Chroniques du cinématographe - 2017

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La monstrueuse entreprise de Denis Villeneuve s'est avérée payante : Blade Runner 2049 est une réussite totale, à la fois suite digne du premier épisode, meilleur film de son réalisateur et l'un des meilleurs films de SF récents.

La fine frontière entre suite fidèle et émancipation de son illustre modèle est respectée, BR2049 reprend les fondations du film de Ridley Scott pour mieux bâtir dessus et poursuivre toutes ses interrogations. L'enjeu principal et tout ce qu'il sous-entend est un coup de génie, de même que l'arc narratif tragique et souvent cruel du personnage de Ryan Gosling, en quête désespérée de réel dans un monde d'illusion et de trouble.

Comme Fury Road en son temps, et avec des intentions diamétralement opposées, le film de Villeneuve manipule son imposant budget pour livrer un blockbuster sans concessions, ici lent et très contemplatif et ne sacrifiant pas une seule seconde sur l'autel du divertissement facile.

L'échec commercial du film, compréhensible, n'en reste pas moins désespérant quant à l'état actuel de l'industrie hollywoodienne.

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[Sortie en 2017 en Belgique]

Makoto Shinkai atteint ici son état de grâce. Son immense talent pour la plastique de l'image et la poésie visuelle est enfin mis au service d'une histoire à la hauteur. S'intéressant comme d'habitude aux histoires d'amour aux séparations a priori infranchissables, il utilise les codes du "film d'échange de corps" (si c'est un genre) à sa manière, d'abord pour en jouer avec amusement et astuce mais aussi pour créer une intimité palpable entre ses deux personnages principaux, avant de tout chambouler avec un twist bouleversant.

On peut lui reprocher sa longueur ou ses élans émotionnels un peu trop démonstratifs, mais j'ai pour ma part été emporté par cette beauté un peu naïve mais terriblement poignante. Comme si Shinkai avait finalement compris comment connecter ses obsessions formelles et thématiques tout en créant une profonde empathie pour ses personnages. Tour à tour spectaculaire, intime, drôle, mélancolique, léger, apocalyptique, un vrai chef-d'oeuvre, je ne mets pas forcément le doigt sur les raisons de son énorme succès au Japon et à travers le monde, mais ça me semble en tout cas amplement mérité.

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Comment prendre un pitch de mélo lambda et en faire un putain de drame.

Ce qui marche avec les partis pris de Kenneth Lonergan, c'est qu'il évite tout pathos non nécessaire. Il construit ses scènes au sein d'un rythme lent, évoquant le quotidien, et renonce à toute extravagance qui entraverait la limpidité de son propos.

La grande sobriété de la mise en scène s'accorde avec l'extrême justesse de l'écriture et la vérité qui se dégage des situations. J'aime par exemple beaucoup comment est traité le deuil du fils, comment la tristesse fait partie du quotidien et peut resurgir même aux moments les plus anodins. Les personnages sont remplis de nuance, de même que le déroulement qui évite les gros sabots d'un film de rédemption bien lourd.

Evidemment, dur de ne pas souligner les interprétations, toutes de très haut niveau en particulier bien évidemment un Casey Affleck bouleversant.

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J'étais très méfiant en entrant dans la salle pour le nouveau film de Yorgos Lanthimos, l'univers du réalisateur étant si décalé et radical que généralement, ça passe ou ça casse.

Mise à mort du cerf sacré fait partie de ces quelques films qui m'ont mis mal à l'aise physiquement, créant une atmosphère anti-confortable et étouffante dès ses premiers instants. Cadrages et travellings cliniques évoquant Kubrick, image au grain numérique bien sale, acteurs aux prestations surréalistes s'accordant à merveille avec l'ambiance générale... C'est une vraie expérience dont je ne suis pas ressorti indemne. La géniale et terrifiante absurdité de l'enjeu principal est exploitée dans tout ce qu'elle a de plus impitoyable, j'ai rarement été autant fasciné par un film tout en méprisant absolument tous ses personnages.

J'ai lu pas mal d'interprétations sur le propos du film et elles font toutes sens à mes yeux, même si c'est sa dimension sensorielle qui a primé à mes yeux. Après je comprends qu'on déteste...

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Le grand retour de Pixar pour ce qui est de loin leur meilleur film post-2010 après Vice-Versa.

Certes, la trame est très convenue et recycle bon nombre des poncifs de l'animation contemporaine : le héros au rêve contrarié par la tradition familiale, le duo involontaire forcé de collaborer pour arriver à un objectif commun, le vilain surprise du troisième acte (spécialité de Disney ces derniers temps)... Il n'empêche que Coco réussit là où bon nombre de ses concurrents directs échoue : il parvient à proposer une émotion sincère et palpable. Ca a toujours été la force de Pixar, ça l'est encore une fois ici, cette faculté de proposer des scènes très simples mais tout simplement poignantes. Au-delà de son histoire, le film propose un second niveau de lecture très fort, sur la famille mais surtout sur les notions de mémoire et d'oubli, illustrées de manière très poétique.

J'ajouterais que, si le film n'est pas aussi coloré et fantasque que The Book of Life, la patte artistique n'en demeure pas moins absolument savoureuse et que le studio s'impose encore une fois comme une référence technique. On retrouve un visuel ample et soigné, ce qui manquait à Vice-Versa justement.

Bref c'est du Pixar comme je l'aime, intelligent et émouvant, la preuve que le studio peut encore sortir de vraies pépites à condition de s'appliquer.

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Un Scorsese qui divise, ça promet toujours quelque chose de grand. Parce que Marty a l'art de s'accrocher à des projets très personnels et dont on sait d'avance qu'ils laisseront une partie du public sur le carreau.

Silence est de ceux-là. Sorte de conclusion à une trilogie sur la religion et la foi entamée avec La Dernière Tentation du Christ et Kundun, Silence traite d'un sujet pas évident : la mission des missionnaires jésuites pour répandre la foi au Japon au XVIIe siècle. Ce sont surtout les choix de traitement qui m'ont marqué, Scorsese fait le choix d'une grande sobriété dans la mise en scène, d'un rythme très lent, sans musique, qui colle à merveille au contexte du Japon féodal.

La problématique est vraiment traitée avec beaucoup d'ambiguité, le film ne prend jamais vraiment le parti de son personnage principal mais rend malgré tout ses tourments (physiques et intellectuels) et ses doutes existentiels palpables pour le spectateur - à ce titre je considère l'apparente redondance du scénario et la longue durée du film comme des composants essentiels de la construction du propos. Le tout est beaucoup plus subtil qu'il n'y parait au premier abord.

Un Marty donc toujours extrêmement en forme. La critique lui préférera sans doute son prochain film de gangsters, mais je le trouve toujours aussi passionnant sur ce genre de sujet plus délicat.

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Très beau film que ce Faute d'amour, souvent poétique mais aussi d'une cruauté sans appel dans son propos sur l'abandon. La force du film, au-delà du côté déchirant et sans espoir de son propos, c'est peut-être d'arriver à dresser des personnages vrais et aux multiples facettes, en ce compris les deux parents pourtant responsables du désespoir de leur enfant. Mis en scène avec beaucoup de sobriété, d'intelligence et d'élégance, le film de Zvyagintsev reste l'un de mes coups de poing de cette année.

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Un Kore-Eda une fois de plus très touchant, qui évoque de nouveau des relations parent-enfant compliquées, ici à travers le personnage d'un père plein de bonnes intentions mais incapable de s'occuper correctement de son fils. Ambiance douce-amère, pleine d'intimité et de naturel, d'un calme religieux malgré la tempête du titre, c'est très beau même si j'ai préféré son précédent.

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Après un Réveil de la Force prenant la forme d'une lettre d'amour généreuse mais fort peu audacieuse à la trilogie originale, la saga prend un nouveau tournant avec l'arrivée de Rian Johnson derrière la caméra. Ayant visiblement bénéficié d'une certaine liberté, le réalisateur offre sa propre vision de l'univers et n'hésite pas à envoyer valser certaines des pistes ouvertes pas Abrams.

Derrière son apparent respect d'un cahier des charges imposant (il faut de l'humour, des batailles spatiales, un quota minimum de planètes à visiter et de péripéties pour rythmer le récit), Johnson essaie de déconstruire plusieurs éléments-clés du mythe, joue fréquemment avec les attentes du spectateur pour mieux les désarçonner et livre ainsi le Star Wars le plus méta. Le film met ainsi au premier plan la nécessité d'évoluer, d'aller de l'avant et de s'émanciper du passé sans pour autant le détruire, adoptant ainsi la même trajectoire que ses personnages principaux.

Ceux-ci connaissent une évolution des plus appréciable, prévisible et inattendue à la fois. La dynamique Kylo Ren/Rey porte le film, de même que la présence d'un Luke Skywalker plus troublé que jamais, et les meilleurs moments du film sont ceux mettant au premier plan ce trio ambigu.

Souvent spectaculaire, épique et puissant dans ses images, Les Derniers Jedi n'évite pas quelques écueils : le film est trop long, prend parfois des détours dispensables (la sidequest de Finn et Rose...), en fait parfois trop à force d'excès de générosité... Sans compter que l'intrigue repose parfois sur de grosses incohérences ou débilités pour amener ses personnage d'un point A à un point B.

Il n'empêche que cet Episode VIII ressemble à ce que j'attends d'un Star Wars en 2017 : un film qui ne renie pas son héritage mais plutôt l'utilise intelligemment et offre une poignée de moments mémorables. Il ne reste plus à espérer qu'Abrams ne fera pas marche arrière pour l'Episode IX...

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Comme tous les genres hollywoodiens ayant traversé l'histoire avant lui, le film de super-héros semble être arrivé à un état de crise. Rythme de sortie effréné, et univers partagés formatés ayant pour effet de lisser la production à l'extrême. Le genre n'a jamais été à la fois aussi prolifique et aussi peu intéressant. Logan semble avoir été conçu pour réagir à tout cela.

Après avoir fait leur mea culpa du médiocre Combat de l'Immortel, James Mangold et Hugh Jackman ont pris les choses en main pour livrer ce qui est non seulement le meilleur film Wolverine de loin, l'un des meilleurs X-Men avec le 2 et Days of Future Past mais aussi peut-être le film dont l'industrie avait besoin. Pas de castagne grande échelle ni de casting en collants, on est dans une approche simple et épurée, évoquant davantage le western ou le post-apo. Au premier plan : la volonté de déconstruire pour mieux reconstruire, de mettre une vraie distance entre le "mythe" et la "réalité" dans ce qui est sans doute l'équivalent superhéroïque du western crépusculaire.

Le film est extrêmement touchant dans ce qu'il fait des personnages de Charles Xavier et bien évidemment Logan, on sent le poids de l'héritage d'une saga filmique de près de 20 ans et l'hommage sincère de deux acteurs aux personnages qu'ils ont longtemps incarné. Le poids des années pèse sur les deux X-Men, de même que les conséquences de leurs habilités exceptionnelles finissent par les rattraper. Très noir et rempli de mélancolie et de rancoeur, le film s'offre aussi une vraie lueur d'espoir à travers le personnage de Laura, fille de substitution et incarnation d'une possibilité de futur à la fois pour les mutants et pour la saga en elle-même.

Pour coller à son ton nettement plus âpre et dur, le film s'offre le luxe d'un "r-rating" nécessaire. La violence graphique n'est pas seulement là pour la forme, mais aide vraiment le film à s'ancrer dans son univers à lui, plus violent et désespéré que jamais, et à le distancier d'une production globalement très lissée.

Loin d'être parfait et cédant à quelques facilités, le film n'en reste pas moins non seulement une vraie réussite dans la concrétisation de ses intentions mais aussi une nécessité. J'ose espérer que son succès poussera d'autres studios à prendre quelques risques et à offrir l'opportunité à de vrais auteurs de cinéma de raviver un genre au point mort créativement parlant.

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C'est donc le grand retour de Shyamalan, à se demander où ce type était parti toutes ces années. Split est un super bon thriller, de ceux qui arrivent à créer une vraie ambiance et une putain de tension aiguisée, à vraiment faire flipper pour ses personnages principaux et à créer un truc vraiment trouble et inquiétant avec ce personnage aux multiples personnalités absolument fascinant. Tous les acteurs sont très bons mais McAvoy domine de loin le reste avec un jeu assez génial, toujours aux limites du over-the-top, jonglant constamment entre le presque drôle et le carrément flippant.

Et puis il y a ce twist, on connait Shyamalan mais là il va encore plus loin que d'habitude et c'est assez savoureux.

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Imbert et Renner n'atteignent pas ici le génie d'Ernest et Célestine, mais ce Grand Méchant Renard n'en reste pas moins l'un des films "pour enfants" récents les plus attachants. Les deux réalisateurs offrent trois histoires tour à tour drôles et adorables, enchaînant les péripéties réjouissantes et les moments attendrissants. C'est un peu inégal à cause du format (la troisième partie est un peu en dessous tandis que la seconde culmine) mais j'ai passé un super moment. Petite mention au style graphique charmant comme tout même si très minimaliste.

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Comme on quoi on peut prendre un gros sujet à Oscars (banlieue défavorisée à forte population noire + homosexualité = jackpot !) et livrer un film tout ce qu'il y a d'honorable, qui évite les écueils du pathos facile et de la platitude extrême du traitement. Trois chapitres, trois acteurs, trois époques pour un seul personnage, chaque segment posant ses propres questions tout en contribuant à la construction identitaire de ce jeune de banlieue américain vivant mal son homosexualité. Je ne peux que saluer la retenue des dialogues et de la mise en scène, évitant toute la lourdeur attendue et rendant ses personnages et leurs questionnements crédibles et attachants. Imparfait sur la durée, le film de Jenkins culmine dans son troisième chapitre, le plus simple, le plus minimaliste, mais pourtant le plus puissant dans ce qu'il raconte.

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Encore un film dont on aura finalement plus parlé pour le buzz l'entourant que pour ses qualités intrinsèques. Pourtant ce film de genre français (!), imparfait comme tout premier long-métrage qui se respecte, mérite qu'on s'y attarde. Un récit initiatique et de perte d'innocence ayant recours au rapport à la chair et au corps qui se transforme dont la grande force est de parvenir à créer une ambiance vraiment dérangeante. Les incursions glauques/gores font leur effet, le travail visuel est très réussi dans l'ensemble, et l'expérience dans son ensemble marque, malgré quelques imperfections (manque de subtilité et de liant dans la narration entre autres).

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Après un premier volet modeste, fun et efficace, John Wick 2 rempile avec la volonté d'en offrir davantage. Intrigue un poil plus complexe, plus de variété dans les lieux et surtout inventivité renouvelée dans le sens du visuel et les scènes d'action, une fois la phase de mise en place passée on enchaine les scènes d'action jouissives, ponctuées de moments d'iconisation savoureux.

Le film sait également quoi faire de son personnage, de son univers, et de ses enjeux sans tomber dans une bête redite du premier.

J'ai bien pris mon pied et j'attends la suite avec impatience !

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Un film de Nolan reste un événement en soi, peu d'autres réalisateurs parviennent encore à susciter un tel engouement et à faire parler d'eux à chacune de leur sortie. Ici, le réalisateur sort en partie de sa zone de confort en livrant un film de guerre pur et dur et en renonçant à sa tendance à tout expliciter par le dialogue. Ici, la narration se fait avant tout par l'image et par la sensation, permettant au réalisateur de transcender son sujet par son seul sens du spectacle et de l'impression. Cela se fait au détriment des personnages, caractérisés a minima.

Pour autant, certaines tarres nolaniennes semblent plutôt tenaces. A commencer par cette narration en trois points de vue/durées, qui complique inutilement le récit et annihile parfois la tension en switchant trop vite d'une timeline à une autre. Et tout le traitement sonore peine à me convaincre, je comprends ce que le réalisateur essaie de faire mais c'est trop tonitruant, tous les voyants sont à fond et la musique de Zimmer aura rarement été aussi insipide. Pas mon préféré du cinéaste mais l'expérience vaut tout de même la peine d'être vécue.