Cover Philippe Garrel - Commentaires

Philippe Garrel - Commentaires

Esthète et marginal, foncièrement indépendant et cultivant avec obstination sa voix écorchée et intimiste, Garrel est considéré par certains comme le grand poète romantique du cinéma français d’aujourd’hui. Sa première période frise l’insupportable et représente le pire du pire à mes yeux, alors que ...

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16 films

créee il y a plus de 10 ans · modifiée il y a plus de 6 ans

La Cicatrice intérieure
6.9

La Cicatrice intérieure (1972)

1 h. Sortie : 2 février 1972. Expérimental, Drame, Fantastique

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 3/10.

Annotation :

Attention film-trip, œuvre d’art, geste radical, qui chie à la gueule à la spectateur pendant soixante minutes pour mieux imposer l’irréductibilité admiraaaaable de sa vision. Nico braille des trucs en anglais et en allemand (mais elle va la fermer sa gueule ?), Pierre Clémenti se balade à poil avec un carquois comme seul accessoire, la caméra procède à d’interminables panoramiques sur des paysages de sable et de roche, vastes extérieures très décoratifs trouvés en Irlande et en Égypte, et dont l’étrange beauté permet de rester tant bien que mal éveillé face à l’hermétisme et au ridicule ambiants. On ne sait pas trop à quelle fumette carburait Garrel pendant le tournage mais manifestement c’était de la bonne – du coup, ne pas faire tourner le pétard relève du plus bel égoïsme.

Les Hautes Solitudes
6.7

Les Hautes Solitudes (1974)

1 h 20 min. Sortie : 15 décembre 1974 (France). Biopic, Expérimental

Documentaire de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 2/10.

Annotation :

Un silence absolu, aucune parole, aucune musique, pas le moindre début de commencement d’intrigue, quatre vingts minutes de regards dans le vague et de regards-caméra qui s’égrènent en une litanie assommante de gros plans de visages : celui de Jean Seberg, ressemblant comme deux gouttes d’eau à Faye Dunaway, et celui de Tina Aumont, plus mutin, plus piquant. Les lamentations muettes se succèdent, le noir et blanc est aussi vide et flou que l’exercice. Des fois un type à l’expression particulièrement constipée fait face à son miroir. Voilà, c’est tout. Et c’est une authentique épreuve d’endurance, une sorte de point de non retour cauchemardesque de l’extrémisme auteurisant satisfait. Je veux bien être ouvert, patient, curieux et tout ce qu’on veut, mais il y a des limites.

L'Enfant secret
6.1

L'Enfant secret (1982)

1 h 32 min. Sortie : 2 décembre 1982 (France). Drame, Sketches

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 3/10.

Annotation :

Une fois de plus, il n’y a pas de juste milieu, aucune tiédeur possible pour parler de l’œuvre secrète (et gonflante) de Garrel, cet enfant du siècle. Quand l’on accroche pas, il faut s’accrocher pour ne pas décrocher. Pas de technique, un minimalisme radical qui tend vers le cinéma muet (l’expressivité en moins), souffre d’être faux et n’est jamais moins éloquent que lorsqu’il ouvre la bouche. Pas de sujet non plus sinon l’amour, pas vraiment beau ni vraiment aimable, plutôt blessant, douloureux, et qui pousse les êtres à se regarder en souffrant, résignés, malheureux, inadaptés. Un mot pourrait décrire ce cinéma exsangue et doloriste : la morosité. Une image pourrait lui convenir : celle de la mélodie jouée par un pianiste à trois doigts, et que plus rien n’empêche désormais de jouer avec les pieds.

Elle a passé tant d'heures sous les sunlights...
6.7

Elle a passé tant d'heures sous les sunlights... (1985)

2 h 10 min. Sortie : 9 octobre 1985. Drame, Fantastique

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Si un réalisateur se juge à la maîtrise de son art, par sa manière de "bien" mettre en scène, de "bien" diriger ses comédiens, alors Garrel s’applique ici à briser tous ces repères et franchit un pas de plus vers un cinéma brut, sauvage, quasi primitif. Construit comme une mise en abîme sur son propre tournage, aussi spontané et imparfait qu’une esquisse, ce magma poético-automatique multiplie à coup de faux raccords, de scènes interminables et de décalages sonores les tergiversations existentielles sur l’amour, la fidélité, la rupture, les affres de la création. Pour parvenir à apprécier une telle proposition, où l’on passe d’une eau-forte à la Rembrandt à un Picasso de la période bleue, il faut garder l’esprit bien ouvert, accepter la complaisance iconolâtre de l’auteur… et s’armer de beaucoup de patience.

Les Baisers de secours
6.8

Les Baisers de secours (1989)

1 h 30 min. Sortie : 4 octobre 1989 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Un couple. Il est cinéaste, elle joue au théâtre. Il veut faire un film sur leur union, intense et délicate, mais lui préfère une autre actrice alors qu’il jouera son propre rôle. Rupture, errances, déambulations psycho-spatiales, jusqu’au point de non-retour où la relation se reconstitue grâce à l’enfant. Garrel filme d’amour, d’eau fraîche et en famille (sa compagne Brigitte Sy, son père Maurice, son fils Louis), à la manière d’un journal intime qui substituerait à l’autisme underground des opus précédents un mélange de distance analytique et de projection personnelle. Posant la question de la conciliation entre vérité et art, vie et création, il raconte l’histoire d’un enlisement dans le désir de filmer la survie par les sentiments et livre ce balbutiement d’un cœur meurtri aux happy few. Moins indigeste que souvent.

J'entends plus la guitare
6.7

J'entends plus la guitare (1991)

1 h 38 min. Sortie : 11 septembre 1991. Comédie dramatique

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Même avec de la bonne volonté, même lorsqu’on se surprend de temps en temps à apprécier tel mouvement du cœur, telle assertion poétique sur l’amour-la solitude-le regret, rien n’y fait : se frotter à l’approche littéraire de Garrel tient davantage de l'exaspération de patience que de l’abandon émotionnel. Parce que filmer les effluves d’un bonheur enfui, cette harmonie violente des années soixante dans laquelle le temps a mordu, l’amante qui reste quelque part dans la vie, comme une épine de vérité, les mots qui se vident et les regards qui s’échappent, dans l’idée, c’est joli. Mais se coltiner tous ces clichés moroses sur le couple qui se délite et la passion qui fait mal, baragouinés par des personnages neurasthéniques au sein de taudis sinistres, c’est la plupart du temps assez pénible.

La Naissance de l'amour
6.5

La Naissance de l'amour (1993)

1 h 34 min. Sortie : 22 septembre 1993. Comédie dramatique

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Le pas lourd et le cheveu long de Lou Castel, front immense de Victor Hugo marchant dans des ruelles sombres. Les angles aigus de Jean-Pierre Léaud, vieil oiseau sentimental sentencieux et inquiétant qui soliloque les livres qu’il n’écrit plus. L’amour conjugal qui a un goût de cendre. La famille comme un vieux rêve qui s’effiloche. L’auto-analyse quelque peu paranoïaque des sentiments. Les problèmes de cœur et d’existence de deux quinquas fatigués, artistes minés par le questionnement, vivant comme des prolos et multipliant les allers-retours désenchantés entre Rome et Paris. Un énième agrégat d’impressions, de réflexions morales et de regards intimes, un film pour initiés du doute qui aiment se mettre à mal, et dont la grise mine n’est somme toute qu’une forme assez dandy de l’accablement.

Le Cœur fantôme
6.7

Le Cœur fantôme (1996)

1 h 27 min. Sortie : 27 mars 1996 (France). Comédie dramatique

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Comment devient-on un homme libre et à quel prix ? Telle est la double question qui taraude Philippe, séparé de sa femme et tourmenté par la culpabilité d’abandonner ses enfants. Luis Rego lui apporte son attachante personnalité, tout de douleur humble, de chagrin timide, de désarroi muet. Et Garrel le filme en témoignant d’une patience attentive qui est celle-là même de son héros. Son récit découpé, aux arêtes vives, travaille peu sur l’accumulation des durées mais file d’une scène à l’autre avec vélocité. Rien ne gêne la bienveillante description du mouvement des sentiments et des questionnements intimes, aucune séquence ne s’englue dans l’hystérie et le pathos, et l’œuvre, qui rappelle à certains égards "Le Garçu", glisse jusqu’à son terme avec une douceur empreinte de sérénité. Beau film.

Le Vent de la nuit
6.7

Le Vent de la nuit (1999)

1 h 35 min. Sortie : 3 mars 1999 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

La musique de John Cale accompagne ce voyage de hasard et de rencontres, qui laisse filtrer un profond désespoir en prohibant tout misérabilisme et revisite les lieux du passé pour mieux solder les comptes. Les paysages défilent le long de la route, la nuit conduit en Italie, en Allemagne, à Paris, la Porsche rouge rutile et rugit comme le jouet inaccessible d’une vieille panoplie. Histoire d’un temps révolu, d’une conscience qui dit "trop tard" quoique l’on ait fait ou rêvé de faire, le road-movie chuchote, autour des rapports maître-élève noués entre deux hommes, la douleur des illusions vécues et perdues. Sa musique accordée, ses fragments et ses pulsations, ses petits cris de couleur, sa douceur désenchantée en font un beau poème de la solitude et du regret, de la fêlure secrète et de la fatigue intérieure.

Sauvage Innocence
6.9

Sauvage Innocence (2001)

2 h 03 min. Sortie : 19 décembre 2001 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Une fois de plus, le cinéaste jette un pont au-dessus du vide que jettent à jamais certaines absences. Il évite ici les voies balisées qui menacent de l’entraîner dans les impasses du psychologisme lugubre et de la métaphore poids lourds sur les liaisons adultères entre le réel et sa fiction, et recourt au film dans le film afin de révéler la fêlure ontologique des personnages et leur cheminement inéluctable. Celui d’un manipulateur des ombres concluant un pacte faustien avec un ténébreux dealer : obnubilé par le désir de tourner l’histoire d’une précédente liaison, il n’est alors plus que le témoin aveugle du naufrage de sa présente compagne (fragile et émouvante Julia Faure). Le dépouillement désarmant de ce requiem intime touche comme un sanglot retenu qui, sans colère, éclate enfin.

Les Amants réguliers
6.6

Les Amants réguliers (2005)

3 h 03 min. Sortie : 26 octobre 2005 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 4/10.

Annotation :

Il y a chez Garrel une inspiration autobiographique qui nourrit et infiltre le récit sur le mode de la remémoration. Son évocation très personnelle de mai 68 opère telle une longue rêverie anthracite nimbée de brumes, un songe charbonneux fait d’insurrections nocturnes et d’illuminations enfantines, à mille lieues des images d’Épinal. Mais il y a en même temps quelque chose d’atrocement poseur, déconnecté du réel, bouffé par les clichés et la prétention, à voir ces étudiants romantiques, tous artistes évidemment, se prendre pour Musset dans des appartements haussmanniens, en écrivant des poèmes sur la liberté d’aimer et l’idéal révolutionnaire. Dès lors, l’agacement et l’envie permanente de mettre des claques font paraître les trois heures bien longues.

La Frontière de l'aube
6.1

La Frontière de l'aube (2007)

1 h 45 min. Sortie : 8 octobre 2008. Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

En optant pour le surnaturel, en recourant à un artisanat désuet qui craint pas le risque du grotesque, le cinéaste affirme sa foi en la capacité du cinéma à se réduire à quelques fondamentaux, à une pure chimie de photogénie et d’électricité qui puiserait autant chez Méliès que chez Cocteau ou Franju. Manière pour lui de remettre en jeu sa propre esthétique, ses afféteries ou ses impasses, d’insuffler plus d’inquiétude à son expression tout en privilégiant cette forme de douceur chuchotée, de tristesse lourde et résignée, qui garantit la beauté fragile de ses meilleurs films. Dans l’opposition entre la clarté saisie et la mate obscurité, il capte ainsi avec une belle poésie funambule les vertiges de l’amour fou, de l’emprise de la passion, et traduit la valse-hésitation d’une âme tourmentée par la culpabilité.

Un été brûlant
5.1

Un été brûlant (2011)

1 h 35 min. Sortie : 28 septembre 2011 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Une femme quitte un homme qui ne s’en remet pas tandis qu’un autre couple, subissant l’obsession néfaste de l’adultère, assiste à leur désagrégation amoureuse. Histoire archétypique du cinéma de chambre le plus frelaté, mais qui se love dans un ensemble taillant plus large que la radiographie des cœurs souffrants. Parce que le cadre italien renvoie au "Mépris" sans se laisser asphyxier par les références. Parce que, dans la carnation tannée d’une photographie sensuelle, Garrel filme l’exigence des sentiments en même temps qu’il suspend les idéaux (l’art, l’engagement, la révolution) pour remettre à plat la question du conflit des valeurs. Et parce que la sensibilité des comédiens (Louis Garrel et Céline Sallette en particulier) transmet une émotion que la réalisation met naturellement en lumière.

La Jalousie
6.4

La Jalousie (2013)

1 h 17 min. Sortie : 4 décembre 2013 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 9/10.

Annotation :

La propension irritante du cinéaste à multiplier les affectations et les tics auteuristes a ici totalement disparu. Sa caméra hypersensible s’abandonne cette fois, avec une tendresse inédite, à la vérité intérieure d’êtres qui vibrent, aiment et souffrent. En soixante-dix sept minutes cristallines, dont l’épure et la simplicité atteignent directement au cœur, Garrel fait dialoguer la cruauté d’un sentiment contradictoire, ambigu, constamment réversible, avec les trésors d’affection qui poussent chacun à se relever du chagrin, aller de l’avant, ne pas désespérer. L’angoisse quotidienne de l’abandon rôde, l’inquiétude matérielle menace la solidité de l’amour, mais l’attention d’une sœur, le sourire d’une fillette, sa complicité fusionnelle avec son père les éclairent d’une lumière profondément touchante.
Top 10 Année 2013 :
http://lc.cx/SHt

L'Ombre des femmes
6.1

L'Ombre des femmes (2015)

1 h 13 min. Sortie : 27 mai 2015 (France). Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Même durée minimale, même simplicité de la formulation qui échappe assez miraculeusement aux poncifs de ce qu’on est en droit de ne plus supporter dans ce cinéma de chambre très intello-franco-français. Le personnage de Merhar, égoïste, buté sur ses certitudes, morose à chaque instant, a de quoi agacer, mais le film tire une chimie très délicate de ses protagonistes féminins, toutes en courage et en lucidité. Filant la métaphore entre illusion des cœurs et vision trompeuse de l’histoire, associant différentes formes d’engagement en une même célébration de l’intégrité, Garrel rejoue les tourments de l’infidélité et du désamour, de l’incompréhension et de la douleur sentimentale, avec cette douceur cristalline, ce sens de l’évidence qui conjugue les vertus de l’acuité et celles de la poésie.

L'Amant d'un jour
6.4

L'Amant d'un jour (2017)

1 h 16 min. Sortie : 31 mai 2017. Drame

Film de Philippe Garrel

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Contrairement à tant de ses pairs pour qui l’intimité ne sert de prétexte qu’à un interminable défoulement naturaliste, le réalisateur métamorphose l’argument sentimental et enregistre depuis quelques films une collection d’instants secrets, de sensations ténues, de plages indicibles desquels affleure une véritable sensibilité. Curieuse vibration que celle de ce cinéma qui ne supporte pas l’approximation mais dont chaque moment coule pourtant d’évidence, comme s’il était extrait à la source même de ce qui fait que ses personnages vibrent, s’attachent et souffrent. Histoire d’amour triangulée par les flux contrariés du désir, de l’amitié, de la filiation, l’œuvre, que régit doucement la grande roue du bonheur et du malheur, instille la certitude inexprimable que toute joie ne peut se payer que d’une détresse.

Thaddeus

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