Un jeu cassé de naissance et recousu tant bien que mal en un.
L'envie derrière les concept arts, derrière la réalisation des cinématiques, derrière les niveaux se ressent. Mais tout ça s'amasse maladroitement, jamais on ne ressent vraiment qu'on est dans ce monde, dû à un héros caricatural et presque détestable. Lequel se fait justement critiquer par le jeu lui-même, en soulevant l'incohérence derrière son comportement violent. À l'image du jeu : bicéphale.
Deux visions du même jeu cohabitent donc. Une part du jeu est dans la surenchère, le caricatural, l'autre est plus subtilement dans la recherche d'une expérience et d'un récit uchronique de la lutte de la résistance antinazi des années 60.
D'ailleurs si, on ressent parfois qu'on est dans ce monde grâce à des idées qui vont nous antagoniser. Malgré sa surenchère et son côté gore joyeux, le jeu sait très bien nous rebalancer l'horreur nazi. Alors bien sûr c'est pas un documentaire sur la WWII, et d'ailleurs quand est mentionné Auschwitz c'est à mon sens de mauvais goût, mais il m'est arrivé de serrer les dents et tirer plus que nécessaire sur ce cadavre de nazi car le jeu m'a énervé.
Ses fulgurances ne s'arrêtent pas à nous énerver, elles passent par des idées de réalisation de cinématiques qui vont ralentir le bourrinage du gameplay. Se poser pour nous chopper froidement à la gorge, comme cette scène de l'asile ou celle du train.
D'autres bonnes idées viennent s'agréger à cette histoire foutraque, et encore une fois la ralentir, comme ces moments passés à connaître les membres de la résistance. Parfois ces idées viendront aussi chatouiller qui voudra bien se poser au milieu d'un combat pour lire ce bout d'article, écrit en chinois ou en italien, ou ces morceaux radiophoniques qui content la vie et les événements de cette sadique uchronie.
Bien sûr pour gâcher la fête, toutes ces idées seront peu ou pas assez exploitées. Et le scénario viendra un peu piétiner ces envies d'ambiance en virevoltant et nous faisant passer de mission suicide en mission suicide, de niveau glauque à des niveaux plus folkloriquement sf. Tout ceci se résume dans l'histoire même de Blaskovitz, et surtout sa relation avec sa douce infirmière, qui passe de moment presque poétique à une presque beauferie très abruptement.
Par contre niveau gameplay, outre le punch délicieux et la violence ravissante des gunfights c'est pas folichon. Souvent pataud, restreint, on nous oblige à faire des phases de plateformes, d'infiltration un peu longuettes. Mouerf. On passe de bons moments malgré ça, surtout que les niveaux sont diversifiés et que les décors, malgré cette cohérence architecturale nazie, savent parfois (VRAIMENT) nous surprendre par de très bonnes ambiances.
Il faut s'y plonger. Caresser le gore et le grotesque en écartant ces soubresauts de vilain défouloir second degré et cet aspect trop brut des coutures, pour se laisser surprendre par quelques moments de grâce violents, froids ou rageurs.