Il y a de ces licences qui suffisent à elles seules à transcender l’âme des joueurs, éveillant des souvenirs et reflétant la quintessence même du genre qu’elles représentent. Et ce, même bien des années après...Un héritage perdurant par delà les années et les consoles, sorte de pierre angulaire de l’histoire du jeu vidéo. Ces jeux qui vous restent en tête même bien après que la partie soit terminée...
En 1996, la Playstation 1 de Sony se voit accueillir l’un de ses tout meilleurs titres : Resident Evil. Bien plus qu’un excellent jeu à la maturité certaine, celui-ci ouvre des portes bien plus large à un genre encore assez obscur jusqu’alors : le survival horror.
Aussi, il ne faudra que quelques temps avant que d’autres rejetons ne voient le jour. Et parmi eux, on retiendra un titre des plus ambitieux accouché par Konami (ayant déjà fait ses preuves avec Metal Gear Solid notamment): Silent Hill.
Marquant leur volonté eux aussi de développer l’univers horrifique dans le monde vidéoludique, la Team Silent nous dévoile un jeu sombre, glauque et à la fois envoutant, mêlant habilement effroi et mélancolie.
A la demande de sa fille de 7 ans Cheryl, Harry Mason la conduit à la célèbre station balnéaire de Silent Hill, petite ville au bord d’un lac, afin de fêter son anniversaire. Mais une ombre surgissant dans les phares de la voiture conduira Harry à faire une embardée, le sortant de la route. A son réveil, un épais brouillard enveloppe la ville, et Cheryl s’est volatilisée...
Le fameux brouillard de Silent Hill... Peut-être bien la meilleure trouvaille des développeurs. Afin de palier aux limitations techniques d’une PS1 dans l’incapacité de calculer l’affichage 3D d’une ville entière, cette brume cendreuse (renvoyant d’ailleurs directement à la nouvelle éponyme de Stephen King) sera tout autant une façon de cacher un affichage tardif du décor à l’écran qu’un élément fort pour l’ambiance du titre. Le joueur s’habituera en effet bien vite à progresser ainsi sans ne rien voir devant lui, lieux comme ennemis...
Heureusement, Harry pourra compter sur sa radio, dont le grésillement intermittent indique la présence de monstres, s’intensifiant à mesure que la promiscuité des adversaire se rapproche. Et croyez-moi, pénétrer dans une pièce apparemment vide et entendre ce bruit qui se déclenche vaudra son lot de sueurs froides !
D’autant plus qu’Harry Mason est bien loin du G.I apte à régler ce genre de situation: d’une constitution physique somme toute normale, il ne pourra guère encaisser beaucoup de coups (surtout en mode difficile), et fuir s’avère parfois la meilleure des solutions. L’inventaire mis à disposition du joueur donnera heureusement quelques possibilités de se défendre, bien que l’on regrettera l’inutilité de certaines armes (couteau) et qu’il faudra veiller à bien économiser ses balles. Le « au cas où » devenant ainsi par défaut le leitmotiv du joueur, ne sachant pas ce qui peut potentiellement l’attendre par la suite. A ce titre, il vaut mieux veiller à bien analyser et fouiner chaque parcelle des lieux et environnement visités, le jeu s’avérant des plus chiches en informations (et oui, il vous est tout à fait possible de faire tout le jeu sans jamais avoir ramassé cette arme qui était à l’angle d’une pièce précédente et que vous n’aviez pas vue). Ouvrez l’oeil !
Un manque d’information qui sera paradoxalement votre fil conducteur dans ce cauchemar, motivé par l’envie d’en savoir plus, et de comprendre ce qu’il a pu arriver à cette paisible petite bourgade. Distillant ses éléments au compte goutte, Silent Hill favorise l’interprétation avant tout. On devine, on imagine, on théorise le plus souvent... Et les multiples fins (au nombre de 5 : 4 variantes et une bonus, toutes dépendantes des actions du joueur au cours de sa partie), ne font qu’accroitre les questionnements, même une fois l’écran éteint.
Pourtant, Silent Hill sait se faire des plus absorbant, et ce alors même que l’on ne suit pas un fil narratif dynamique. On ne compte plus les passages à l’ambiance oppressante (l’école) ou la folie se fait de plus en plus présente (l’hôpital). Et cela, grace à un level design excellent, nous offrant des niveaux vastes et labyrinthiques. Votre carte vous sera votre amie la plus précieuse, et les quelques annotations au stylo rouge apportées par Harry seront fort bienvenues pour vous réorienter.
Si les graphismes s’avèrent en toute logique complètement dépassés 20 ans plus tard, c’est pourtant toute son ambiance qui permet au titre de rester encore parfaitement jouable de nos jours. L’action s’avère parfaitement dosée, alternant phase de recherches et d’exploration et quelques affrontements. Si Harry s’avère lent dans ses déplacements, il pourra toutefois se déplacer tout en tirant (à l’inverse de ses comparses de Resident Evil). En chipotant, on pourra éventuellement regretter des combats de boss globalement assez expéditifs et pas des mieux introduits (le Floatstinger qui surgit littéralement de nulle part), là ou pourtant le jeu sait se faire cinématographique avec des plans de caméras parfaitement adaptés (la ruelle en début de jeu).
En revanche, là ou vous risquez fort de passer plus de temps, c’est bien sur les énigmes ! Majoritairement assez complexes, certaines vous donneront de quoi vous arrachez les cheveux à tourner et retourner sans cesse les minces indices que vous aurez pu glaner jusqu’à en comprendre le sens (le piano). J’avoue avoir eu recours à une solution plus d’une fois pour enfin progresser, et même alors il m’est arrivé de m’interroger: comment est-il possible de songer à une telle solution ? La faute à des items dont la logique d’utilisation n’est pas toujours très claire...
Les amateurs de recherches et ceux aimant se triturer les méninges seront cependant très certainement ravis du challenge proposé.
Au final, Silent Hill se révèle tout autant une excellente surprise qu’une réelle alternative à Resident Evil. S’appuyant d’avantage sur l’angoisse, la psychologie et une ambiance des plus lourdes; le titre sait créer sa propre aura tout en rendant un hommage plus ou moins appuyés à quelques références du genre. Lorgnant copieusement du côté du cinéma (L’Echelle de Jacob), on pourra peut-être regretter des cinématiques globalement assez courtes et manquant donc d’une réelle mise en scène et d’informations à distiller au joueur. Mais c’est là tout l’intérêt d’une narration décousue, qui se laisse deviner, réfléchir, et offre une grande part d’interrogations et de théories de la part du joueur.
Quoiqu’il en soit, même une fois libéré de cet épais brouillard, Silent Hill ne quitte plus jamais vraiment notre coeur. Jusqu’à ce que la sirène se fasse entendre au loin...
LES PLUS:
- Une ambiance incroyable
- La bande son d’Akira Yamaoka
- Une intrigue forte offrant au titre une bonne rejouabilité
LES MOINS:
- Doublage un peu plat
- Boss un peu décevants
- Certaines armes anecdotiques