles sont aussi plus ou moins hiérarchisées et déclinées intrinsèquement. Ceci qui incite à faire des sacrifices et prendre des risques : vais-je prendre cette version d'arbalète aux dégâts assez faibles mais à forte cadence, ou celle-ci, tirant un énorme et destructeur carreau, mais me bouffant deux munitions et avec un cooldown élevé ? L’avantage, comparé à un Isaac, c'est que l'aléatoire et la difficulté progressive est tout de même compensé dans la mesure où plus tu avances, plus tu as de chances d'obtenir des armes fortes et adaptées à la résilience de tes ennemis. Pour autant, la mécanique est vicieuse car elles sont généralement plus gourmandes en munitions, te forçant à gérer ta sélection de tir, et à ne pas trop bourrer dans le maelstrom ambiant. Tu l'auras compris, rien que le système de sélection d'armes permet de gérer fortement la difficulté du jeu : elles te rendent plus fort par rapport à tes ennemis, mais pas trop, car on reste tributaire de l'environnement (quantité d'ennemis toujours croissant, gestion des munitions, nombre de projectiles létaux présentes à l'écran...), et l'équilibre est souvent respecté. (N.B. : il n'empêche tout de même des parties du gwak où on est totalement à poil, et là c'est bon pour le reset). Bien sûr, le système est plus ou moins cassable pour peu que l'on soit très fort, mais le niveau de difficulté étant assez élevé pour un joueur lambda, tu ne seras jamais invincible. D'autant que la difficulté est toujours croissante !



Nothing is Fair, Nothing is Right



Par extension aux derniers points évoqués ci-dessus, on est effectivement très, mais alors très vulnérable. Le jeu est cruel. Le jeu ne fera jamais de cadeau. Car la barre de points de vie ne signifie pas grand-chose. Chaque perso dispose de 8 pv (à quelques exceptions près). Une balle, c’est trois hp en moins, un laser deux, un contact avec un ennemi, de deux à six, une explosion, six. Bref, le jeu ne permet pas trop de foncer bêtement dans le tas. Il va falloir jouer rusé, pratiquer la campe dans un safe-spot, sortir son museau, se planquer à nouveau. Si ça ne tenait qu’à ça, le jeu serait assez peu intéressant. Bah justement, il va falloir prendre des risques : un moment, il faut se jeter dans la mêlée, mais intelligemment. Etablir un plan de combat, identifier les cibles dangereuses. Il faut être aussi compétent pour esquiver les projectiles, viser correctement, sinon c’est la mort en deux frames. Et donc, savoir improviser parce que rien ne se passera comme prévu. Nuclear Throne est un jeu exigeant, mais il te pousse à te faire progresser. A la dure, certes, mais c’est pour notre bien dirons-nous.


En effet, si tu perds une partie, ne reproche pas grand-chose au jeu. Bon un peu parfois, par exemple quand trois snipers t’ont en ligne de mire et que le Big Dog te submerge de missiles, ça fait beaucoup à esquiver en peu de temps. Alors on peste, et vas-y que le jeu est injuste, mais deal with it, si tu veux jouer à un jeu gratuit, retourne sur call of. C’est pas I Wanna be the Guy niveau putasserie non plus. Non non, il faut te pencher sur toi-même : malgré le sel de ta défaite amère, ta rage tu contiendras et ta lucidité tu retrouveras. Qu’essayer de comprendre que ce n’était pas une bonne idée de tirer cette grenade sur cet ennemi te collant au cul. Que bordel, j’aurais pu éviter le coup de bâton de ce salaud de ninja si je l’avais vu, la prochaine fois j’essayerais de tendre l’oreille pour être sûr qu’il n’y en a pas dans le coin. Que notre dextérité et notre mobilité à esquiver les tirs nourris n’est tout simplement pas assez bonne.


Et plus de notre skill, il va falloir questionner les choix d'upgrade, système assez marrant au demeurant. En gros, à chaque niveau obtenu, on dispose de choix entre des améliorations plus ou moins impactantes sur le jeu. Jusque-là, rien de trépidant, mais leur côté providentiel leur donne un piment certain. Par exemple, quand tu es à 0 pv pendant l’écran de chargement (sisi c’est possible), et il te faut absolument la peau de rhino ou la bien nommée « dernier vœu » pour s’en sortir. Ou quand tu rages parce que y’a rien de bien qui tombe jusqu’à cette sélection maudite ou tous les upgrades juteux apparaissent d’un coup : il va falloir faire un choix cornélien pour la suite de l’aventure. Ce qui est bien aussi, c’est que les mutations ne te rendront jamais craqué, mais qu’elles compenseront plus ou moins ta fragilité dans ce monde de brutes.



Watch the Throne



Bon, si on résumait le système du jeu à ce que je viens d’évoquer, on aurait plutôt affaire à un jeu hardcore, aux mécaniques poussées et cohérentes, mais dont on pourrait lâcher totalement prise tant c’est rebutant. Un peu comme un shmup à l’ancienne quoi.


Mais c’est que le jeu est malin. En effet, le jeu nous botte le cul, mais on y retourne quand même. Pourquoi ? Car on a l’impression d’avoir notre chance. Quoique l'on en dise, on se dit que ce connard de bandit qui nous a ruiné cette run-qui-était-la-bonne-je-vous-jure, on lui aurait collé un taquet et on ne le revoyait plus. Il y a une sorte de pied d’égalité envers un ennemi, parce qu’en soit on peut le buter tellement facilement, et que lui aussi. Le problème étant qu’il y en a tellement, des ennemis… Enfin bon, le jeu devient vite addictif malgré la frustration et le ratio de victoires proche du néant (eh, objectivement, c’est la vérité).


Le côté addictif vient aussi de son action nerveuse et de l’intensivité de ses parties. En moyenne, enfin selon notre durée de (sur)vie, on oscille entre 30 secondes (!) et 20 minutes. Un niveau peut durer quelques secondes à peine, par exemple le labo qui te met dans un état de stase où il va falloir shooter tout ce qui bouge. Honnêtement, niveau défouloir frénétique, on a des phases qui ne sont pas sans rappeler Hotline Miami tant le jeu nous pousse à la perfection.


Le plaisir procuré par le jeu vient aussi de son feeling d’excellence. Le comportement des armes est gratifiant, et vu la profusion de disponibilités, il est dur de se lasser de l’emploi de l’une d’entre elles. Voire même, grâce au système de loot, on en est content de tomber sur une telle arme alors qu’on se traîne avec un vieux tournevis raccroc. Ajoutez aussi un screenshake plus ou moins intense selon les dégâts infligés, et on a un retour parfaitement cohérent sur notre impact dans le jeu. C’est tout con quand on y pense, mais le jeu offre de très bons feedbacks (1). Quoi de plus jouissif que d'asséner un coup de marteau fracassant dans la nuque de cette raclure de rat qui n'avait pas soupçonné ta présence ?


Enfin, la progression est toujours valorisante : le contenu à découvrir est pléthore, mais il est souvent bien caché et dur à obtenir. En gros, quand tu arrives à tes objectifs, tu peux légitiment penser que tu l’as bien mérité. Nouveaux persos au gameplay radicalement différent des autres, niveau cachés, système de couronnes entre trophée et power-up, etc.



The struggle continues



Probablement la dernière raison (si ça ne suffisait pas) pour laquelle je kiffe ce jeu, c’est aussi son enrobage peaufiné. L‘univers post-apo est foutraque mais plaisant : il autorise un bestiaire imagé et charismatique, tout comme le chara-design des protagonistes. L’humour est toujours présent, entre les écrans de chargement et ses conseils à deux balles ("Hp will only drop when damage", "The Throne definitely exists", les vrais savent), le "hp low" à chaque fois que l’on perd le moindre pv voire l’arme la plus trollesque du jeu qui permet de débloquer une aire et du contenu caché (je n’en dirais pas plus)…


Les références sont bien ciblées, quoique discrètes dans le gameplay ; je pense par exemple à Shin Megami Tensei : "If only you could talk to the monsters", nous balance un des bandeaux pendant les chargements; Fallout bien évidemment; on peut aussi parler vite fait des tuyaux dans les égouts, ou (attention petit spoil)


de tortues et de pizzas dans un niveau caché.


Le background et l’univers me fascine également : il y a une histoire, et bien qu’elle soit en retrait, elle m’apporte une nouvelle couche empathique envers ce jeu déjà excellent. Ça passe par des détails, mais le thème de l’éternel recommencement est bien sûr à souligner. Couplé aux thèmes musicaux Morr-iconique (ce mot-valise, pouah) de Julio Kallio, il en ressort une sorte de nostalgie, de solitude de voir l’équipe au coin du feu de camp…puis tentant désespérément d’atteindre le trône fantasmé alors que retentit un harmonica lancinant, et que l’on sait pertinemment que notre partie va se solder par un échec…


Spoil :


Le fait de faire looper le jeu alors que l’on a battu le dernier boss est un modèle de mise en abyme du joueur dans le jeu ainsi que de la quête. L’histoire n’aura donc jamais de fin ??


La radiation quant à elle permet de devenir plus fort, mais elle a rendu les personnages difformes : rien que Melting et son "everything hurts" l’atteste. Aussi, pourquoi la Police Inter-dimensionnelle nous en veut et nous traque ?? Il est étonnant de voir son parti dans le jeu puisque elle peut également cogner les monstres et pas que notre avatar. Vu que l'on passe entre les portails, sommes-nous les "méchants" qui perturbons l'équilibre entre les univers ? Enfin, ça ne change pas trop le gameplay, mais ça fait plaisir de remarquer que le jeu a développé son propre univers cohérent, sa genèse en quelque sorte, tout en laissant une part de mystère, de marge à l'interprétation et aux théories du joueur qui veut bien s'en donner la peine.


Je finirais cette critique déjà trop longue sur l’ultime réussite de Nuclear Throne : le personnage de Yung Venuz, qui n’est autre qu’un œil illuminati, vénérant les billets verts et possédant des armes dorées, soit l’artefact incarné du $w@G et probablement le perso le plus pimp de l’histoire du jeu vidéo. Non mais écoute-moi ce thème bordel ! https://www.youtube.com/watch?v=_jl3iBbkwFM.
En plus, en appuyant sur "b" dans le jeu, on lance un son de corne de brume typiquement trap (protip)
 


Bref, pour finir ce pavé interminable mais presque vital, Nuclear Throne est une réussite incroyable tant c’est une accumulation de choix judicieux. Il y a du défi, du sel, des instants de gloire et des larmes, du pimp à tous les étages. Personnellement, je ne sais pas ce qu’un jeu pouvait offrir de plus, ni ce qu’un joueur pouvait en réclamer.


-


Note : (1) https://www.youtube.com/watch?v=AJdEqssNZ-U Un discours très sympa de Jan Willem Nijman, un des petits gars de Vlambeer, avec quelques phrases bien senties sur quelles ficelles employer afin d'améliorer son jeu avec pas grand chose.

BrookMan
10
Écrit par

Créée

le 14 déc. 2015

Critique lue 902 fois

4 j'aime

7 commentaires

BrookMan

Écrit par

Critique lue 902 fois

4
7

D'autres avis sur Nuclear Throne

Nuclear Throne
IIILazarusIII
7

Whrah har har har har !

Programmé en trois jours pendant la Mojam 2 (Gamejam des mecs de Minecraft en partenariat avec Humble Bundle), Wasteland Kings devait suivre le thème "guerre thermonucléaire permanente" (ou quelque...

le 28 mars 2013

13 j'aime

4

Nuclear Throne
Clément_Etienne
4

Vous vous foutez de notre gueule ???

J'adore l'ambiance de ce jeu. J'adore les personnages, une bande de mutants au milieu d'un paysage apocalyptique. J'adore le côté mystique du scénario, dans lequel on ne sait finalement pas grand...

le 18 août 2015

11 j'aime

19

Du même critique

Samurai Champloo
BrookMan
8

L'Odyssée Japonaise.

Samouraï Champloo s'avère être un pari, un pari osé, voire même culotté, mais terriblement agaçant de réussite. Watanabe, tout en respectant la plupart des codes du Shônen, empreint son oeuvre de...

le 31 mars 2013

34 j'aime

8

Barry Lyndon
BrookMan
9

The Rise and Fall of Barry Lyndon.

Comment dire ? Après avoir vu Barry Lyndon et même sans tout savoir de l'oeuvre de Kubrick, je suis presque en mesure de dire que c'est son film le plus abouti esthétiquement, et sans doute le plus...

le 15 juin 2013

13 j'aime

15

Whiplash
BrookMan
3

Auto-flagellation

Je n'en attendais rien, j'ai pas été déçu et encore moins satisfait. C'est un détournement, une arnaque garnie de remplissages. Je me pose des questions sur les yeux et les oreilles de la commu au vu...

le 9 juil. 2017

9 j'aime

1