Xavier Beauvois - Commentaires

Annotation :

Voici le film d’un homme qui s’y est mis tout entier tant s’y manifeste un exhibitionnisme du conscient, des dérapages fascinés dans l’héroïsation narcissique ou la bonne volonté culturelle (à grand renfort de références byroniennes). Le personnage rate son rendez-vous avec l’Histoire car il a depuis longtemps perdu la sienne, avec ses projets d’avenir réduits à néant par l’impossible oubli d’une mort annoncée. C’est ce devenir fantôme que l’auteur tente de saisir, une fuite loin de ce qui était vers ce qui ne sera pas, dans un présent absolu et évanescent. Mais il peine à s’affranchir des clichés de la mythologie romantico-morbide anarchiquement ébauchée dans "Les Nuit Fauves", d’un arsenal de schémas idéalistes dont on voudrait simplement incriminer la naïveté s’ils ne prétendaient illustrer un sujet aussi grave.

Annotation :

Treize ans après "L-627" et sa brigade des Stups, Beauvois reprend le récit des flics ordinaires de la "Crim", participant à son tour d’une "déromantisation" de l’univers du polar et partageant comme Tavernier sa vision naturaliste d’un métier confronté à des difficultés structurelles, happé par la trivialité d’un quotidien pathogène. Il échappe à la règle tacite voulant que le scénario ou ses protagonistes portent un message sociologique et préfère s’intéresser à des personnages complexes, à deux virginités (l’une à reconquérir, l’autre en passe d’être perdue) prises dans la litanie des violences, des drames domestiques, des menus larcins, des bavures ou du racisme banalisé. Sans que jamais la nervosité sèche de sa mise en scène ne bride l’âpre sensibilité d’une aventure humaine dénuée d’échappatoire.

Annotation :

Le cinéaste se dit athée. À l’instar d’un Dreyer (toutes proportions gardées), son inspiration n’en demeure pas moins fondamentalement spiritualiste. À travers le drame des moines cisterciens de Tibéhirine, il cherche à capter le temps de la contemplation et de la communion, la mise au défi par la réalité d’un idéal de communauté humaine. Le travail de la terre, l’aide aux démunis, les soins prodigués aux malades, la fraternité avec la population locale participent ici d’une exigence sacrificielle, d’un sentiment pascalien de finitude et d’ouverture à autrui. Le force de ce beau film, à la fois concret et liturgique, est de rendre tangibles les combats et les questionnements de ces hommes liés par la même conviction mystique, de restituer sa grandeur, mais sans credo béni-oui-oui, à leur lente montée vers le martyre.