Mon Top 10 de l'année 2013

Annotation :

Chef d'oeuvre à 90% absolu, et confirmation d'Alfonso Cuaron en prophète dont chaque prochain film aura intérêt à retourner le cerveau, sous peine de mort par décapitation, comme dirait Jafar. Quand un film propose une expérience cinématographique sans parallèle possible avec ce qui avait été fait jusqu'alors, et que cette inovation est bonne, et que le film, accessoirement, est bon, le détracteur a très peu de marge pour critiquer. Avec son hymne à la survie aussi concis que dépouillé et limpide, le film de Cuaron ne pouvait s'épargner le fiel des cyniques. Que ces derniers aillent se faire pendre : un film, ce n'est pas un roman, et une bonne histoire, ce n'est pas nécessairement une histoire compliquée. Dans cet ballet esthétique sidérant, la Bullock, dix fois pardonnée pour sa carrière jusqu'ici décevante, vit son personnage, le survit, et émeut. La magie du final n'aurait pas opéré sans cette composante. Avec, elle est totale.

Annotation :

Le "coming-of-age" film par excellence, Breakfast Club des 2000s, imprégné, habité de bout en bout par ce déferlement d'ivresse naïve et d'amertume profonde, d'esquisses de visages et d'émotions inoubliables que sont les souvenirs d'adolescence, et caractérisé par la quasi-absence de faux pas, de fautes de goût, de moment où l'on se dit "ah, dommage...". Un trio de performances magiques (Miller en magnifique joker, Lerman méritant un oscar, et la chtite Watson continuant sur sa lancée) + une mosaïque de scènes cultes (le bal sur Come on Eileen) + une bande originale tout autant + une image instantanément iconographique (la traversée du tunnel) : un classique indémontable, à mille lieues de tous les teenages movies disponibles.

Annotation :

Scorsese is back. Exit l'égarement anthropologique de Kundun, le sous-Taxi Driver qu'était Bringing Out The Dead, la fresque historique massacrée au montage Gangs of New York, le majestueux mais trop lisse Aviator (son seul vrai bon film dans cette décennie), le remake foiré doublé d’un Jack Nicholson show qu'était The Departed, Les effets criards et la psychanalyse à trois roubles de Shutter Island... dix-huit ans après Casino (brrrr), le grand Martin retrouve le feu sacré, l'ivresse sardonique et le viscéral rock n'roll de ses grands films. La caméra s'emballe, l'écriture sidère, le casting roule des plus brillantes mécaniques : en dépit d'une fin qualitativement un chouilla inférieure à ce qui a précédé, ça tue généralement bien.

Annotation :

Le meilleur film de Koreeda avec Nobody Knows. Un monument de retenue et d'élégance, qui offre à la populaire icône folk Fukuyama Masaharu son premier vrai grand rôle au cinéma, et confirme le cinéaste en tant que directeur d'acteur hors-pair.

Annotation :

Paul Greengrass, ou le gars capable de rendre passionnante une course au Monoprix, tant qu'il y a des écrans et des gens pas totalement d'accord les uns avec les autres... et autant dire que le présent film n'est pas vraiment une course au Monoprix. Avec Capitaine Phillips, le réalisateur irlandais signe ce qui est peut-être son film le plus abouti après son chef-d'oeuvre Vol 93. Sens du rythme aigü, parfaite maîtrise de l'espace, travail de montage souvent sidérant, refus de tout manichéisme dans l'écriture, évitant de fait les clichés de la prise d'otage (mention aux dialogues entre Muse et Phillips), et grande performance by Tom Hanks (2013 aura donc été l'année de son grand retour)... grand film.

Annotation :

Après avoir apprécié son fascinant chef-d'oeuvre Take Shelter, on était en droit d'attendre au tournant le nouveau film de Jeff Nichols, Mud. On avait raison, puisque le petit gars est assurément un immense cinéaste. Ressuscitant l'espace de deux généreuses heures l'âme précieuse du Stand By Me de Rob Reiner, grand film américain sur l'enfance, et confirmant le talent du réalisateur à filmer l'Amérique sauvage (Mark Twain n'est pas loin) et les petits riens dans un grand tout à la façon d'un Terrence Malick (tendance Moissons du Ciel), Mud est un beau et grand film, à la fois fluide et complexe, porté en grâce par deux grands acteurs : l'affreusement charismatique McConaughey dans le rôle d'un des plus beaux vagabonds du cinéma, et le jeune Tye Sheridan, à suivre. Un classique instantané.

Annotation :

Portrait de femme (en gestation) aussi intemporel qu'ancré dans une réalité sociale impitoyable, peinture des relations mère/fille dans leur radicalité et leur opacité éternelles (Géraldine Pailhas excellente en maman trahie par la réalité de sa princesse), échecs du romantisme, et plus encore ; François Ozon polit d'égale et brillante façon toutes les facettes de son diamant intimiste, inspiré par son sujet, dans sa mise en scène flottante et habitée qu'accompagne souvent la voix mélancolique de Françoise Hardy, et par sa canonissime icône Marine Vacth, ses vingt-trois ans juvéniles (!), et son air de Jessica Chastain chataigne. Naturel des dialogues portés par des acteurs impeccablement dirigés, remarquable bon goût de l'ensemble, en pensant à ce qu'un autre metteur en scène aurait fait d'un sujet pareil... superbe mise en scène d'un spleen terrifiant, caprice absurde et métaphysique qui fait son charme vénéneux (l'héroïne n'a pas besoin d'argent).

Annotation :

Si le vénérable ginger Ron "Happy Days" Howard devait ne garder qu'un seul film de sa longue carrière (plus d'une trentaine de films !), ce serait sans doute celui-ci. Réalisation ample, puissante et électrique où les tourments intérieurs des protagonistes vibrent autant que les courses (voir celle, épique, du Japon), narration diablement bien dosée, science du duel et de la dualité où aucun des deux concurrents ne prime sur l'autre (on apprécie l'inversion des rôles à mi-parcours), et casting parfait où le grand Hemsworth montre enfin qu'il sait jouer : Rush est un grand film sur l'idée même du duel et l'obsession aliénante qui peut en résulter, et le film de course automobile définitif. A un détail près, le personnage joué par Olivia Wilde qui ne sert à rien du tout (sucré au montage ?), on pourrait parler de chef-d'oeuvre d'un cinéaste trop inégal.

Annotation :

Ouais, et j'en ai rien à foutre de qui dira quoi. Kosinski est un immense créateur d'images et de mondes (à tel point qu'il aurait fait un bien meilleur reprenneur de Star Wars que JJ Abrams à mon sens) ; avec un grand scénario, il fera un chef-d'oeuvre de SF. En attendant, qu'il s'exerce ! Son Tron Legacy avait un scénario d'une qualité encore moindre, ça ne m'avait pas empêché d'adorer... alors ici...L'histoire d'Oblivion déconne certes par endroits, et rappelle de nombreux classiques, mais les faiblesses de son scénario sont compensées par l'intelligence de la synthèse, le romantisme ajouté... ben, l'emballage.

Annotation :

Envoûtante surprise. Le réalisateur, Arnaud des Pallières, n'est sans doute pas le meilleur conteur sur le marché : son film souffre de sérieux problèmes narratifs qui gênent la lisibilité de l'histoire et la dramaturgie. Et pourtant, il n'en est pas moins un talent à suivre de près. Le beau dépouillement de sa mise en scène s'associe merveilleusement à la somptuosité des plans et de la photographie, véritable invitation à l'immersion dans des Cévennes qui n'ont jamais été aussi mystiques et majestueuses. Cet amour du décor ne serait rien sans sa passion pour les visages, de celui du toujours transcendantal Mikkelsen ou de la jeune Mélusine Mayance, qui brille d'un feu précieux dans le rôle de sa blonde fille... tout le monde filmé à sa juste mesure. Michael Kohlhaas est peut-être décousu, et on ne sait peut-être pas toujours parfaitement ce qu'il s'y passe ; mais de sa première à sa dernière minute, on sait où il va. On devine les contours nobles de sa destination finale. Et on accepte de s'y perdre à notre tour.