Cover Bertrand Bonello - Commentaires

Bertrand Bonello - Commentaires

Si le cinéma de Bertrand Bonello vise une séduction prégnante et mortifère, s’il recourt à des procédés complexes qui stimulent et fascinent la plupart du temps, on peut estimer aussi que la volupté sensorielle de son expression tourne parfois à vide, et suspecter chez lui un certain déséquilibre ...

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6 films

créee il y a plus de 7 ans · modifiée il y a presque 5 ans

Tiresia
6.3

Tiresia (2003)

1 h 55 min. Sortie : 15 octobre 2003. Drame

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Tiresias était un homme devenu femme qu’une déesse rendit aveugle avant que les dieux ne lui concèdent des dons de prédiction. Choisissant le vecteur du mysticisme, Bonello tente d’exprimer comment chaque être cherche à dépasser son destin ou à s’y abandonner. Deux parties distinctes pour un film unifiant les ressemblances, deux acteurs pour un rôle, un acteur pour deux rôles, une méditation sur l’identité sexuelle, la morale, l’esthétique qui entraîne de l’enfer d’une obsession à la clarté du salut : ce jeu de balancier, loin de la posture formelle, invite à nous perdre dans l’ambigüité d’un parcours christique qui renvoie à Dreyer (la parole), Bergman (le doute), Bresson (le sacré), Buñuel (le blasphème) ou Pasolini (le mythe). Références ambitieuses pour une expérience étrange et assez fascinante.

De la guerre
6.2

De la guerre (2008)

2 h 10 min. Sortie : 1 octobre 2008 (France). Drame, Comédie, Guerre

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Bonello reprend les choses là où, quarante ans auparavant, un bouleversement culturel et social enjoignait à tout arrêter et à réfléchir afin de redonner un sens à sa vie – pas une mince affaire. Le long d’une téléologie métaphorique plutôt floue, il fait vivre à son alter ego rites païens, transes collectives et codes de reconnaissance d’une communauté néo-baba cool aux allures de grande kermesse sectaire, jusqu’à sa métamorphose en simili-Willard dans un final pastichant "Apocalypse Now". Victime d’une permanente hésitation des intentions, mêlant un classicisme bon teint à des tentatives plus audacieuses qui débouchent parfois sur trop de sophistication ou de naïveté, le film impose malgré ses carences une singularité, une obstination, une forme d’étourdissement qui le rendent assez fascinant.

L'Apollonide, souvenirs de la maison close
6.8

L'Apollonide, souvenirs de la maison close (2011)

2 h 02 min. Sortie : 21 septembre 2011 (France). Drame

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Paris, 1899. Une langueur fin de siècle capte les décors à l’Alma-Tadema et reflète la douce résignation de femmes livrées aux caprices de clients généreux ou vicieux, aux maladies incurables, à l’opium qui fait oublier. Au sein de ce lupanar où s’ébaudissent les corps capiteux des filles de joie, des fleurs du mâle s’étourdissent dans une esthétique rock et décadente : manière suprêmement audacieuse de lier la réalité funeste d’une condition emprisonnée à son approche purement fantasmatique, de considérer l’anachronisme dans sa fonction psychologisante, et de laisser filtrer spleen d’éther et grâces de beaudelairisme déglingué. Avec cette œuvre-monde aux perceptions déréglées, au temps élastique, aux boucles fascinantes, Bonello livre un grand film addictif et toxique sur le travail et l’exploitation, le désir et la pulsion de mort.
Top 10 Année 2011 :
http://lc.cx/qET

Saint Laurent
6.3

Saint Laurent (2014)

2 h 30 min. Sortie : 24 septembre 2014. Biopic, Drame

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Si l’intérêt que l’on porte à la mode se situe en dessous du niveau zéro, si l’on ne se sent aucune appétence envers YSL (c’est mon cas), la personnalité du réalisateur garantit néanmoins la singularité d’une approche diamétralement opposée à l’académisme du biopic mimétique. L’évocation prousto-viscontienne de la vie du couturier est comme une rêverie jonchée de souvenirs et de fulgurances, une chronique impressionniste davantage tentée par l’abîme que par les colifichets, une apnée spatio-temporelle au sein d’un psychisme en friche et d’un esprit à la torture. Hélas, toute virtuose que soit cette errance mentale à la morbidité crépusculaire et au montage étoilé, il lui manque l’essentiel : l’étincelle de l’incarnation, la plus-value émotionnelle qui en fissurerait la beauté fantomatique et glacée.

Nocturama
6.2

Nocturama (2016)

2 h 10 min. Sortie : 31 août 2016. Drame, Policier

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Curieuse entreprise que ce coup de sonde donné par le cinéaste esthète au malaise contemporain, à une jeunesse minée par un sentiment collectif de détresse et de confusion. D’une certaine manière, le film permet à son auteur de tester ses propres limites : il éprouve sa tendance à l’abstraction, son goût des formes et des genres, sa faculté à élaborer des machines hybrides et sophistiquées, au contact d’une urgence et d’une angoisse qu’il se refuse à décrypter selon un mode strictement contextuel. Mais à trop fuir l’idéologie et le discours politique il finit par se les prendre en pleine face : en concluant sur un tract anti-flics primaire il se tire une balle dans le pied et, après la lourdeur de la métaphore consumériste, laisse planer des doutes sur sa maturité et son honnêteté intellectuelles.

Zombi Child
5.6

Zombi Child (2019)

1 h 43 min. Sortie : 12 juin 2019. Drame, Fantastique

Film de Bertrand Bonello

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Ce pourrait être une nouvelle version de "Suspiria" revisitée par Claire Denis. L’entreprise donne en tout cas à son auteur l’opportunité de frotter le fantastique au spleen adolescent du teen movie, d’entretenir une forme de douceur éthérée, rêveuse, atmosphérique, tout en récusant le folklore au profit d’un contact presque ethnologique avec le sujet. Si le chaos, les distorsions et l’effroi s’invitent dans ce récit partagé entre passé et présent, culture haïtienne et usages contemporains, c’est pour mieux réinvestir les racines d’une figure (le zombie) et d’une pratique (le vaudou) détournées par l’imaginaire occidental de leur terreau originel : l’espoir d’une cohabitation pacifique entre morts et vivants, l’expression d’un désir transgressif que la douleur des affects peut soudain transformer en cauchemar.

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