Spoils en rafales

Après une première saison qui avait jeté les bases d'un nouveau genre de jeu dans le panorama assez peu représenté du point&clic, le jeu d'aventure narratif, Telltale revient pour une deuxième saison qui conserve les forces et les faiblesses de son ainée. Après la fin tragique de Lee, c'est une Clémentine déterminée qui va reprendre le flambeau et continuer d'explorer les méandres de l'âme humaine.

Telltale l'a bien compris, s'il veut vendre un jeu à structure épisodique, il doit travailler l'écriture de son jeu et réserver un cliffhanger déchirant à chaque fin de session. Pour ça, le studio possède un vrai savoir faire et je suis ravie d'avoir attendu la sortie de l'intégrale (5 épisodes) pour me lancer dans l'aventure. Je pense que, paradoxalement, ce format ne convient pas à ce genre de jeu. L'empathie que l'on éprouve pour chaque personnage, élément primordial de l'expérience, s'atténue forcement si l'on attend deux mois entre chaque nouvelle sortie. Attendre aussi longtemps ( 8 mois pour boucler l'aventure) tient du non sens pour un jeu qui mise avant tout sur l’implication émotionnelle du joueur.

Si l'écriture est toujours de qualité avec des personnages aboutis et des situations qui se renouvellent sans cesse, on commence à assimiler, voire anticiper, les mécanismes narratifs du studio. L'exemple frappant de la rivière gelée dans l'épisode 5. On sait que au moins un membre du groupe va mourir ici, quels que soient nos choix. On peut rejouer la scène en épuisant toutes les possibilités de choix offertes, la finalité restera la même : Luke mourra. Telltale triche constamment avec le joueur en lui donnant l'illusion que ses choix ont des conséquences. A de rares exceptions, (mort de Pete ou de Kenny/Jane) le joueur n'a aucune influence sur l'intrigue générale. En ce sens, cette deuxième saison est ultra dirigiste et ne laisse au joueur aucune façon d'influencer le cours de l'histoire. Mais même en connaissance de cause, il est difficile de ne pas se laisser happer par l'aventure car l’implication morale et émotionnelle est totale.


Déjà en retrait dans la saison précédente, l'exploration devient ici anorexique. Les interactions avec les décors se font de plus en plus restreintes pour presque disparaitre dans le dernier acte. On peut voir ici la volonté de Telltale de garder la maitrise du rythme de son aventure mais en augmentant la frustration du joueur. Du premier épisode où Clémentine doit explorer un bivouac, un abri de jardin et une maison entière en quête d'objets précis, il ne reste rien dans l'ultime chapitre où l'essentiel du gameplay se résume à des choix de dialogues et moraux et quelques QTE sans réelles saveurs. Ce glissement vers plus de dirigisme anesthésie le sentiment de liberté mais renforce l’implication émotionnelle.


Une fois encore, cette plongée dans l'univers de la bd éponyme répond à mes attentes. Une véritable plongée dans la psyché humaine avec ses récifs et ses abysses. Poussés dans leurs retranchements par des zombies qui sont loin d'être le danger principal, les protagonistes doivent survivre au monde extérieur et surtout survivre entre eux. En cela, le personnage de Jane est intéressant par son rejet du groupe et apporte un peu de nouveauté dans sa façon d'aborder les problèmes. Ici, pas de manichéisme, pas de bons choix car il y aura toujours des victimes. Les choix moraux sont toujours déchirants, même lorsqu'il s'agit simplement de choisir avec quel groupe on va partager son repas.

Pour finir, je glisserai sur l'aspect technique qui était déjà faiblard sur la première saison et qui tutoie le désuet sur cette mouture. Animations corporelles rigides, animations faciales robotiques, modélisation angulaire, textures baveuses etc... L'écrin visuel n'est pas à la mesure des ambitions narratives de Telltale. Je me prends à rêver d'un nouveau moteur avec capture faciale du jeu d'acteur pour la saison 3... je me prends à rêver.

The walking dead : saison 2 est une expérience unique pour tout joueur. Malgré ses défauts, peu de jeux peuvent se targuer de proposer un tel niveau d’implication et d'émotion. Mais ce sont bien les défauts du jeu qui permettent à ses qualités de briller avec tant d'éclat.

Clem et Jane, je vous dis à bientôt.

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le 23 févr. 2015

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Alyson Jensen

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