Silpheed
7.4
Silpheed

Jeu de Takeshi Miyaji, Game Arts et Sega (1993Mega-CD)

Les années 90, que l'on pourrait croire insipides face à l'exubérance des eighties, recèlent mine de rien un genre bien particulier, typé de cette époque. C'est dans cette décennie que l'on a vu apparaitre les blockbusters les plus fous du type Armageddon, Jurassic Park ou Independance Day. Eh bien, le jeu vidéo n'y a pas échappé, et avec la démocratisation du CD, les éditeurs ont enfin pu donner libre court à leur créativité "blockbusteriène". C'est ainsi que des jeux comme Road Advenger, Night Trap, Dune CD ont vu le jour pour le plus grand plaisir, ou pas des chanceux ayant connus cette folle époque.


Autrefois limité à quelques 10ène de méga octets par cartouche (et encore je vois large), les studios de développement devaient redoubler d'efforts pour caser toute leur imagination dans si peu d'espace mémoire. Mais quand les extensions CD comme le CD-ROM² de Nec et le Mega-CD sont arrivé sur le marché, la donne a changée. Une orgie de place, 60 fois plus que la plus importante des cartouches Megadrive ou SNES. De cette soudaine richesse en capacité de stockage est né un nouveau genre de jeu : la FMV.


FMV pour Full Motion Vidéo. Connu en France comme "vidéo interactive" (une belle antinomie) ou "plein écran" par rapport aux minuscules vidéos fenêtrées de l'époque. La place offerte par le CD allait permettre d'afficher de "vrais films" sur nos consoles ou PC. Non plus des graphismes générés par la console mais une vidéo utilisant un encodage spécifique selon la machine et sa palette de couleur disponible. Cette capacité de numériser des vidéos et de les reproduire via la console à permis la création de deux grands concepts d'utilisation.


Le premier, la vidéo interactive qui met en scène des acteurs et des QTE qui, selon vos choix, changeront le déroulement du film. Dragon's Lair en est le digne représentant avec Road Avenger ou Night Trap… On sait ce que cela à donné… Le second concept, reprend les codes classiques du jeu vidéo, c'est le cas du très spectaculaire Silpheed sur Mega-CD. Bien loin de l'esbroufe technologique ce shoot recèle de vrais morceaux d'actions épiques en plus d'une utilisation ingénieuse de la palette de couleur limitée de la Megadrive. Un véritable blockbuster subtil à… la japonaise.


Silpheed est un shoot'em up dopé à la testostérone, au support CD et qui n'est pas fait pour les petites nature. Il fut l'un des premiers titres Mega-CD à réellement exploiter la machine et à démontrer son potentiel. Derrière c'est Game Art, le studio ayant le mieux maitrisé l'ensemble Megadrive + Mega-CD et le moins que l'on puisse dire c'est qu'avec Silpheed ils ont mis le paquet. Que ce soit le gameplay, la mise en scène ou la technique, c'est quasiment la perfection. Comme dans tout bon blockbuster on y trouve quelques défauts, mais le spectacle vous les fait vite oublier. Alors qu'il commence ce spectacle !


L'humanité est encore menacée par des extra-terrestres-terroristes-hackers qui n'avaient pas d'autres choses à faire que de pirater le vaisseau amiral le plus puissant de la galaxie, rien que ça ! Comme d'habitude, on dépêche les best of the best des pilotes ainsi que le dernier gadget volant gavé jusqu'à l'os d'armes ultra modernes capables de défaire une formation composé de millier d'ennemis volant. Normal on est dans un shoot. Mais ici votre minuscule engin de combat va affronter des mastodontes, des vaisseaux amiraux dont le moindre canon tire un laser qui fait au moins 3 fois votre envergure. Entre les attaques du menu fretin et des slaves lasers de bourrins, vous tenterez de vous faufilez dans d'incroyables batailles spatiales toutes plus impressionnantes les une que les autres. Mais attention, la difficulté est assez élevée, pas insurmontable mais entachée d'une jouabilité pas toujours au top.


La particularité de Silpheed est d'être en "scrolling" vertical en vu de ¾. Axelay proposait le même principe. Cette vue a un avantage esthétique indéniable pour montrer, développer l'action, mais au niveau de la jouabilité ça se complique. Pour le joueur il devient difficile d'anticiper les mouvements des sprite ennemis. Notamment dans les angles où la visée devient vraiment approximative. Le fait que le jeu soit en FMV est assez troublant, la frontière entre véritables sprite et éléments du décor est mince. Il est compliqué de distinguer ce qui est hostile de ce qui ne l'est pas. Quand on voit le moindre laser pointer le bout de ses photons, le reflexe est de tenter de l'éviter même s'il n'est pas sur le même "plan" que vous. Du coup, vous allez lamentablement vous planter dans les sprite ennemis en tentant d'esquiver un truc qu'il ne fallait pas. Avec l'habitude on ne se fait plus avoir, mais c'est au final assez frustrant de perdre à cause d'une jouabilité mal calibrée. Surtout que le jeu joue avec vos nerfs, que vous faire toucher ne vous fera pas exploser immédiatement. Vos armes seront d'abord détruites. Puis, comme dans Ghoul And Ghost, vous vous retrouverez à poil sans pouvoir vous défendre, à moins de récupérer de quoi retaper votre vaisseau. Ce facteur stress est le bienvenu et balade le joueur entre crise de nerf et émerveillement.


Bien que la jouabilité soit imparfaite, ses défauts s'effacent devant le spectacle d'une bataille spatiale plutôt épique. Les graphismes de Silpheed sont assez chouettes dans leur style 3D pleine qui collent parfaitement à l'ambiance Space Opera du titre. Notamment le gigantisme des vaisseaux allant de la colonie spatiale aux croiseurs de combat en passant par de véritables forteresses qui feraient passer la Death Star pour une vulgaire station service de l'espace. Cette 3D n'est évidement pas calculée par la console, tout les décors qui défilent sous vos yeux sont en réalité une vidéo. Les backgrounds 3D ont été calculé sur une autre machine puis numérisé sous forme de vidéo. C'est une grille de collision invisible qui se superpose sur le déroulement de la vidéo et qui permet de synchroniser le moment ou les zones de l'écran deviendront dangereuses pour votre vaisseau. Lorsque par exemple on vous cible avec un laser gigantesque Celui-ci est juste une vidéo, ce qui vous "touche" ce sont des zones de l'écran activées comme "dangereuses". Pourquoi ces choix ?


C'est simple : FMV. Aussi, parce qu'il est possible de le faire, qu'il est possible de nous en mettre plein la vue. L'ingéniosité de Silpheed vient du fait que cette FMV, son style graphique, est particulièrement adaptés aux capacités graphiques de la Megadrive. Ce qui distingue Silpheed des autres jeux en FMV c'est sa qualité graphique singulière, une bonne maitrise du hard du Mega-CD et de la Megadrive et une bonne mise en pratique du concept FMV. La plupart des jeux FMV éditées après Silpheed ont ce grain d'image typique propre aux vidéos du Mega-CD. C'est-à-dire une image en 16 ou 32 couleurs extrêmement tramé et brouillonne. Normal, puisque la Megadrive n'affiche que 64 couleurs au maximum. 64 couleurs c'est peu lorsque vous voulez afficher une vidéo censée représenter la réalité. Pourtant les graphistes derrière la modélisation des décors de Silpheed ont compris qu'il n'y avait pas besoin d'énormément de couleurs pour modéliser une bataille spatiale. Au contraire même, ils ont adapté leur style graphique à celui de la Megadrive. Ainsi, la modélisation des vaisseaux a réellement quelque chose de futuriste, de crédible. Le tramage léger dû à la compression des vidéos donne un grain, une épaisseur à la coque des vaisseaux modélisés en 3D pleine. Certains autres niveaux sont en revanche assez moches et, je pense, en partie à cause d'un manque de place sur le CD. Du coup on se retrouve avec certaines vidéos qui passent en boucle comme le début du niveau 1 ou le niveau 10 type 3D voxel pas très inspiré.


Globalement, l'utilisation de la FMV est particulièrement réussie et bien intégrée. D'autant plus que les "sprite" (qui n'en sont pas) sont en 3D, en vraie cette foi ci. Certes ce n'est pas de la grande modélisation. Mais d'une part c'est hérité du style du premier Silpheed édité sur PC et d'autre part, ce style s'intègre parfaitement avec la FMV. Ainsi, beaucoup de joueurs ont pensé que Silpheed était fait de 3D temps réel. Cependant, le défilement saccadé des décors montre tout de suite que nous somme en présence d'un jeu utilisant le principe de la FMV. Défilement saccadé du fait du mode plein écran de la vidéo et bien sur des CODEC de l'époque pas encore au point niveau compression. Alors que tout le monde a retenu les vidéos tramé du Mega-CD, y compris les Guignols De l'Info avec Jaques Martin en version 16 couleurs, nous n'avons pas su retenir la virtuose de Sylpheed. Il est passé pour un jeu en 3D et sur les forums il fut même comparé à Starfox sur SNES. Toutefois, la FMV n'est pas ici utilisée comme cache misère, ou triche graphique. Au contraire, elle a permit au studio de mettre en scène les des situations jamais vues auparavant dans un shoot'em up.


En effet s'il y a bien un point particulièrement peaufiné dans Silpheed c'est sa mise en scène. Intro, cutscene, baston spatiale dignes des meilleurs blockbusters hollywoodiens et une bande son qui déchire. Si Silpheed se rate dans certains niveaux, sur la relative rigidité du vaisseau il frappe en revanche très fort au niveau de l'enrobage. Seul des titres comme Thunder Force IV et V lui arrivent à la cheville. Ca pète de partout, le premier niveau vous envois direct rôtir avec un rayon sorti du fin fond de l'espace, des vaisseaux sont réduits en cendre pendant que vous vous débâtez entre des tirs de lasers plus gros que vous. Le niveau 7 qui ne vous lâchera jamais, vous devrez vous faufiler dans un vaisseau sous des tirs très nourris. Ou le niveau 8 qui restera pour moi l'apogée de ce jeu, une spectaculaire escarmouche spatiale ou des flottes entières de vaisseau tous plus gros les uns que les autres se tirent dessus dans une orgie de lasers tout droit sortie des meilleur épisodes d'Albator. Et vous êtes là, microscopique, au milieu de ce grand foutoir intergalactique. Eh ben, heureusement que votre autoradio est là.


Comme tout bon pilote de shoot qui respecte ses oreilles, vous écoutez de la bonne musique lorsque vous sauvez l'humanité. Celles de Silpheed sont un modèle du genre. Dans un style bien particulier elles rythment l'action et vous plongent dans l'ambiance décidément très particulière de ce titre. Ce qui frappe, ce sont les sonorités très "radio". Entre la voix de votre copilote qui vous prévient toujours un peu sur le fil d'un danger et certaines musiques speedées vous ne savez plus où donner des tympans. Les sonorités utilisées sont typiques de ce jeu, extrêmement électro tout en paraissant naturelles, les BGM sont généré de concert par la puce audio de la Megadrive pour les sons FM et celle du Mega-CD pour les sonorités PCM plus réalistes. Les deux machines sont fort bien exploitées pour la musique et donnent un très bon résultat. Le mélange est saisissant même si parfois on a l'impression que la musique va un peu de travers, comme si elle avait des soucis de tempo. Le jeu propose un sound test salvateur pour permettre l'écoute "au calme" de tous les thèmes du jeu. Luxe rare le CD propose même des pistes audio remixées des principaux thèmes. Vous pourrez donc écouter le CD dans votre chaine hifi. Silpheed est l'un des rares jeux à tirer parti correctement du système audio très arcade offert par la Megadrive et le Mega-CD.


Finalement, les jeux utilisant de la FMV n'ont pas tous été d'infâmes nanars kitschs mal développés. Silpheed prouve que, bien utilisé, la FMV peu nous en mettre plein les mirettes. Le but du concept FMV était d'abord et avant tout de montrer du spectaculaire. Malheureusement, Silpheed est bien l'un des rares à avoir réussi le tour de force d'être spectaculaire et agréable à jouer. Du début à la fin, le jeu reste trépidant de par son actions, sa bande son, et son "last boss" qui vous fera devenir fou. Le tout se termine sur un final honorable et la boucle du bon jeu qui passera les âges est bouclée. Silpheed est sans doute l'un des meilleurs représentants du genre FMV, ou tout du moins de cette FMV qui se montrait comme une avancée dans le jeu vidéo, pour passer les limites graphiques de l'époque. Ne croyez pas qu'elle a disparue, elle est toujours là, bien vivace. Mais planquée, mieux maquillée et même parfois invisible, sournoise où on ne l'attend pas. Avec, Silpheed vous êtes prévenu que vous jouer à un shoot avec en toile de fond un blockbuster spatial qui fera des petits bouts de polygones de votre vaisseau un véritable engin de destruction massive qui sauvera l'univers. C'est aussi ça la magie du ciném… heu du jeu vidéo.

Dr_Wily
7
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les jeux vidéo à la meilleure direction artistique et THE END : quelle joie ! :)

Créée

le 18 févr. 2014

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Dr. Wily

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