Victime d’une odieuse coupure internet, j’ai ressuscité ma vieille Wii U qui m’a adressé un « C’est vrai ? *toux* tu veux rejouer avec moi ? », pour passer un peu de temps. Parce qu’en vrai, je l’aime bien cette petite usine à gaz, laissée au bord de la route. Mais là, je me suis replongé dans un jeu que je n’avais jamais terminé, sans aucune raison en pratique : Pikmin, troisième du nom !
Pour résumer la trame du jeu : vous incarnez un groupe de 3 minuscules extraterrestres anthropomorphes dans un costume d’astronaute ridicule, qui viennent de s’écraser sur Terre. Ils finissent par se retrouver et veulent logiquement repartir. Pour cela, ils vont devoir trouver une clé supraluminique et d’autres équipements pour le vaisseau. Sur place, l’équipage rencontre très vite des petits êtres ABSOLUMENT ADORABLES, qui poussent à partir de graines expulsées par « L’oignon » un petit vaisseau spatial : les fameux Pikmins ! La première contrainte va être de survivre dans le temps, alors il faut se prévoir de la nourriture : on va demander gentiment à nos très diligentes créatures de bien vouloir ramasser, déterrer et rapporter à notre vaisseau les fruits (très vite on en aura sans doute beaucoup mais cela permet d’explorer plus posément les régions), les objets (pour le vaisseau) ou… les cadavres des ennemis jusqu’à notre vaisseau (qui permettent de faire apparaître beaucoup de Pikmins à la fois, évitant certains fastidieux passages de récoltes). Puisque nous sommes minuscules, nous comme les Pikmins, tout semble gigantesque, mais les créatures ennemies et boss ont un aspect relativement cartoon je trouve, sans dénoter avec le reste du jeu (ça reste dans le crédible et le comparable à des créatures véritables) contrairement au reste du jeu qui donne l’impression que nous regardons véritablement à la loupe dans les herbes hautes, la neige, sur le bord du ruisseau... Par ailleurs, on ne joue pas de manière continue, le jeu se scande en journée, et à la fin de chaque journée il faut, dans l’idéal rapatrier tout le monde à bord et on a un petit compte-rendu statistique et visuel (grâce au Wii U Gamepad, mais si, souvenez-vous !) pour savoir si l’on peut optimiser tout cela et éventuellement recommencer pour faire mieux. Les fruits sont réduits en jus, et chaque bouteille de jus de fruits nous suffira après une journée entière.
En rentrant davantage dans le détail, le jeu est divisé en plusieurs régions (6 ?) que l’on peut explorer plus ou moins librement et dans lesquelles il faudra du temps pour tout visiter et découvrir, en revenant à plusieurs reprises. Toutes ces régions sont franchement bien construites et offrent des challenges spécifiques et originaux. Ce qui oblige intelligemment aux aller-retours est le fait que certains passages ne vont être accessibles qu’avec 2 ou 3 compagnons de fortunes, que pour d’autres il faudra un type de Pikmin précis… Ah, j’allais zapper, il y a, en tout, 5 espèces de Pikmins différentes : les rouges (c’est l’équilibré, il ne fait rien de spécial mais comble bien les rangs), les bleus (savent nager), les jaunes (rapides, légers, conduisent l’électricité), les violets/roses (volent), et les rocs (ils sont lourds, c’est des cailloux). Parfois on pourra leur faire porter des explosifs aussi pour détruire des murs essentiellement. Ils peuvent être dopés par un genre de spray poivré, mais ils peuvent aussi devenir durablement plus rapides et fort en absorbant de la sève ou du jaune d’œuf.
Donc si on fait le bilan : Pikmin est un jeu de stratégie, parce qu’il y aura tout de même des tactiques précises à appliquer face à certains ennemis ou boss pour éviter l’hécatombe ; Pikmin est un jeu de gestion puisque les ressources (fruits -facile à obtenir- et Pikmins) sont à surveiller : je me pensais assez tranquille et j’ai tristement éradiqué tout mes Pikmins bleus sur le boss de fin… ; Pikmin est un jeu de puzzle : il s’agira d’optimiser au maximum tous les déplacements et de chercher la meilleure stratégie à appliquer en fonction du niveau, du temps imparti, des moyens dont on dispose etc. (accessoirement, cet aspect rend le speedrun glitchless purement incroyable à regarder).
Ici, rien que pour tout cela, je me dis vraiment que c’est déjà un jeu extraordinaire. Mais il y en a encore un peu pour confiturer notre belle tartine. Même si cela peut paraître insignifiant, premièrement, je pense sincèrement qu’il s’agit du meilleur jeu de la Wii U, il exploite si bien, de manière originale et intelligente les capacités de la console, le mieux étant de jouer avec des wiimotes sur l’écran de TV, combotées avec le gamepad pour la carte et la gestion des déplacements. Ce n’est pas pressant, ce n’est pas le bazar, c’est juste très bien fait et je ne conçois pas faire un autre Pikmin sans les wiimotes (et l’absence de carte m’ennuierait mais je ne sais pas comment cela était géré dans les 2 précédents opus). Ensuite, le jeu a 10 printemps, et il est encore si beau ! Il y a certes quelques textures ridées avec nos critères actuels certes, mais la finesse des détails reste incroyable, le crénelage est très modéré, les animations et les dessins de personnages sont travaillés pour être uniques et toujours plaisants, il y a les reflets et l’eau qui m’ont mené à revivre cette sensation de quand j’étais gamin, juste me pencher et regarder ce qu’il se passait dans l’herbe (sans compter cette fascination un peu imbécile pour le film Chérie j’ai rétrécie les gosses…), sans ralentissement pendant les phases de journées. Si l’écriture est un peu enfantine, le jeu n’est pas dénué d’un humour qui joue sur des jeux de mots sur le nom des fruits, ou sur le décalage de voir des créatures toutes mignonnes rétamer une bestiole quinze fois plus grosse qu’eux tous réunis et puis la porter sur leur dos comme des prédateurs sanguinaires… en poussant quelques petits gémissements toooouuuuut attendrissants ! J’admets volontiers avoir un peu culpabilisé en faisant une erreur et en voyant les spectres de dizaines de petits êtres s’envoler après un dernier soupir aigu.
En termes de difficulté, le jeu est aussi un genre de modèle. Il n’est pas du tout difficile, parce qu’il vous autorise à recommencer au jour où vous souhaitez pour rattraper une ou plusieurs erreurs de votre part. Par contre, il ne fera pas de cadeau : adopter la mauvaise tactique à un endroit clef et c’est la purge ! Il y a, mine de rien, beaucoup d’interactions différentes avec les décors, et, le temps de trouver l’itinéraire le plus efficace, il faudra aussi essuyer plusieurs tentatives plus ou moins fructueuses. Mais il y a une véritable bienveillance dans la conception, un peu comme si on avait quelqu’un derrière nous juste pour nous dire « Allez, tu peux faire mieux, ne t’en fais pas » (qui peut devenir un « Mais qu’est-ce que t’as foutu ?!? »). Accessoirement, et malgré l’énorme prise de risque que cela pourrait être de proposer ce genre d’expérience, lorsque nos Pikmins meurent, il est très difficile de d’incriminer le jeu : ils répondent au doigt et à l’œil, la maniabilité est encore une fois, parfaite, et le pathfinding est un maître étalon rarement vu sur console : 100 Pikmins et 2 acolytes vous suivront volontiers sans aller se coincer perpétuellement ou se faire gratuitement grignoter. Lorsque cela m’est arrivé, c’était le plus souvent du temps une négligence de ma part qu’autre chose.
Les sons et les musiques sont de très bonnes qualités : les bruitages environnementaux et pikminiesques sont excellents, les musiques d’ambiance sont aussi très agréables et savent installer une atmosphère tranquille comme plus sévère. Sans dire qu’un thème se démarque, c’est un ensemble très bien arrangé et que j’écoute depuis des années de temps en temps en bossant.
Alors, que critiquer négativement sur ce Pikmin 3 ? Et bien, vraiment pas grand-chose, il y a vaguement quelques dialogues un peu lourdingues, il y a quelques petites scénettes qui cassent un peu le rythme et qui auraient pu être incrustées au gamepad pour ne pas casser la progression, il me semble quasi impossible de se retrouver à court de jus de fruits... mais voilà… c’est tout ! Enfin, ça et le fait qu’il est sur une console qui a été totalement gâchée… Ah, il est sur Switch aussi ? Pas de wiimote, pas d’avis ! Par ailleurs, avec la montée des idéologies écologistes, difficile de ne pas voir dans ce jeu une sorte de belle ode à une nature idéalisée mais ravissante et romantique, capable de se régénérer en prenant soin de tout jusqu’à ses plus petits êtres, généreuse, mais aussi terriblement fragile.