Resident Evil 3
6.8
Resident Evil 3

Jeu de Capcom et M-Two (2020PC)

Un peu plus d’un an après la réinterprétation réussie de Resident Evil 2, voici donc déjà venir celle du troisième épisode. Si le succès du remake de Janvier 2019 avait suscité l’enthousiasme, on ne s’attendait pas pour autant à voir arriver cette suite si tôt. Mais sur sa lancée, Capcom a décidé de battre le fer pendant qu’il était chaud en enchainant sur cette suite un an plus tard. Une démarche qui fait certes plaisir tant on était impatient de voir comment les technologies d’aujourd’hui pouvaient rendre hommage à l’une des figures effrayantes les plus reconnues de l’ère Playstation, à savoir le Nemesis. Mais une sortie aussi rapide interpelle forcément quant au contenu d’un jeu déjà court à l’époque, qu’on espérait voir quelque peu étoffé, au même titre que ses deux grands frères. Peine perdue, la firme Japonaise ayant hélas décidé de surfer sur les vagues du succès de sa licence en sortant précipitamment un titre aux allures douteuses de DLC standalone. L’enrichissement attendu laisse donc ici place à une épuration des soi-disant longueurs qui pouvaient clairsemer la version de 1999. Dans le fond, ce choix n’était pas totalement dépourvu de pertinence à partir du moment où la nouvelle proposition apportait suffisamment pour le justifier. Mais dans le cas d’un titre n’excédant pas, à la base, les six heures de durée de vie, cet appauvrissement pourra tout de même questionner sur sa légitimité, d’autant qu’une partie des atouts maîtres du titre originel en ont également profité pour se faire la malle, sans qu’on y gagne pour autant la moindre compensation.



Peur sur la ville



Pourtant, les choses n’avaient pas si mal commencé, avec une Jill Valentine qu’on découvre en vue subjective dans son appartement, en proie à ses angoisses d’avoir été contaminée par le virus T lors de sa première mission au manoir d’Umbrella. Mais la jeune femme n’aura guère le temps de s’apitoyer sur son sort, découvrant rapidement que le chaos règne au sein de la ville, avant d’être attaquée par un Nemesis en mode Terminator, plus impressionnant encore que dans nos souvenirs. Un départ tonitruant en parfaite adéquation avec la tournure plus action voulue par cet épisode, que Capcom a cherché à rendre encore plus déterminante avec ce remake. On remarque à ce propos assez aisément que toute l’aventure a été construite dans cette optique, obsédé par l’idée de se débarrasser de toute surcouche inutile d’exploration afin de privilégier un rythme plus effréné qu’auparavant. Qu’on adhère ou non à cette volonté, force est de constater que l’exécution paraît ici plutôt cohérente, tant on a l’impression de vivre une aventure dénuée de tout temps mort, ce qui fait un bien fou par les temps qui courent. Moi-même sceptique quant à cette direction centrée sur l’action qui n’est pas nécessairement ma préférée de la saga Resident Evil, j’admets lui avoir trouvé de bons côtés, et j’ai même cru un temps qu’elle arriverait à me convaincre de son bien-fondé. Ce surplus de nervosité dynamise en effet avec brio une grande partie du parcours, tout en octroyant au capital fun une place significative d’assez bon goût.


Epuré de tout excès d’énigme à vocation de remplissage, d’allers-retours intempestifs, ou de tout moment de blocage qui s’éternise, ce nouveau Resident Evil privilégie une progression plus fluide, plus enclin à nous voir faire parler la poudre à l’aide de son gameplay nerveux, qu’à nous perdre dans des phases de réflexion de bas étage. A cet effet, Jill semble se mouvoir un peu plus vite que ses deux collègues de Resident Evil 2 et courte durée de vie oblige, son arsenal plus généreux arrive à une fréquence assez élevée ce qui offre des sensations de renouvellements très plaisantes. On appréciera aussi la disparition de certaines lourdeurs à l’image du couteau redevenu indestructible, ou l’apparition de quelques subtiles nouveautés comme le mouvement d’esquive plutôt intéressant à apprivoiser.


Les habitués sauront également se réjouir de quelques surprises assez bienvenues, comme la redécouverte de certains environnements finement remaniés, et qu’on sera amené à traverser dans un ordre souvent différent. Certains ennemis feront également l’objet de quelques surprises, à l’instar des Drains Deimos plus petits mais en plus grand nombre, ou la refonte du Grave Digger en plusieurs abominations, pour de nouveaux affrontements assez stressants. A ce propos, on s’amusera également de voir le jeu s’amuser avec notre mémoire, en redistribuant çà et là quelques jump-scares qui rappelleront de bons souvenirs aux adeptes de l’épisode original. On s’étonnera d’ailleurs agréablement d’un stress assez régulièrement présent malgré les penchants pourtant très action de cet opus. De ce point de vue, des séquences comme celles de la station électrique ou de l’hôpital savent se montrer très efficaces, en dépit de rebondissements ultra téléphonés qui dégageront paradoxalement, pour certains, cette bonne odeur de nostalgie des années 90. On a évidemment déjà vu bien mieux dans le genre mais compte-tenu des intentions assez agitées du titre de Capcom, l’attention est suffisamment inattendue et d’un niveau correct pour mériter d’être saluée.


Et avouons-le, malgré un certain nombre d’assets ouvertement repris de Resident Evil 2 Remake, cette suite est, graphiquement, d’une très grande classe. Plus extérieur que son prédécesseur au moins dans sa première moitié, ce Resident Evil 3 2020 propose une vision assez vivante de Raccoon City en plein chaos, avec des décors plus riches et détaillés. La direction artistique plus colorée et « festive » retranscrit parfaitement bien l’ambiance plus rentre-dedans et rythmée de l’escapade de Jill et Carlos, sans pour autant tomber dans le criard, ou oublier les moments plus glauques et sombres qui fonctionnent tout aussi bien. J’avais pour ma part quelques griefs à l’encontre du redesign de Jill, qui ne me paraissait pas forcément raté, mais un peu hors-sujet et pas forcément du meilleur goût, un sentiment assez récurrent chez moi ces derniers temps avec Capcom. On va simplement dire que la réussite générale du bestiaire, ou que le travail réalisé sur Carlos ou les autres personnages secondaires m’auront aidé à faire passer la pilule sans trop sourciller. On regrettera tout de même que certaines approximations techniques déjà présentes l’année dernière aient trouvé leur chemin jusqu’à cette troisième réédition, tel ces fâcheux artefacts trahissant quelques ratés d’effets de lumières, notamment sur les surfaces en métal. Rien toutefois de suffisamment dommageable pour entacher une réalisation globalement exemplaire, que l’environnement sonore viendra compléter avec tout autant de justesse.


Si l’on pourra trouver que certains thèmes font un peu trop cinéma d’action générique à l’instar de celui du Nemesis, la bande originale fonctionne par ailleurs très bien, notamment quand elle repart sur un style Resident Evil plus traditionnel, par exemple avec les mélodies des salles de sauvegardes. Concernant le doublage, si la version Française m’a paru plutôt correcte malgré un mixage rendant une grande partie des dialogues peu audibles sans un minimum de réglages, je lui ai tout de même préféré la version anglaise, à mon sens plus immersive. Mais c’est évidemment le sound design qui tire son épingle du jeu quand il s’agit d’illustrer les plus gros moments de tension, notamment quand il s’agit d’illustrer un jump-scare bien senti au détour d’une ruelle ou d’un couloir. Toutefois, le vieux fan que je suis a eu bien du mal à se satisfaire de la nouvelle voix très rauque et trafiquée du Nemesis, dont le si culte « S.T.A.R.S. », sorti en de rares occasions, est tellement étouffé que les oreilles les moins attentives ont de grandes chances de tout simplement passer à côté.



La théorie de la régression



Une petite déception qui, malgré un tableau jusqu’ici attrayant, va hélas s’accompagner d’autres contrariétés plus importantes. A commencer par le Nemesis lui-même, fer de lance de cet épisode, et en fin de compte plutôt décevant. Personnellement, j’avais peur qu’il se montre un peu trop envahissant après un MR X un brin fatigant dans le Remake précédent. Mais c’était sans compter sur le caractère timbre-poste de ce troisième épisode qui ne prend guère le temps de développer grand-chose, pas même sa star principale. En résulte une présence plus ponctuelle et moins impactante que dans le volet original, pour une créature qui s’apparente désormais plus à un gros ennemi récurrent venant dynamiser de temps à autres notre parcours. S’il reste un adversaire impressionnant qui reste agréable à combattre ou à fuir, il n’en est pas moins désormais trop effacé pour prétendre à autre chose qu’à un classique statut de dernier boss un peu plus encombrant que la normale. Je ne souhaitais évidemment pas voir le Nemesis me courir après durant toute l’aventure jusqu’à écœurement, mais sans tomber dans l’exagération d’un MR X, il y avait peut-être un juste équilibre à trouver, malheureusement incompatible avec une structure aussi expéditive.


Car c’est bien à cette vision un peu trop directe que l’on doit une grande partie des déceptions de ce Resident Evil 3 2020. Alors on peut aisément comprendre que Capcom ait souhaité privilégier une dimension plus arcade dont les relents de Resident Evil 4 ou de Dino Crisis 2 parleront aux adeptes de survival-horrors orientés action. Mais les amateurs d’ambiance à la recherche d’une expérience plus explorative auront bien du mal à se contenter de cette formule un peu trop brute de décoffrage. Première grosse victime à en faire les frais, l’exploration et les énigmes désormais réduites à peau de chagrin. Certains voient ce choix comme un bienfait afin d’éviter les abus de longueurs. Mais c’est aussi ce qui prive le titre d’une partie de son immersion et de ses vertus de jeu d’aventure. Si diminuer les allers-retours inutiles n’a rien d’une mauvaise intention, la totale absence d’énigmes valables ou le peu d’intérêt laissé à l’aspect investigation a tout de même de quoi surprendre, la destruction de figurines héritée du précédent volet constituant un bien maigre lot de consolation.


Et puis soyons honnêtes. Cette épuration, qu’elle soit dictée par des velléités ludiques ou des impératifs plus marketing, ne saurait en aucun cas justifier ce contenu passé à la moulinette au regard de la première version, et pas même compensée par une durée de vie plus importante qu’à l’époque. Difficile donc de passer sous silence la disparition du fameux beffroi déjà dénoncée un peu partout. Non contente de nous priver d’une portion pas si congrue du titre original, cette absence sabre encore plus une durée de vie déjà famélique qui se serait bien passé d’un tel sacrifice. Autre éviction toute aussi frustrante, le système de choix qui faisait pourtant une grande partie de la personnalité du jeu de base. Offrant une replay-value plus consistante que quelques nouveaux costumes ou autres armes à munitions infinies, elle octroyait au Resident Evil 3 de base une feature intéressante que cette édition 2020 aurait pu et aurait dû transcender avec les techniques d’aujourd’hui. Las, on est obligé de constater avec dépit que l’action à outrance semble être le seul attrait que Capcom a retenu du jeu de Shinji Mikami et Kazuhiro Aoyama. Et qu’on adhère ou non à la philosophie plus action de son remake, elle ne justifie en rien la suppression pure et simple d’éléments clefs du matériau de base. Et d’autant plus lorsque même les phases de castagne provoquent cette tenace impression de manque, au moment de constater que le bestiaire n’a, lui non plus, pas réussi à arriver complet à bon port. Définitivement prisonniers d’une époque révolue, araignées ou corbeaux resteront ainsi le cauchemar exclusif des vétérans et des adeptes du rétro-gaming. Je pourrais enfoncer le clou en insistant également sur le remplacement du sympathique mode Mercenaires par l’arrivée du très oubliable mode Resistance aux composantes plus multi-joueurs, ou encore sur une violence plus édulcorée qui n’a ici pas vraiment de sens. Mais ça serait tirer plus que de raison sur une ambulance déjà en bien mauvais état.


Sans doute conscient que ce petit nettoyage par le vide risquait de faire jazzer, l’éditeur Japonais a essayé de l’expliquer par sa volonté de fluidifier et enrichir l’histoire et la mise en scène. Mais même en sachant cela, le gain paraît tout de même bien léger compte-tenu du résultat. Car si l’écriture permet effectivement à certains personnages comme Carlos de gagner en profondeur, l’ensemble reste bien trop succinct et superficiel pour réellement convaincre. Expéditif, le récit se termine alors même qu’il donne l’impression d’avoir à peine débuté, tout en étant totalement dépourvu de scènes un minimum marquantes. Au mieux, on s’amuse de retrouver quelques séquences sympathiquement retravaillées du jeu de 1999. Mais on ne se souvient plus guère de ce scénario bien générique une fois le jeu coupé, privé des quelques mécaniques qui lui donnait un minimum d’identité ou de son système de fins multiples. Bien trop pressée, cette histoire se montre par voie de conséquence à l’image de Resident Evil 3 Remake. Un titre bien trop hâtif, exclusivement focalisé sur sa proposition d’action pure qu’il sait très certainement amener avec un certain brio, mais qui ne l’empêche malheureusement pas d’oublier en cours de route ce qui faisait une partie de son charme. Nous sommes d’accord sur le fait que l’essence même d’un Remake est de réinterpréter, ce qui implique l’arrivée d’inévitables transformations. Néanmoins, si toute évolution va de pair avec un minimum de changements, ils ne sont en aucun cas recevables s’ils conduisent à un appauvrissement général. Cependant malgré d’indéniables qualités, c’est finalement ce sentiment d’avoir perdu au change qui prédomine au sortir de cette nouvelle confrontation avec le Nemesis.


Jusqu’ici exemplaire dans l’exercice de revisiter sa saga de survival-horror fétiche, Capcom montre quelques signes de faiblesses avec ce Resident Evil 3 Remake. L’idée d’accentuer la partie action de l’épisode le plus nerveux de l’ère Playstation n’avait pourtant rien d’insensé, et nul doute que les plus adeptes de la série à ses heures les plus bourrines apprécieront la démarche. Beau, très rythmé et plutôt généreux en spectacle et en tension, l’aventure de Jill valentine sauce 2020 saura offrir d’excellents moments aux plus sensibles à sa direction très arcade. Mais à trop trancher dans le vif sous prétexte d’épuration, cette nouvelle version perd aussi beaucoup en saveur, sacrifiant, entre autres, beffroi ou système de choix, au grand dam des adorateurs de ces éléments pourtant majeurs. Expéditive jusque dans son scénario très timidement remanié, cette nouvelle itération en oublie même de choyer sa star, le Nemesis, qui brille autant par sa prestance visuelle que par sa capacité à se faire désirer, voir oublier. Mais comment aurait-il pu en être autrement dans un remake plus prompt à respecter à la minute près la durée de vie de son modèle, que la richesse de son contenu ? Alors, je veux bien admettre que l’art de la réinterprétation exige un minimum de modifications. Toutefois, la tentative me paraît bien difficile à défendre lorsque les pertes se montrent à l’arrivée plus importantes que les vraies nouveautés. Je ne dirai pas que j’ai passé un mauvais moment avec ce Resident Evil 3 Remake, qui a le vrai mérite de savoir proposer de vrais moments de grâce, entre fun non dissimulé, clins d’œil sympathiques et passages flippants. Mais sorti de sa technique, il n’est, pour moi, jamais parvenu à se montrer d’une quelconque manière à la hauteur de l’original, traduisant ainsi son bien fâcheux échec.

Arnaud_Lalanne
5
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le 16 août 2020

Critique lue 155 fois

Arnaud Lalanne

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