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Jacques Rivette - Commentaires

Cinéaste extrêmement réputé, l’un des chefs de file de sa génération, dont les films se distinguent par un tissu limpide et complexe, un goût des constructions dédaléennes, gouvernées par le jeu, l’imaginaire, la création. Il y a un peu du vagabondage et du naturel à l’œuvre chez les deux autres R ...

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18 films

créee il y a plus de 11 ans · modifiée il y a environ 1 an

Paris nous appartient
6.6

Paris nous appartient (1961)

2 h 15 min. Sortie : 13 décembre 1961. Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Mais à qui appartenons-nous ? Comme l’étudiante devenue actrice en herbe, on se demande lequel, du metteur en scène romantique rattrapé par une sombre fatalité, de l’exilé américain prophétisant l’apocalypse, ou de la maîtresse distante et mystérieuse, tire les ficelles de ce que l’on voit. Tout n’est peut-être qu’invention, supputation, délire, et pourtant tout paraît étrangement probable : une menace diffuse plane sur les rues de Paris, un fantastique brumeux envahit chaque poche du réel, un complot mortel et planétaire se trame sans que jamais ses termes ne soient explicités. Goût du secret cabalistique, des énigmes enchâssées, d’un imaginaire égaré dans sa propre profusion… L’enquête est fascinante, et tisse une toile arachnéenne entre Umberto Eco, Fritz Lang et Jorge Luis Borges.

Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot
7.1

Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot (1967)

2 h 20 min. Sortie : 26 juillet 1967. Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Auréolée bien malgré elle, à sa sortie, d’une réputation sulfureuse, l’adaptation du roman polémique de Diderot est un modèle d’écriture épurée dont la puissance accusatoire chauffe les nerfs. Ce n’est pas la religion qui est mise sur le banc des prévenus mais la façon dont elle est instrumentalisée, l’hypocrisie destructrice et coercitive d’un code séculier qui bafoue les libertés, étouffe l’épanouissement des êtres et dissimule sous l’austérité du dogme son inadaptation au monde. Figure de l’intégrité et de l’obstination, dont l’innocence attire la convoitise d’êtres diversement victimes du système (la mère supérieure, coupable de passions interdites, en mourra folle), Suzanne traverse les différents cercles de l’enfer, cette société archaïque que Rivette dépeint avec la colère et la rigueur d’un réquisitoire sans appel.
Top 10 Année 1966 :
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L'Amour fou
7.6

L'Amour fou (1969)

4 h 12 min. Sortie : 15 janvier 1969. Drame, Romance

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Quatre heures. C’est le temps que s’octroie Rivette pour tenter de capter, en une sorte de cinéma-vérité-reportage à la construction libre, la réalité intime d’un couple en désunion. Il pousse à l’extrême ses recherches sur l’expression et l’enregistrement du réel, l’entremêlement du document brut et de la fiction, en faisant durer jusqu’à l’épuisement les séquences d’improvisation, de répétition, de jeu. Le rapport de la vie au théâtre, le dialogue complexe entre création scénique et crise amoureuse, la recherche de l’écoulement du temps et de l’intensité des passions valent autant de tunnels d’ennui que de moments de grâce, autant de dialogues plombants que de fulgurances magiques. L’expérience est assez abrupte mais illuminée par la présence de Bulle Ogier en petite chose lunaire, fragile et dépressive.

Out 1
8.2

Out 1 (1971)

12 h 29 min. Sortie : 18 novembre 2015 (France). Comédie dramatique

Film de Jacques Rivette et Suzanne Schiffman

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Trésor de collectionneur, rareté pour happy few, fantasme de cinéphile, ce film-monstre, véritablement hors du commun, impose une lente conversion du regard et exige une redéfinition totale de tous les critères de réception et d’appréciation. On s’y engouffre comme dans une fiction sans début ni fin, un jeu de pistes entre théâtre et réalité, un labyrinthe de connexions souterraines, d’intrigues amoureuses, de filatures, de disparitions mystérieuses, sur lequel plane l’ombre d’une énigmatique société secrète, et où s’ébroue une ribambelle de personnages sérieux et drôles comme des enfants. Que l’on se perde ou s’ennuie parfois devant ces blocs de scènes tour à tour arides, fantaisistes, irritantes ou fascinantes fait partie de l’expérience – laquelle semble n’avoir pour maîtresse que la liberté absolue.

Céline et Julie vont en bateau
7.3

Céline et Julie vont en bateau (1974)

3 h 13 min. Sortie : 18 septembre 1974. Comédie dramatique, Fantastique

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Avec ses portes d’entrées multiples et ses facétieuses traversées du miroir, avec sa philosophie allègre invitant à entrer dans la ronde de l’illusion et de l’imaginaire, le film élabore un jeu qui se veut enveloppant et redistribue en permanence les cartes d’une narration toute en permutations, variations, glissements identitaires. Julie devient Céline, Céline devient Julie, un accessoire en appelle un autre, une péripétie accouche de la suivante, sur un mode marabout-bout-de-ficelle qui lasse très vite. Mais la frontière est vite franchie entre enchantement ravi et ennui un peu consterné devant tant de nawakisme complet : on peut ne voir dans cette entreprise que gratuité et cocasserie en toc. Néanmoins j’aime bien la dernière partie, avec ses spectres à face de plâtre, et la fraîcheur de Juliet Berto.

Duelle
6.5

Duelle (1976)

2 h 01 min. Sortie : 15 septembre 1976. Drame, Fantastique, Romance

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Rivette ressuscite les fées et décrit en symboles la quête du trésor que tout un chacun mérite. Explorant des rivages de plus en plus escarpés, il travaille les notions de dualité et d’invisible, les effets de miroir, les liens naissant entre deux femmes, s’oriente vers un cinéma ouvertement fantastique qui estompe les références au réel au profit d’un imaginaire tout puissant, servi par les images bleutées et nocturnes de Lubtchansky. On y voit la blonde fille du Soleil et la brune fille de la Lune, séduisantes reines-magiciennes, errer sur le macadam ou les pistes de danses et se livrer une lutte sans merci pour le contrôle des hommes : corridors mystérieux, mondes parallèles, formules magiques, rêveries irrationnelles déroulent une fiction à la Cocteau, parfois envoûtante, trop souvent impénétrable.

Noroît
5.7

Noroît (1977)

2 h 25 min. Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Troisième épisode de la tétralogie des "Filles du Feu", dont seuls deux seront concrétisés. C’est un peu "Moonfleet" au féminin, retravaillé par l’imaginaire très particulier d’un auteur qui pousse à fond la théâtralité et la déréalisation des situations. Rivette convoque l’imagerie du film de pirates au sein d’une arène insulaire rempli de bornes et de limites mais où les scènes parallèles finissent toujours par communiquer, s’enferme dans un univers dont il a jeté la clé et refuse la moindre facilité au spectateur. Passablement circonspect, on essaie de suivre comme on peut cette sombre intrigue de haine, de séduction et de mort, où Bernadette Lafont, ogresse gainée de fuschia, et Geraldine Chaplin, aveuglée par la soif de vengeance, s’autodétruisent en des rituels opaques. La digestion est plus que difficile.

Le Pont du Nord
6.8

Le Pont du Nord (1982)

2 h 10 min. Sortie : 24 mars 1982. Comédie dramatique, Policier, Thriller

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Une ex-terroriste tout juste sortie de prison rencontre une jeune marginale qui lutte au karaté contre des moulins à vent, un peu allumée mais sympa quand même. Avançant ou reculant selon le bon plaisir du hasard, elles errent dans une capitale faite de terrains vagues, de squares, de chantiers de démolition : un jeu de l’oie grandeur nature hanté par l’ombre d’une conspiration opaque – "Paris nous appartient", bis. Chaque halte ou lieu de rendez-vous correspond à une case ; certaines sont piégées, d’autres recèlent des trésors, l’une d’entre elles signifie la mort. Tel un Ali baba de la pellicule, Rivette semble vouloir faire agir ce désordre comme un philtre enjôleur, avec lumière naturelle, deux sous pour budget et une bande de copains en guise d’équipe. Le charme agit, mais par intermittence seulement.

L'Amour par terre
6.5

L'Amour par terre (1984)

2 h 56 min. Sortie : 17 octobre 1984 (France). Comédie, Drame, Fantastique

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Rivette est le Lewis Carroll du cinéma français. Il adore les trompe-l’œil, les passages de miroir, les pas de deux entre réel et imaginaire. Fresques pompéiennes, mélange d’Art déco et de tachisme, mosaïque zodiacale, château de Barbe-bleue avec chambre interdite et portes fermées derrière lesquelles on entend la forêt tropicale ou la rumeur de la mer… Cet univers fermé et parallèle est semblable à une boîte à malice : ses mystères sont autant d’appels de la fiction, de chassés-croisés entremêlant vie et théâtre, illusion et vérité. Quant aux acteurs (Jane Birkin, superbe de grâce échevelée, Laszlo Szabo, étrangement drôle en secrétaire tirant les ficelles…), ils participent à la séduction secrète d’une initiation ésotérique dont la fantaisie laisse affleurer comme un climat mortuaire de peur enfantine.

La Bande des quatre
7.5

La Bande des quatre (1989)

2 h 40 min. Sortie : 8 février 1989. Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le théâtre, encore et toujours, offre la toile de fond de cet exercice de style sur la complicité de quelques jeunes femmes élèves d’un cours d’art dramatique. Au-delà d’une trame pseudo-policière, Rivette poursuit ses thèmes fétiches, le jeu (en vase clos) des sentiments et des influences et l’évocation d’un complot mystérieux. Entre un professeur dont le rôle consiste, à force de fouiller les textes, à permettre à chacune de se trouver, et un tricheur énigmatique qui ment au nom d’un ordre menteur, entre la villa, lieu ouvert sur le jardin, les rues, le café, et le théâtre d’illusion éclairé par les feux de la rampe, le film balance, un peu opaque et erratique, en multipliant les oppositions et les inversions, les références littéraires et les signes codés censés dévoiler peu à peu des bribes de vérité.

La Belle Noiseuse
6.9

La Belle Noiseuse (1991)

3 h 58 min. Sortie : 4 septembre 1991. Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

L’action se situe dans un véritable château, qui impose de traverser une série d’antichambres avant de pénétrer l’atelier de l’artiste, dangereuse arche d’abandon, d’affrontement et de vérité, où vont se jouer quatre heures durant tous les enjeux de la création, des sacrifices qu’elle impose, du travail douloureux consistant à capter et endiguer l’inspiration. L’œuvre ne s’offre pas aisément, refuse toute satisfaction immédiate, se construit en un cheminement aussi long qu’obstiné, mais le mystère que Rivette donne à voir et à ressentir est assez fascinant, jusque dans l’effroi qu’il inspire : rien moins que la vampirisation du modèle par le tableau, l’incrustation d’un secret intime, d’une âme, sur la toile. Jeu dangereux, dont il faudra emmurer le fruit pour préserver ceux qui l’auront goûté.

Jeanne la Pucelle I - Les Batailles
6.7

Jeanne la Pucelle I - Les Batailles (1994)

2 h 40 min. Sortie : 9 février 1994 (France). Biopic, Drame, Historique

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Jeanne d’Arc est ici une gamine humble et farouche pétrie de sa mission divine, outrée par l’impuissance des puissants, traversée de cette authentique fierté que procure la conviction d’agir selon sa conscience. C’est le mérite de Rivette que de la montrer familière et rieuse, loin de tout mysticisme mortificatoire, de toute allégorie hautaine, vernie et statufiée. Le long d’une fresque austère qui refuse le spectacle pour consacrer la force d’une idée allant son chemin, elle s’enthousiasme, se révolte, s’abat, s’applique, sans que jamais pâlisse l’aura de respectabilité qui la garde. Vibrante et lumineuse, Sandrine Bonnaire offre son élan intime à un film qui aurait cependant gagné à être plus resserré, plus vif, et dont l’approche rigoureusement factuelle tient sans doute un peu trop du patrimoine revisité.

Jeanne la Pucelle II - Les Prisons
6.8

Jeanne la Pucelle II - Les Prisons (1994)

2 h 56 min. Sortie : 9 février 1994 (France). Biopic, Drame, Historique

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Cf ci-dessus.

Secret défense
7.3

Secret défense (1998)

2 h 50 min. Sortie : 18 mars 1998 (France). Policier, Drame

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Dans un univers nocturne et inquiétant qui évoque l’univers du polar sans se plier à ses règles, le réalisateur dispense une ronde de mort où les victimes refont constamment surface pour se venger de leurs assassins. Comme toujours il laisse durer les scènes intermédiaires (longs voyages en métro et en train), déplace les enjeux de l’intrigue sur un terrain fluctuant entre tangible et irrationnel, et explore l’angoisse et les ravages intérieurs des êtres sans vraiment expliciter les situations qui les ont provoqués. Les impasses, redites, surplaces, hésitations, lignes droites et courbes du film rivettien sont toujours présents, mais c’est plutôt la fatalité de la tragédie grecque que revisite ce jeu de poker menteur dont les indices parcellaires masquent une grave réflexion sur la culpabilité et la morale du châtiment.

Va savoir
6.8

Va savoir (2001)

2 h 34 min. Sortie : 10 octobre 2001 (France). Romance, Comédie dramatique, Policier

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Échafaudage fluide et sophistiqué, nourri par par une matière feuilletonnesque et vaporeuse que Rivette s’amuse à entrelacer autour de lieux magiques, propices à son enchantement – le théâtre, les bibliothèques, nouveaux labyrinthes. Les profs de philo y engagent de catastrophiques stratégies de séduction, les metteurs en scène italiens y recherchent des manuscrits perdus, les rivales en amour, devenues complices, se liguent dans l’élaboration d’un plan subtil. Sous l’égide du "Carrosse d’or" de Renoir et des emboîtements à rallonge de Pirandello, le cinéaste change de jeu à tout instant, élabore une comédie de l’échappatoire à la douce folie, jouant avec délice des partitions complémentaires de ses acteurs, et délivrant un charme et une cocasserie aussi légers qu’une plume.
Top 10 Année 2001 :
http://lc.cx/UPW

Histoire de Marie et Julien
6.3

Histoire de Marie et Julien (2003)

2 h 30 min. Sortie : 12 novembre 2003 (France). Drame, Fantastique, Romance

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

L’amour peut-il tout ? Vaste question à laquelle le cinéaste s’attèle en reprenant un projet originellement rattaché au cycle des "Filles de Feu". Le visible et l’invisible, la réalité et l’apparence, les comportements inexpliqués et incohérents, le miroitement d’énigmes (secret délétère, suicides cachés, sombre histoire de chantage), dont le déchiffrement importe moins que l’exposition, tous ces principes chers à l’auteur se manifestent à travers une histoire de fantôme qui plonge à la source d’un fantastique sans effets, exprimé uniquement par des faits. Plus encore que d’habitude, le charme aride dispensé par le film exige une vigilance, une curiosité et une patience que le récit, telle une litanie funèbre insularisant ses personnages et obscurcissant à plaisir ses enjeux, peine quelque peu à récompenser.

Ne touchez pas la hache
6.4

Ne touchez pas la hache (2007)

2 h 12 min. Sortie : 28 mars 2007 (France). Drame, Romance

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Il y a quelque chose de naïvement chimérique dans le soin mis par le réalisateur à transposer fidèlement l’écriture de Balzac. Mais comme Rohmer, qui se plaît à souligner sa dette envers la littérature anglaise, Rivette se soumet ici aux contraintes de la "comedy of manners" en tirant parfois l’écrivain français du côté de Jane Austen. Très attentive au langage et aux gestes, aux détails du vêtement, de la décoration et du rituel social, cette tragédie à la fois austère et frémissante raconte l’histoire d’amour désynchronisée entre une coquette tardivement vaincue par la passion et un ténébreux général d’artillerie, allie prestige du verbe et rigueur épurée du récit, et parvient à donner la certitude de la mort en marquant à coups d’ellipses et de cartons allusifs le passage des jours et la causalité des évènements.

36 vues du Pic Saint-Loup
5.9

36 vues du Pic Saint-Loup (2009)

1 h 24 min. Sortie : 9 septembre 2009 (France). Comédie dramatique

Film de Jacques Rivette

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

C’est l’histoire toute simple d’une panne et d’une réparation, comme l’annonce la scène liminaire qui voit un homme mettre deux doigts à un moteur et le faire repartir sans un mot. On échange la voiture contre la femme, le mécanique contre le psychique, et le tour est joué. Ainsi fonctionne le dernier film de Rivette, court, bucolique, presque rudimentaire, étonnamment dénué de torsions et d’aspérités. Drame refoulé, secrets et numéros de cirque nourrissent une petite fantaisie qui, pour peu qu’on soit d’humeur mesquine, s’apparente parfois à un brassage d’air. La légèreté frise l’inconsistance, la fraîcheur le dispute au dilettantisme. Mais un charme diffus opère modestement, qui découle sans doute de la naïveté avec laquelle l’auteur suggère que l’art n’aide réellement à vivre qu’en côtoyant les gouffres.

Thaddeus

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