Un classique vidéoludique à faire et à refaire!

Toute saga est, par essence, une série avec une identité, une personnalité, une chronologie, un créateur qui en est à l'origine, une communauté de fans mais surtout un pattern, qui, aussi efficace soit-il, peut malheureusement s'inscrire dans une répétitivité très appuyée avec en conséquence une sensation de lassitude trop omniprésente. C'est ce qui est arrivé à la trilogie originale de Resident Evil. Pourtant véritable fer de lance du survival-horror à son époque, les opus suivant le 1er épisode de la saga, bien qu'excellents et cultissimes, peinaient à imposer une nouvelle expérience aux mécaniques de jeu inédites par peur de brusquer un public accroché à la même formule depuis de nombreuses années. Voyant l'arrivée des consoles nouvelles générations, Capcom avait compris que Resident Evil devait changer d'une manière ou d'une autre, se réinventer pour éviter de tomber dans l'oubli et devenir "ringard"; c'est alors qu'après de nombreux prototypes intéressants mais beaucoup trop éloignés du matériau de base, Shinji Mikami, papa du mythe horrifique, reprit de plein pied le développement du jeu en tant que réalisateur, déterminé à faire évoluer son bébé. Vous connaissez sans doute la suite...

Remarquable pot-pourri des meilleures heures du cinéma et du jeu vidéo, Resident Evil 4 est révolutionnaire et absolument brillant; en remplaçant le rythme lent et les plans fixes des premiers opus par une aventure dynamique à la troisième personne, caméra à l'épaule, aux scènes d'action viscérales à l'intensité rarement égalée et à la tension cinématographique exceptionnelle, Shinji Mikami opère une déconstruction virtuose de sa saga tout en prenant soin de garder le charme esthétique et conceptuel de la trilogie originale. Sorte de voyage atmosphérique sous acides vers l'Enfer, ce quatrième opus redéfinit non seulement les genres dans lesquels il s'inscrit mais aussi presque l'entièreté des règles de game design de l'époque, faisant de lui une œuvre vidéoludique non identifiée ainsi qu'un classique instantané inspirant les générations suivantes.
Une véritable épopée qui en plus de sa construction et de sa conception plus qu'intelligente, bénéficie d'une rare qualité de réalisation sur son aspect visuel et sa bande-sonore, rajoutant encore plus d'impact émotionnel à une expérience qui en était déjà bien chargée, notamment grâce à des scènes d'anthologie, des boss mémorables ainsi qu'un récit charmant et aussi déjanté que ses personnages.

Certains lui reprocheront sans aucun doute sa maniabilité encore trop lourde pour un jeu d'action ou encore ses dialogues kitchs et nanardesques de série-Z mais qu'importe, Resident Evil 4 reste un des meilleurs jeux de tous les temps qui se doit d'être vécu quel qu'en soit la manière, pour son action exaltante, ses mécaniques de jeu visionnaires en son temps, son charme inébranlable et tout simplement, pour l'amour qu'il porte au 7ème et 10ème art.