Par Nicolas Turcev

Après s’être penché sur les dilemmes moraux dans son troublant The Walking Dead, Telltale n’a pu s’empêcher de s’atteler à un autre pan de la psyché qui appelle le jugement : la justice. La lutte pour préserver un semblant d’humanité dans un monde qui s’est écroulé laisse sa place au récit d’une communauté à la recherche d’un justicier du vivre-ensemble dans The Wolf Among Us. L’enclave new-yorkaise poisseuse de FableTown où le shérif Bigby est censé faire régner l’ordre a connu des jours meilleurs. Sa noirceur hypnotique et ses rues plongées dans un clair-obscur violacé donnent le ton : la ville est minée par le vice, les habitants sont des icônes des contes de fée. Dans cette configuration qui lie l’urbain au mystique, au joueur d’enquêter sur les activités souterraines d’une communauté empreinte du merveilleux mais en proie au désenchantement si contemporain. The Wolf Among Us, c’est un peu un Twin Peaks citadin qui assume son paranormal. Un polar sévère sous LSD.

Il faudra alors faire ses choix, qui ont valeur de jugement de la part du garant de l’ordre. Or, FableTown est une société durement stratifiée qui cultive les liens de proximité. Dans ce cadre, Telltale veut nous interroger sur la justice : une justice de commodité fidèle au terrain, ou une justice des hommes cartésienne à tout prix ? Chaque décision oriente vers l’une ou l’autre des conceptions. Lorsque l’on choisit un unique dialogue, on porte un jugement sur l’entière structure de FableTown et sur la façon dont les choses doivent tourner. Faut-il tolérer les écarts dus au paupérisme du quartier et se mettre dans la poche quelques habitants ou suivre strictement les consignes et sanctionner en conséquence ? Tragiquement binaire, mais pragmatique.

La narration quoique parfois détachée vient ensuite donner du relief à l’intrigue en organisant habilement le passage de l’enquête, à la traque, puis au procès. The Wolf Among Us adopte dès lors une structure correspondante en entonnoir en purgeant peu à peu son gameplay au fil des épisodes : les phases de point’n’click disparaissent progressivement, les QTE deviennent seules maîtres à bord et les joutes verbales ressurgissent pour le climax de fin. De joueur on devient batteur, puis dialoguiste (ou avocat). Ainsi l’héritage Lucas Arts se dilue-t-il à mesure que Telltale trouve et polit sa propre formule, laquelle lorgne définitivement du côté du langage du petit écran. Dont on notera certains travers, comme le ventre mou des épisodes 2 et 3, symptôme du remplissage creux des séries qui fait tituber même les concepts les plus géniaux. (...)

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le 16 juil. 2014

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