Queen: The eYe
2.2
Queen: The eYe

Jeu (1998PC)

Lissez-donc la texture de votre moustache, ça va être le festival !


My Fairy King


J'ai acheté ce jeu day one ou peut s'en faut, il faut dire, et peut-être le savez-vous déjà que Queen est le groupe qui aura accompagné mon adolescence et qui aura servi de bande son à tant de moments que, même si aujourd'hui je ne peux pas parler de Queen comme mon groupe préféré, c'est en tout cas celui qui m'est le plus familier.
Au fil de ses albums, moins ouvertement que d'autres groupes, Queen a tout de même construit une sorte de mythologie interne, une sorte d'univers qui réapparaît d'un morceau à l'autre, surtout au début de la carrière du groupe, dans une sorte de fantasy baroque. On y croise une souveraine fantomatique à l'aura de sainteté dans le titre White Queen, son impitoyable opposée, la martiale Black Queen, des fées, des chevaux ailés, des abeilles sans rayures, un Great King Rat immonde et odieux, un King of Rhye régnant sur les 7 Mers, des titans, des troubadours, des ogres, un bûcheron féerique, Obéron et Titania... Plein de monde. Ca c'était au sein des trois premiers albums, certes, mais c'est déjà un univers assez généreux pour inspirer, pourquoi pas, un jeu vidéo.


Dans les années 80 Queen a embrassé la culture pop avec deux albums en lien avec des grands succès du cinéma, Flash Gordon et Highlander, et ils... Ah pardon, ce ne sont pas vraiment des grand succès, du moins pas avant les VHS, les rediffusions et une série où le neuveu McLeod tranchait des têtes en compagnie d'Alexandra Vandernoot et de Roger Daltree sur les bords de Seine. D'accord, ce sont des faits d'armes un peu moins glorieux que les stades remplis et les ventes titanesques des albums et best-of, mais cela contribue à ancrer plus encore le groupe dans un paysage populaire usé aujourd'hui par le magnétoscope de la nostalgie. Il y a aussi eu Wayne's World tiens !
Et ils s'étaient presque même frottés au jeu vidéo. Le clip de Invisible Man emprunte à cette esthétique avec une référence claire au fameux Little Computer People de David Crane et ses amis.


On a donc, sinon de bonnes cartes en main, du moins de quoi attiser la curiosité quand The eYe pointe le bout de son nez !


Voici donc que pour mon anniversaire, je reçois un peu d'argent au milieu de déjà trop de cadeaux, et que, errant dans ce cher Toys R' Us, je tombe sur ce jeu dont j'avais vaguement eu connaissance dans un magazine de jeux de rôles me semble-t-il. Cadeau différé mais cadeau quand même, c'est triomphant, la tête pleine de promesses d'épopées rococos que je rentrai chez-moi, prêt à réserver à ce jeu la place du roi sur le Packard Bell familial muni de son iconique Windows 95.


Don't Try so Hard


Ici commence l'intermède configuration.
Comme le souligne le site Abandonware, The eYe est l'un des tout derniers jeux parus en 1998 à tourner sous Dos et non Windows 95, est-ce ce qui conduira à la tragédie que vous sentez peut-être arriver ? Pas sûr, mais laissez-moi continuer.
L'installation se révèle compliquée, l'excitation se change en impatience, l'impatience en inquiétude, l'inquiétude en frustration et la frustration en détresse. Le jeu ne fonctionne pas. C'est tout, j'ai beau impliquer mon père, pleurer presque, ausculter les cinq CD (rien que ça) contenus dans la boîte, relire les instructions, rien n'y fait, The eYe reste indifférent à toute tentative, menace ou cajôlerie. Et pourtant l'écran de titre commence à s'afficher, c'est presque pire. Je ne sais plus pour quelle raison j'avais pris des notes au stylo sur la notice, ça aura son importance.


Flick of the Wrist


Frustré, trahi même, je me contentai alors de feuilleter la notice, de rêver aux mondes promis par les captures d'écran. Surtout, j'écoutais les cinq CD sur ma chaîne, car, chose merveilleuse, les cinq CD étaient remplis à craquer de musique de Queen, spécialement remixée pour l'occasion. Et pas que des titres connus ! On a Hang on in There, The Night Comes Down, Death on Two Legs, Ride the Wild Wind... des morceaux bien plus discrets mais que j'affectionnais particulièrement (et aussi le thème de Flash Gordon). Et cet install qui n'installe rien !


Résignés, nous décidons avec mes parents de rendre le jeu pour un échange ou un remboursement. Or, comme je l'avais dit, j'avais écrit sur la notice et, alors que les retours en magasin des jeux-vidéo étaient toujours compliqués car les soupçons de copie pirate faisaient qu'il fallait montrer patte blanche, le ticket de caisse et être patient. Présenter un extrait de casier judiciaire aurait été l'étape suivante. Donc, mon père s'improvisa faussaire, badigeonna mes notes au stylo de correcteur blanc, photocopia la page incriminée et, après une soigneuse découpe et une manipulation hardie des agrafes, reconstitua une notice comme neuve. Pourvu que ça passe !

La dame du Toys R' Us n'y vit que du feu, je notai alors avec ironie que, annonçant le retour du jeu The eYe à son collègue au téléphone, la malheureuse souffrait d'un conséquent strabisme ! Hélas le malheur ne cessa ici puisque l'exemplaire que nous rapportions était l'unique, la seule solution était donc un remboursement sans difficulté, honnête transaction mais ô combien frustrante car nous repartîmes les mains vides. Adieu, The eYe, adieu monde bigarré, adieu pistes inédites et remixées de chansons que j'adorais, adieu mystérieux inspecteur Dubroc qui arpentait les différentes zones d'une dystopie en quête de liberté sur la musique de mon groupe préféré d'alors.
J'oubliai peu à peu ma peine, forgeant en mon for intérieur le serment que je trouverai le moyen d'y jouer un jour, et magnifiant dans mon imaginaire les bribes aperçues de ce monde qui m'échappait.


Car, oui, j'avais pu me familiariser avec l'histoire. Un certain Dubroc, ce nom exhale le charisme, lutte contre une tyrannie qui interdit toute forme d'expression artistique. Heureusement, grâce à ses poings, ses armes et la musique de Queen, il tente, au sein d'arènes de se tracer un chemin vers la victoire, la liberté et la vérité. On dirait 1984 qui aurait fondu dans le film Running Man et Le Cirque du Soleil !
Ah, comme je soupirais !


If You Can't Beat Them


Vint alors l'émulation.
Je pus enfin respecter mon serment et me lancer dans l'aventure, près de 22 ans après !
Comme il vaut parfois mieux vivre dans ses rêves que de se confronter à la dure réalité ! The eYe se montre lourd, dépassé dès sa sortie avec son système de combat archaïque et qui nécessite de mémoriser une quantité incroyable de commandes. La difficulté si mal dosée que périr lors du tout premier affrontement est habituel et qu'on se met alors à fuir tout combat au travers des tableaux en 3D précalculée. Notre vaillant Dubroc ainsi que ses adversaires tout droits sortis de la Foire du Trône quand elle s'installe dans le monde de Mad Max sont eux en vraie 3D, pas très jolis à voir cependant, que ce soit la technique ou la direction artistique ça n'a rien de glorieux. L'univers par ailleurs n'a pas tellement de lien avec Queen, on dirait plutôt qu'on a plaqué la musique et quelques artworks des albums du groupe sur un jeu médiocre avec un concept pas vraiment très original. Quand on compare le jeu lui même aux sorties de la même période, je pense à Resident Evil ou Tomb Raider, la consolation d'entendre les chansons de Queen au milieu de ce néant ludique est bien maigre. En plus, ces musiques ne sont pas très bien intégrées et ne collent pas vraiment à l'action de ce jeu qui peine pitoyablement à se hisser au-delà de la curiosité pour fans du groupe.


The Loser in the End


Je ne peux pas dire que le jeu m'a réellement déçu, j'ai pu dès que Youtube est apparu, voir que je n'avais pas manqué grand chose. Je ne suis quand même pas peu fier d'avoir eu, brièvement, entre les mains cette étrange création, qui ne dépareillerait pas aux côtés de l'infâme jeu de tir Revolution X des sympathiques Aerosmith. Restent les albums, l'imagination et les souvenirs.

I-Reverend
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le 2 mai 2020

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I-Reverend

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