En 1998, je découvre les joies du PC avec le premier ordinateur familial. Pour quelqu'un qui passe directement des consoles 16 bits à une machine plus puissante que les Playstation et N64 de l'époque, je n'ai qu'une envie, découvrir le plus de jeux possibles et exploiter à fond la bête. Je me laisse donc séduire par des magazines PC (souvent bas de gamme) prétendant la plupart du temps contenir des centaines de démos jouables et quelques jeux complets.


C'est ainsi que j'ai acheté un certain numéro de PC Collector (j'ai galéré pour retrouver le nom du magazine) et parmi toutes les fausses promesses et des démos qui sont souvent juste des bandes annonces ou des vidéos de gameplay se trouvait justement une vidéo de Warcraft Adventures, véritable dessin animé interactif qui me faisait baver d'admiration devant autant de réalisme. Faut dire que du point and click, je ne connaissais que les deux Indiana Jones de LucasArts.


Ce que je ne savais pas alors, c'est qu'à l'heure de publication du magazine, le jeu était déjà annulé...


Le point and click vivait déjà ses dernières heures. Le troisième épisode de Monkey Island n'avait pas très bien marché, et les tentatives de faire passer le genre à la 3D à l'instar de Grim Fandango n'avaient pas convaincu grand monde. Et quand on sait que la licence Warcraft était déjà la poule aux œufs d'or de Blizzard on s'imagine facilement qu'ils ont vu la catastrophe arriver. Ils n'ont pas eu tout à fait tort.


2016, les choses ont bien changé pour le point and click qui est depuis revenu d'entre les morts. D'abord grâce à Pendulo Studios et leur jeu Runaway en 2003 puis grâce à Telltale et Daedalic. C'est dans ce contexte qu'arrive une version Beta de Warcraft Adventures, non finalisée mais jouable du début jusqu'à la fin. On s'attendait à ce que ça arrive un jour ou l'autre, puisque des vidéos de gameplay fuitaient sur Youtube depuis 2010.


En 2018 un site web nommé Warcraft Adventures Cutscenes Remaster Project sort un patch où des utilisateurs ont corrigé manuellement les nombreuses cinématiques du jeu (élément le moins finalisé du jeu), corrigeant ainsi les problèmes de synchro labiale, le manque d'effets sonores et de musique, et ont même réintégré des cinématiques présentes sur le web mais pas dans la Beta. Un travail de titan ! C'est dans ces conditions que j'ai enfin pu tester une des plus grandes arlésiennes du jeu vidéo.


Alors l'histoire c'est celle de Thrall, un Orc recueilli bébé par un humain du nom de Lieutenant Blackmoore. Nous sommes après les évènements de Warcraft II et les humains ont atteint le "Dark Portal" reliant Azeroth au monde des Orcs. S'ensuit une bataille d'où les humains ressortent victorieux et condamnent les Orcs à l'esclavage. Blackmoore élève Thrall dans ces conditions pour s'en faire un super guerrier. Mais au moment de devoir tuer un de ses pairs, Thrall se rebelle et se retrouve au cachot, attendant sa condamnation à mort. C'est là que débute l'aventure.


L'interface du jeu est assez identique à celle de Full Throttle et Monkey Island 3, on laisse le clic gauche appuyé sur un élément interactif et trois commandes s'offrent à nous : observer, parler-manger-mordre, et prendre. Un clic droit affiche l'inventaire qu'on peut aussi retrouver dans un coin de l'écran. Evidemment, on peut combiner les éléments de l'inventaire entre eux ainsi qu'utiliser des objets de l'inventaire sur soi-même. Et c'est là que j'apporte mon premier bémol. Certaines énigmes seront à réussir en utilisant des objets de l'inventaire sur soi, mais seulement dans un décor précis, sinon le personnage refuse. De quoi tourner en rond pas mal de fois.


Graphiquement le jeu est dans les standards de ce qui se faisait dans les années 96-97. Un beau 640x480, une animation et un style pour les personnages rappelant pas mal les productions Coktel Vision, notamment Woodruff. Par contre les arrières plans sont très travaillés, pas d'un niveau d'un Baphomet ou de MI3 mais on s'en rapproche. A noter que le studio ayant travaillé les animations n'est autre que Animation Magic, le studio responsable de triste mémoire des cinématiques des Zelda sur CDI. Autant dire qu'ils ont fait des progrès depuis ! Par contre je ne sais pas si ce sont également eux sur les cinématiques, mais le style tranche vraiment avec le style ingame. On est bien plus proche d'un véritable dessin animé, bas de gamme certes, mais on voit que ça a été bien plus travaillé.


J'ai lu à droite à gauche que la durée avoisinait les 4 heures. Je miserais sur un peu plus perso. 4 heures en ligne droite avec une soluce peut-être ou en n'étant jamais vraiment coincé. Mais je rajouterais 2 heures de plus pour les quelques énigmes légèrement rebutantes. Mais oui, dans l'ensemble le jeu est d'une grande facilité, surtout pour les habitués du point and click. Et je ne pense pas qu'on puisse accuser le fait que ce soit encore qu'une Beta. On voit bien que tous les chapitres sont en place. On a un début, une fin et tous les éléments s'ajoutent naturellement. A noter que le scénar' est vraiment basique et ne fait pas honneur à la série de jeux. Les personnages rencontrés sont clichés et la fin est très vite expédiée. Devait-il y avoir un épilogue ? Même avec, la morale est assez douteuse.


Et c'est là qu'on attaque le problème principal du jeu. C'est son ton. Warcraft (et les jeux Blizzard en général) sont des jeux assez premier degré avec un peu d'humour disséminé par ci par là. Mais les point and click sont en général humoristiques. Ici, le jeu ne sait jamais quel ton adopter. Entre le sérieux de la trame principale et le comique de certaines situations et de certains personnages. Ce qui est dommage parce que le jeu est bourré de bonnes idées au niveau de l'humour. On retrouve des nains farfelus fabriquant des inventions à partir de cochons-jetpacks et de poulets propulsés (poulets qui viennent se crasher partout le long de l'aventure). Thrall voyage en zeppelin et on a droit à une animation rigolote à chaque fois qu'il essaye d'embarquer. Mais tout ça se mélange mal avec la trame très sombre du jeu et des événements parfois très sanglants. De même pour les décors parfois glauques. Le jeu a sans cesse le cul entre deux chaises à ce niveau là.


Au niveau sonore difficile de critiquer le jeu, car c'est là qu'il est le moins finalisé. Les musiques sont très discrètes et peu mémorables, parfois il n'y en a même pas. Peu d'effets sonores également. Et parfois soit ils sont trop forts, soit il n'y en a pas. En revanche le jeu a été quasiment intégralement doublé (en anglais intégral, bien évidemment). Les rares passages non doublés sont remplacés par une voix de synthèse très bizarre. La voix de Thrall colle bien au personnage en tout cas.


Pour conclure, dans l'ensemble j'ai vécu une aventure très sympathique bien que peu mémorable. Le jeu fait typiquement jeu d'aventure de 1996-1997, c'est indéniable. Même les point and click à l'ancienne sortis aujourd'hui soignent davantage la progression, l'interface, l'immersion du bousin. Mais ça fait plaisir de se replonger dans le passé, et surtout on éprouve une certaine sensation à jouer à un jeu auquel on n'aurait pas du jouer. Un jeu que Blizzard a finalement renié (et ils ont surement eu raison) et qui aurait dû rester à jamais une simple bande annonce et rien de plus. En plus, je n'ai eu absolument aucun bug durant toutes ces heures de jeu, rien qui ne bloque ma partie ou ne nique ma sauvegarde. Le jeu semble complètement débuggué, ce qui veut dire que sa sortie était imminente avant son annulation lors de l'E3 1998.


Finalement, Warcraft Adventures est un jeu qui aura surement plus marqué les esprits en leakant en 2016 que si il était véritablement sorti en 1998 !

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le 18 oct. 2018

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