Les trucs que je vais tâcher de caser dans mon planing cette année

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« Les salauds ! » D’abord indignation du survivant revenu de la guerre pour trouver sa famille morte sous les décombres, l’injure recouvre au fur et à mesure du récit un ennemi moins identifiable, une masse humaine qui, libérée par l’horreur quotidienne, ne prend même plus la peine de dissimuler sa bassesse, des travers les plus anodins jusqu’à la négation de toute dignité. Daniel Braine, évadé trois fois de la fosse aux lions des camps de prisonniers, retombe finalement dans un gouffre plus profond, jeté en pâture à une société où l’humain s’est altéré imperceptiblement. Il lui faut fuir encore, rompre les liens sociaux et matériels qui le retiennent, trouver refuge hors des camps, hors de la société. C’est un glissement mené jusqu’à son terme, hors de l’homme, vers une marge animale à la brutalité primitive où la décence a perdu toute pertinence. Mais la tentation de la normalité est pressante, Daniel reste à la merci d’une journée ensoleillé, grisé par le vin et les femmes, il peut toujours revivre, rejoindre les usines de la paix ou de la guerre qui produisent les mêmes esclaves, la même servilité face au quotidien. Il doit s’abandonner complètement, laisser libre cours à sa colère, vivre traqué parmi les bêtes. Même acculé, son reniement demeure incertain, lové dans l’esprit d’un sanglier sa nature subsiste, irrémédiablement piégée.

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La viande à brûler ce sont les stocks détruits car invendables sur un marché saturé, ce pourrait être du bœuf argentin ou du café brésilien, ce sont les chômeurs de l’entre-deux-guerres. Paul Thévenin, boursicoteur ruiné et remercié, encore emprunté dans ses restes bourgeois, doit s’adapter, apprendre à vivre avec rien parmi les parias. Entre deux pointages, il esquive le sordide, puise dans les humiliations quotidiennes un ressort insoupçonné. Débarrassé des œillères du privilégié, il acquiert la lucidité d’un homme revenu de ses illusions, deux escroqueries : la politique et le mariage. Il trouve une vie faite de mansardes minables, de débrouillardise, de camaraderie surtout. On écoute les confessions des putains, on vole des oranges pour une enfant, on rêve d’une île du Pacifique. C’est une vie suspendue, supportable tant qu’elle dure, mais gouvernée par la grande farce des statistiques. A la merci de la radiation, ultime déchéance, le chômeur endure les vexations. C’est un être en sursis, prêt à brûler.

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Tour à tour gigolo et seigneur bohème, C.S. Wright refugié dans une chambre suffocante tient sa cour, spectateur immobile du tourbillon urbain. L’erre aventureuse d’une jeunesse déclinante l’a jeté au cœur de Manhattan, échoué au milieu d’une faune hétéroclite. Tapineuses, junkies et rebuts festifs de la haute société se pressent autour de lui, belle gueule mutique écrasée par la solitude, engluée dans l’indolence du quotidien. Derrière l’amitié indifférente et le dépassement apparent des clivages sociaux, sourdent les tares d’une époque : le racisme et la misère ont eu raison du rêve américain. La classe moyenne, minée par la médiocrité et l’envie, fait figure de repoussoir. Sans aspirations, le renoncement gagne, gouffre dépressif où se noient les derniers lambeaux d’enfance d’un gosse de la campagne cerné par la grisaille de la ville.