Porté par une réalisation assez irréprochable (bien que chiche en musique - on se demande si Gustavo Santaolalla ne bossait pas à côté sur autre chose), The Last of us II se rêve comme la jonction parfaite entre cinéma et jeu vidéo, sans se poser beaucoup de questions sur l'un comme sur l'autre, et surtout sans être capable de lier les deux en un tout cohérent.
La mise en scène et le casting ne peuvent rattraper le classicisme absolu de l'histoire, ses baisses de rythme à répétition où l'écriture apparait plus orgueilleuse que réellement émouvante.
Les boucles de gameplay, elles aussi déjà vues, mais il est vrai très efficaces, sont le seul lieu où arrive à s'exprimer un peu d'émergence, où l'on quitte (pour quelques minutes) le chemin balisé de Naughty Dog pour vivre une expérience de joueur-se et non de spectateur-ice.
Et c'est tout le paradoxe, que les développeur-ses se soient pensé-e-s meilleur-e-s en expérience narrative (alors qu'iels n'arrivent pas à la cheville de Dontnod ou Teltale niveau écriture) au point de reléguer au second plan leur gameplay, qui à défaut d'être révolutionnaire, invite vraiment à s'immerger. Comme s'ils s'excusaient sans cesse de faire un jeu vidéo, comme si pour que The Last of us II accède un véritable niveau de reconnaissance, il devait singer la grammaire cinématographique (parfois avec un talent indéniable, souvent avec une sensation de déjà-vu un peu partout ailleurs) plutôt que laisser au/à la joueur/se la liberté de s'approprier un univers, quitte à ce que le résultat soit moins léché. D'autant que ce fléchage n'empêche pas les dissonances ludo-narratives, comme ces moments où on l'on insistera lors d'une cut-scene à quel point il est traumatisant de tuer tel antagoniste alors qu'on a enchaîné les exécutions de PNJ dans le plus grand plaisir juste avant.
En somme, The Last of us II ne dit pas grand chose, ni du jeu vidéo, ni des thèmes qu'il aborde, ou alors toujours en surface, sans se demander ce que l'interaction pourrait apporter de plus qu'un film vu qu'il n'offre aucun choix moral à prendre. Au contraire, il lui arrive même de prendre en otage le/la joueur/se en le/la forçant à agir de telle manière pour ensuite lui mettre dans la gueule que quand même, c'est assez terrible : mais comment se sentir concerné-e si la seule porte de sortie est de poser la manette et de ramener le jeu au magasin ? Comment peut-on se sentir contaminé-e par les dilemmes de l'histoire quand l'histoire se raconte avec ou sans nous ?
Malgré tout, il est difficile de nier que le jeu impacte. Pas toujours là où il le souhaite, et souvent grâce aux moyens démesurés qu'il possède. Malgré ses lacunes évidentes, on est loin de la balade désincarnée d'un Uncharted. A de nombreuses reprises, même si diluées dans les 30 (trop longues) heures de jeu, The Last of us II arrive à créer des tableaux impressionnants, où tout se répond astucieusement, où il se dégage quelque chose rarement trouvé auparavant.
Ces moments-là valent clairement le coup d’œil, et quand on arrive au terme de l'aventure, on se dit que ça valait la peine de s'y pencher.
Chef d’œuvre, loin de là, ni sur le plan filmique, ni sur le plan vidéoludique, mais grosse production qui marque, quand même, à laquelle on s'attache, dans une relation souvent tendue et agacée. The Last of us II fera date. Mais sans doute pas aussi longtemps que ses développeur-ses ne l'espèrent.