Un bon browning bien chargé, ou le commencement de la sagesse

Annotation :

Bon, déjà, mon père commence mal, il n'a pas ces bons vieux Soviets.
Plus besoin de trouver une idée de cadeau d'anniversaire, au moins.

Je pose tout de suite ça là, comme ça on est peinards pour la suite : oui, cet album est complètement raciste. "Attrape missié chien !" ; bon au moins on sait où on est dès la page 8.
Le racisme est bien entendu en partie conforme à son époque, mais l'excuse ne suffit pas. Trois ans plus tôt Gide écrit Voyage au Congo (deux ouvrages qui n'ont pas du tout la même démarche artistique, nous sommes d'accord), à titre de comparaison...

Bon ensuite, l'album est complètement fou.
Hergé se fait plaisir au niveau du bestiaire, c'est un défilé de safari constant : perroquet ! requin ! moustiques ! noirs ! crocodiles ! singes ! lion ! serpents ! léopards ! éléphant ! hippopotame ! girafes ! rhinocéros ! buffles !
Essayez de partir en Afrique une demie-heure et dites-moi si vous arrivez à croiser autant de faune locale !!

Les événements s'enchaînent à un rythme délirant, quasiment une nouvelle scène toutes les deux pages. Les dialogues sont réduits à portion congrues, Milou se charge de l'essentiel des gags verbaux, ce truc est un vrai blockbuster à pages.

Au début ça me paraissait poussif et parfois complètement crétin (Tintin dépeceur hors-pair...), mais la magie finit étrangement par opérer.

Un voyage à cent à l'heure au coeur des plus beaux clichés de l'Afrique coloniale, certes, mais un voyage particulièrement jouissif !

Illinois, next stop.

Annotation :

Quasiment le même rythme en Amérique qu'au Congo, mais pas la même qualité pour ces deux faux-jumeaux.
L'imaginaire est toujours très cliché (crime organisé/peaux-rouges/industrie pétrolière et en avant la musique) mais moins puissant. Je ne me souviens même pas avoir vu la queue d'un bison.
Les invraisemblances sautent un peu plus à l'oeil (si si c'est possible) les retournements de situations improbables sont paradoxalement moins nombreux & moins efficaces.
Là où le Congo misait sur une surenchère complètement barge et (espérons) onzième degré, Tintin en Amérique tente de se doter d'un fil conducteur, la traque des gangsters, qui n'est pas en soit raté, mais qui est moins jouissif que le premier et surtout bien moins maîtrisé que ce que Hergé pondra par la suite.

Dat private detective, though.

Annotation :

Now we talkin' !

Le moelle du récit se durcit.
Le complot devient plus menaçant, plus ancré dans le réel, avec des personnages plus récurrents. Des faux-semblants subsistent (qui est ce mystérieux chef dont on n'a pas vu le corps...). Les sauvetages improbables se réduisent à portion congrue.

Plus que l'arrivée de personnages récurrents, ce que je retiens avant tout de cet album c'est celui qui m'avait terrorisé dans ma plus grande enfance : les yeux.
Je comprends pourquoi.
Je comprends aussi pourquoi mes parents devaient trouver le temps long quand je passais 10 minutes à loucher de manière mystérieuse devant eux en croyant être à ça de leur faire révéler la planque des Kinder Surprise.

Remarque ça valait toujours mieux que le personnage emblématique que j'avais retenu de l'album suivant...

Annotation :

Dans le droit prolongement des Cigares.
Le complot est moins oppressant, ce qui est sans doute le seul retard sur l'album précédent, mais rien ne manque en-dehors de ça.

Maintenant, je dois quand même vous annoncer que j'ai trouvé la Voie.
Amenez par-ici votre tête, que je vous y conduise aussi :)

Annotation :

Toujours du lourd.
Le premier album qui ne fonctionne pas en diptyque depuis les Soviets, et pourtant il y avait presque de la matière. La jungle amazonienne passe trop vite.
Grosses réussite au niveau de la menace, primairement incarnée par les deux bad guys latinos, mais qui surtout vient de partout. Tintin ne sait plus où donner de la tête, nous non plus, mais c'est en mode excellent, pas en mode Congo.
Une case qui vire au lyrique, rare mais touchant chez Hergé.

Caramba, encore énorme !