Cover Géopolitique Moyen-Orient [liste commentée]

Géopolitique Moyen-Orient [liste commentée]

Pour tenter de comprendre les conflits sanglants qui, depuis plus de 100 ans, embrasent le Moyen-Orient (et pour sortir des discours convenus médiatiques). L'idée est de lire des essais divers (disciplines diverses, auteurices diversement situé·es) pour que leurs voix dialoguent et pour restituer ...

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15 livres

créee il y a 2 mois · modifiée il y a 30 jours

Le Rescapé et l'Exilé

Le Rescapé et l'Exilé

Sortie : 1 mars 2012 (France). Culture & société

livre de Elias Sanbar et Stéphane Hessel

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

4/11/23
Conversation entre l'historien palestinien Elias Sanbar, exilé au Liban après sa naissance à Haïfa, et Stéphane Hessel, diplomate français, survivant de Buchenwald (où il avait été déporté pour ses activités dans la Résistance). Le second aura fait sa carrière politique dans l'ONU, et aura été proche des cercles qui prirent la décision, peu à peu, de reconnaître le statut pré puis étatique de la Palestine, et aura été favorable au plan de partition de 1947 – tout en ayant pris explicitement position contre les crimes de guerre israéliens. C'est un texte d'accès aisé, qui constitue une bonne porte d'entrée dans les enjeux liés au conflit israélo-palestinien, où deux points de vue humanistes a priori opposés tentent de dialoguer et d'entendre le point de vue de l'autre. L'essai, publié en 2012, avec le recul est un peu déprimant pour la masse d'espoir qu'il charrie et qui n'aura rien donné.

La Palestine expliquée à tout le monde
7

La Palestine expliquée à tout le monde

Sortie : 8 octobre 2013 (France). Essai

livre de Elias Sanbar

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

21/11/23
Dans la collection des "XXX expliqué à YYY", ce petit livre est, lui aussi, une excellente porte d'entrée dans l'Histoire de la Palestine, d'abord, mais surtout du conflit, ensuite. Elias Sanbar met en valeur l'identité culturelle de ce bout de terre où les trois monothéismes ont su cohabiter pendant des siècles et qui, aujourd'hui, les voit violemment s'affronter.

La France sans les Juifs

La France sans les Juifs (2019)

Sortie : 13 février 2019 (France). Essai, Culture & société

livre de Danny Trom

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

24/11/23
Danny Trom, sociologue français, pose ici une question dont je ne savais rien : celle de l'émigration massive, au cours des dernières décennies, des Juif·ves de France. Pour mieux comprendre les raisons de ces départs, dans le pays d'Europe qui abritait la dernière plus grande communauté juive après la Shoah, il retourne très loin dans le passé, et se demande quels étaient les liens des communautés juives européennes d'Ancien régime avec les puissants d'Europe, sur le mode de l’Alliance verticale (coopération avec les puissants pour obtenir protection en tant que minorité, y compris contre les masses). Ensuite, il montre comment la montée des nationalismes rebat les cartes du jeu : le modèle français républicain, qui essaime au travers de l'Europe, considère non plus les minorités comme des nations sous tutelle, mais plutôt comme des citoyens égaux "de confession unetelle". Cependant ce modèle ne se retrouve pas à l'identique dans toutes les nations modernes, ainsi des Juifs d'Allemagne qui se trouvent sommés de fonctionner comme une sous-nation ayant pour devoir d'apporter des contributions culturelles au melting pot global (là où la France enjoint ses citoyens à l'indifférenciation). Si j'ai bien compris – car la démonstration était complexe –, pour Trom, la montée en puissance d'une seconde minorité en France – la minorité d'ascendance arabo-musulmane – questionne le "pacte" qu'avaient passé les puissants en France avec la communauté juive du pays, qu'on laissait tranquille dans l'exercice de sa religion et de ses spécificités culturelles à condition qu'elle remplisse son devoir de citoyenne. Cette seconde minorité ne bénéficie pas des mêmes privilèges que ceux qu'avait acquis la minorité juive, et la colère / rivalité monte (ex tout bête : la question de la nourriture servie dans les cantines, avec les crispations qui se focalisent sur la nourriture hallal et non la nourriture casher) – d'où notamment, le terrorisme islamiste dirigé en France systématiquement, dans un second temps, contre la minorité juive. Ce contexte réactive un antisémitisme rampant et pousse les Juif·ves à fuir, notamment vers Israël.

C'était en Palestine au temps des coquelicots

C'était en Palestine au temps des coquelicots (1999)

ימי הכלניות –ארץ ישראל בתקופת המנדט, הוצאת כתר, תל אביב

Sortie : 1 avril 2000 (France). Essai, Histoire

livre de Tom Segev

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

18/12/23
Tom Segev appartient à la génération des "nouveaux historiens" israéliens (avec notamment Ilan Pappé et Benny Morris) qui, dès la fin des années 80, s'est employée à déconstruire le discours historique officiel qui présentait la lutte armée pour l'indépendance israélienne comme une lutte de décolonisation (envers le mandat britannique), sans interroger davantage le sort fait aux Palestinien·nes non Juif·ves. J'ai beaucoup aimé cet (énorme) livre, qui pratique une écriture de l'histoire très romanesque : on est souvent dans le récit, des témoignages de témoins et journaux intimes sont longuement cités, on voit prendre vie les acteurs clef du récit et c'est très agréable pour restituer le pluralisme idéologique de l'époque. Les coquelicots du titre ne font pas référence aux pourtant emblématiques fleurs du pays, mais au couvre-chef des soldats britanniques, de couleur rouge (des chants de résistance faisaient référence à cette présence coloniale en se cachant prudemment sous le double-langage des fleurs). Globalement, l'essai court des années 1880, dans l'Empire ottoman et au moment de la naissance du sionisme ainsi que des premières vagues massives d'immigration juive en terre sainte, au départ des Britanniques (donc on ne voit pas, par exemple, la guerre menée par la coalition des pays arabes contre Israël après sa proclamation, ni même la Nakba). Il permet de mieux comprendre les manœuvres et revirements sionistes – l'achat des terres, le soudoiement des arabes qui occupaient des positions de puissance, l'exploitation des rivalités claniques entre musulmans et chrétiens... mais aussi la montée d'un nationalisme arabe en Palestine. C'est très incarné ; Segev choisit quelques personnages qu'on voit évoluer sur le temps long (notamment l'infatigable Chaïm Weizmann, qui œuvre aux quatre coins du monde pour trouver des alliés à l'entreprise sioniste de tendance socialiste qu'il incarne, les différents haut-commissaires britanniques, Raghib al-Nashashibi qui sera maire de Jérusalem et dont la famille, arabe chrétienne, est le principal opposant à celle du grand mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, l'un des principaux acteurs du nationalisme arabo-palestinien, etc).

Curé à Gaza

Curé à Gaza

Un juste en Palestine

Sortie : 17 juin 2011 (France). Essai

livre de Manuel Musallam

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

21/12/23
Manuel Musallam est un charismatique curé palestinien né en Cisjordanie, qui fut notamment curé de Gaza entre 1995 et 2009, date à laquelle il rentre dans son village natal, après avoir connu la terrible opération Plomb durci sur Gaza. Dans ce livre d'entretiens, il répond à une série de questions qui mêlent sa trajectoire spirituelle, pastorale, politique et pédagogique dans un ensemble harmonieux. Il se perçoit comme une figure de résistant, appelant les Palestiniens à garder la tête haute tout en refusant toute forme de résistance meurtrière (il prêche les valeurs d'amour chrétiennes auprès de tous, et semble apprécié de tous). Son témoignage sur les années passées à Gaza en particulier est très beau, notamment toute l'activité pédagogique qu'il mit en place dans les écoles chrétiennes, visant des pédagogies actives à même de donner plus d'indépendance aux enfants. Il y a des passages très durs sur les bombardements de 2008-2009 où le chagrin du curé, confronté à la terreur et aux traumatismes des enfants à sa charge, est terrible, de même que sa colère d'humaniste.

Israël et ses paradoxes

Israël et ses paradoxes (2015)

Sortie : 12 mars 2015. Essai, Politique & économie

livre de Denis Charbit

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

10/01/24
Denis Charbit est professeurs de sciences politiques en Israël, et spécialiste du sionisme. Petit livre très bien construit qui choisit, pour évoquer le pays, une porte d'entrée thématique plutôt que chronologique : on part d'une série d'idées reçues, d'où qu'elles viennent, pour examiner dans les faits ce qu'il en est (en général, ce qu'il en est, c'est qu'elles possèdent une part de vérité tout en étant simplistes ahah). Exemple : "Israël est un état théocratique", "Israël est une conséquence de la Shoah, la Nakba aussi", "Israël pratique l'apartheid", etc. L'idée de partir d'assertions polémiques pour les détricoter fonctionne très bien, et j'ai appris beaucoup de choses, notamment à propos du statut paradoxal d'un état juif et pourtant laïque – en effet, si l'état israélien est bien juif (notamment par le biais de la loi du Retour qui permet à toute personne juive d'immigrer en Israël et d'obtenir la citoyenneté, mais aussi par le fait que le calendrier social soit réglé sur les fêtes et traditions juives), il est aussi laïque : il finance de manière indifférenciée tous les cultes (les curés et les imams sont, en Israël, des fonctionnaires !), laisse les affaires civiles aux tribunaux religieux (on se marie, on divorce, on hérite, selon la loi chrétienne / musulmane / juive) et aucune de ses lois ne favorise un culte en particulier. Le statut complexe de cette démocratie fort éloignée des standards occidentaux est bien mis en valeur dans ce livre. Évidemment, Denis Charbit est israélien, et comme tel je ne sais pas si je peux faire totalement confiance à ce qu'il dit, par exemple, de l'absence d'apartheid ou de racisme institutionnel, mais ses propos nuancés (et sans complaisance envers les travers du régime et des gouvernements israéliens) sont intéressants.

La Palestine des ONG : entre résistance et collaboration

La Palestine des ONG : entre résistance et collaboration

Sortie : 16 novembre 2015 (France). Essai

livre de Julien Salingue

Pasiphae a mis 8/10.

Annotation :

17/01/24
Après avoir écrit une thèse sur l'AP (Autorité palestinienne) en 2006, Julien Salingue se met à enseigner les sciences politiques en France et tient un blog pour mettre en valeur sa position doublement académique et militante en faveur de la Palestine (
http://www.juliensalingue.fr/). Dans La Palestine des ONG, il montre comment l'ONGisation de l'économie palestinienne, favorisée par le "processus de paix" interminable initié avec les accord d'Oslo en 1993, tue dans l'œuf certaines tentatives d'organisation politique tout en permettant une cohésion proto-nationale. En effet, avant que s'installent massivement des ONG, un dense tissu associatif permettait aux Palestiniens occupés de s'organiser et de se vivre comme un peuple uni, malgré l'exil ; ce tissu associatif, détruit par l'occupation, a été remplacé par des ONG qui, en liens étroits avec l'Autorité palestinienne, ce proto-état que ses propres sujets ne reconnaissent pas, canalise les énergies politiques en les désamorçant, ce qui donne des situations paradoxales abordées dès les premières pages : ces anciens participants à la première Intifada qui, aujourd'hui, ne voient pas de contradiction dans le fait de travailler pour les forces de sécurité qui viennent contrôler la résistance palestinienne. Julien Salingue montre que comme souvent, dans les contextes d'occupation, c'est un "vivre avec" ou "vivre malgré" qui est la position dominante, où les ONG s'occupent plutôt d'améliorer le quotidien des habitants que de leur lutte pour la liberté. Salingue pointe également quelques scandales liés à la corruption et au détournement de dons internationaux au profit de quelques-uns.

Israël

Israël (2015)

Un portrait historique

Sortie : 8 septembre 2015. Essai, Histoire

livre de Elie Barnavi

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

26/01/24

Terre promise, trop promise

Terre promise, trop promise

Sortie : 8 septembre 2011 (France). Essai

livre de Nathan Weinstock

Pasiphae a mis 5/10.

Annotation :

17/02/24
L'avocat belge et juif Nathan Weinstock a un itinéraire intéressant : c'est un essayiste repenti, trotskiste et antisioniste dans sa jeunesse (il a écrit des essais virulents et bien diffusés alors, à l'instar de son "Sionisme contre Israël") ayant retourné sa veste ensuite, notamment par la sensibilisation au sort des réfugiés juifs des pays arabo-musulmans, contraints de quitter leurs terres ancestrales pour, souvent, trouver abri en Israël. Et comme tous les nouveaux convertis, il montre patte blanche en en faisant des caisses, ce qui confine parfois au... racisme, quand ce n'est pas plus simplement à une mauvaise foi criante et risible. Nommer les nationalistes arabes se livrant, dans les années 30, à des actes de terrorisme "la tourbe", je ne crois pas que ce soit vraiment une manière saine d'écrire de l'Histoire, mais bon. C'est dommage parce que d'un strict point de vue documentaire, cet essai est l'un des plus complets que j'aie pu lire sur l'Histoire longue du conflit, avec notamment une partie entière et passionnante sur la démographie et les flux migratoires en Palestine depuis le début du XIXe siècle ; on y comprend que la Palestine est très tôt une terre d'accueil pour des populations diverses, qu'elle connaît un boom démographique au XIXe siècle avec sa modernisation agricole (par l'afflux d'immigrants comme par la hausse de la natalité), et que nombre de Palestiniens réfugiés actuels sont en fait des descendants d'immigrés du XIXe siècle, comme les Juifs d'Europe orientale arrivés à la même période qu'on présente plus volontiers comme des éléments exogènes. Je crois que c'est cette partie qui m'a donné le plus d'éléments nouveaux pour contrer une lecture clivée du conflit, mais j'ai lu tout l'ouvrage avec de grosses pincettes – c'est incroyable les œillères qu'on chausse, en tant qu'essayiste, quand on parle d'une partie ou de l'autre : Weinstock a *toujours* des excuses pour les exactions sionistes (notamment les expulsions de villes et villages en 48), qui s'expliquent pour lui par le contexte, quand il naturalise de manière tout à fait raciste les exactions commises par les arabes, sans jamais les éclairer par leur contexte. C'est pour le moins troublant !

Israël-Palestine, la solution : un État
7.3

Israël-Palestine, la solution : un État (2007)

Married to Another Man: Israel's Dilemma in Palestine

Sortie : 8 avril 2022 (France). Politique & économie

livre de Ghada Karmi

Pasiphae a mis 5/10.

Annotation :

18/02/24
Ghada Karmi fait l'histoire passionnante de la naissance de la solution à un État (dès avant la proclamation de l'état d'Israël, et depuis), qu'il soit binational (donc en respectant les particularités linguistiques, culturelles et religieuses des différentes communautés en présence, et en leur laissant une certaine autonomie concernant les affaires civiles, à la manière des états fédéraux) ou bien démocratique et laïque (donc unitaire). J'ai souvent grimacé, surtout au début, quand elle présente le sionisme comme une invasion de l'extérieur programmée par un peuple complètement étranger au territoire, sans même situer chronologiquement les flux migratoires juifs : on a l'impression, à la lire, que la Palestine n'a jamais connu de minorité juive (alors que cette minorité est restée enracinée, notamment dans certains centres spirituels comme Jérusalem ou Hébron, de manière continuelle depuis la chute du royaume juif). On a également l'impression que les Juifs seraient tous arrivés d'un coup et que les arabes, en revanche (sans parler des minorités juives !) étaient tous ancrés sur le territoire depuis des siècles, ce que l'historiographie dément : la Palestine est une terre de flux migratoires depuis toujours, flux comprenant juifs, musulmans et chrétiens. Bref : ce côté "j'occulte une partie de l'histoire" de la voix militante m'a dérangée, mais ça n'enlève rien à la force du plaidoyer pour un état unique qui, à l'en croire, serait la solution la plus pacifiante à long terme, et surtout la plus réparatrice, en ce qu'elle permettrait notamment de faire droit au "droit au retour" palestinien (avec des solutions de restitution ou de compensation), supprimerait la situation inacceptable des Palestiniens des territoires occupés et permettrait une intégration économique du pays au Moyen-Orient.

Dans la maison de la liberté

Dans la maison de la liberté

Interventions

Sortie : 25 octobre 2018 (France). Articles & chroniques

livre de David Grossman

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

24/02/24
David Grossman est un écrivain israélien, largement traduit dans le monde et renommé, militant pour le camp de la paix et qui a eu l'occasion de se produire lors de conférences à de multiples reprises. Cet ouvrage propose une anthologie de ces conférences et donc une vision de la trajectoire de cet humaniste. Il plaide pour les vertus de la littérature, seule à même de restituer la totalité des récits et les affects qui parcourent les sociétés israélienne et palestinienne ; étant père d'un jeune homme tué au combat, il a également l'expérience du chagrin et de la perte et tente d'atteindre un point de vue universalisant, à un point de jonction entre les deuils et les douleurs vécus par les membres des deux sociétés. Bon, ça finit par tourner un peu en rond, mais c'est simple et lumineux (et porteur d'un espoir que je ne partage pas tellement quant aux possibilités pragmatiques de la lecture littéraire).

Israël et le refus arabe

Israël et le refus arabe (1968)

75 ans d'histoire

Sortie : 1968 (France). Essai, Politique & économie

livre de Maxime Rodinson

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

26/02/24
Maxime Rodinson est connu pour avoir été le premier intellectuel occidental à théoriser l'aspect colonial du processus ayant mené à la création de l'État d'Israël, dans un numéro de la revue Les Temps modernes consacré au conflit en 1967. Dans cet ouvrage paru un an plus tard, et un an après la guerre des six jours, il reprend le propos amorcé dans cet article et élargit la focale à tous les pays arabes, voisins ou non directs d'Israël. Il se propose d'écrire une histoire du "refus arabe", histoire géopolitique précise des déstabilisations politiques, jeux d'alliance et opportunités manquées dans la région depuis 1948.

Palestine

Palestine (2016)

Sortie : 2016. Essai, Entretien

livre de Ilan Pappé et Noam Chomsky

Pasiphae a mis 6/10.

Annotation :

21/03/24
Ilan Pappé, le "nouvel historien" israélien, et Noam Chomsky, le linguiste américain baigné de culture hébraïque, dialoguent dans ce texte avec l'activiste français pro-palestinien Frank Barat. On se situe en 2014 : Israël ne cesse, depuis 2009, les offensives meurtrières sur une bande de Gaza assiégée. Ce recueil de discussions et d'articles discute avant tout de la nécessité d'un "nouveau dictionnaire", c'est-à-dire de la construction d'un discours militant efficace qui circonscrive la situation en dévoilant le soubassement éthique de ses enjeux : parler d'apartheid (à l'échelle d'Israël + des territoires occupés depuis 1967, qui forment des néo-bantoustans), d'occupation, de colonialisme de peuplement (pour le mouvement sioniste et la création d'Israël). J'étais déjà familière, par imprégnation via les réseaux sociaux, de cette palette conceptuelle, sans vraiment pouvoir identifier sa provenance ni la manière dont ses auteurs l'avaient voulue efficace. Changer les mots pour changer les représentations, c'est bien l'œuvre d'un linguiste et d'un historien ! En effet, en 2014, il semblerait que le discours médiatique hégémonique à l'échelle mondiale soit plutôt favorable à la politique israélienne et commence à de désintéresser du sort fait aux Palestinien·nes, faute de le percevoir dans toute l'injuste / la violation des règlements internationaux qu'il recèle (il me semble que cela a changé, et que ce nouveau dictionnaire a bien pénétré dans les opinions publiques mondiales, du moins dans les jeunes générations de cette opinion). Il y également des choses intéressantes sur la situation des territoires occupés en Cisjordanie, le blocus de Gaza (bon ce livre a 10 ans). Il plaide, comme le fait l'essai de Ghada Karmi, pour la solution à un seul état démocratique de caractère non juif, perçu comme seule solution juste et non raciste.

Gaza debout face à la mer

Gaza debout face à la mer (2009)

Sortie : mars 2009 (Suisse). Entretien, Document

livre de Béatrice Guelpa

Pasiphae a mis 7/10.

Annotation :

24/03
Béatrice Guelpa, journaliste genevoise, a entre autres couvert le conflit israélo-palestinien. Dans ce livre d'entretiens et essai, elle va à la rencontre de Jawdat Khoudary, l'homme d'affaire gazaoui féru de culture antique qui fut à l'initiative de la construction du musée de Gaza. Elle montre, subtilement, comment cet amateur (à tout points de vue !) a pu, grâce à l'immense fortune accumulée dans ses entreprises de bâtiment (pages difficiles à lire, en 2024, quand il se lamente de l'éternel recommencement de la construction de Gaza, qui n'en finit pas d'être détruite), porter haut son projet, après tout politique, de valorisation du patrimoine archéologique de Gaza. Ce port ancien, à la croisée de civilisations multiples (assyrienne, babylonienne, égyptienne, romaine, ottomane...), est littéralement bâti sur un ensemble de couches archéologiques, ce qui fait que tous les travaux de construction amènent à tomber sur des sites archéologiques précieux – l'entrepreneur en sait quelque chose, qui n'hésita pas à mettre des travaux en pause jusqu'à ce que tous les vestiges soient délicatement exhumés ! on le voit réunir ses collections, sans parfois connaître leur valeur réelle, mais aussi tenter de faire en sorte qu'on parle de Gaza à l'étranger, et qu'on en parle autrement que sous le prisme de la guerre et de la dévastation – il organise notamment une première exposition en Suisse avant de bâtir son musée. On y voit aussi les tiraillements d'un homme riche, à la fois désireux d'ancrer ses enfants sur un territoire auquel il est profondément attaché, et de les protéger (écoles suisses ? ou écoles gazaouies ? les enfants oscillent d'un lieu à l'autre).

Juifs et musulmans en Palestine et en Israël

Juifs et musulmans en Palestine et en Israël

Des origines à nos jours

Sortie : 9 juin 2016 (France).

livre de Amnon Cohen

Pasiphae a mis 5/10.

Annotation :

2/04
Il y a 2 livres dans ce livre. L'un, le 1er est un essai historique rigoureux et documenté, l'œuvre parfois austère d'un historien ayant dépouillé les archives judiciaires des tribunaux ottomans de Jérusalem sur plusieurs siècles pour faire parler ces documents à propos de la situation qu'était celle des Juifs iérosolomitains sous domination ottomane et, par extension, des Juifs de toute la Palestine ottomane. On y voit ce curieux mélange entre un statut dominé (la dhimmitude) et protégé (si les Juifs n'ont pas le droit, par exemple, d'être cités comme témoins lors d'un procès, s'ils paient un lourd impôt que certaines époques rendent insupportables, s'ils doivent porter un insigne jaune pour être immédiatement reconnaissables, ils sont également protégés par des lois, peuvent réclamer leurs droits, et bénéficient d'un statut avantageux voire majoritaire dans certaines professions rémunératrices, comme la bijouterie ou la boucherie). Ce statut varie au cours des siècles ; les Juifs ashkénazes (pas les autres) sont par ex expulsés de Jérusalem quelques décennies parce qu'incapables de s'acquitter de leurs dettes et, à d'autres périodes, le tourisme religieux à Jérusalem permet à leur communauté de prospérer. Le XIXe siècle voit une amélioration notable de leur statut, du fait d'un empire ottoman désireux de se moderniser en s'alignant sur le traitement occidental de ses minorités.
La 2e moitié du livre n'est plus l'œuvre d'un historien rigoureux, mais plutôt celle d'un haut gradé de l'armée israélienne ayant servi dans les territoires occupés de Cisjordanie pendant de longues années, et ayant été un proche de Dayan, le ministre de la Défense qui fut responsable de l'élaboration de la doctrine sécuritaire de gestion des Palestinien·nes des territoires occupés. C'est à la fois très intéressant – la cuisine politique de ces hommes est cynique et pragmatique, et l'on comprend comment s'organise la coercition d'une population dans un but de domination géopolitique – et beaucoup moins objectif que la première partie du livre. Il faut voir la condescendance avec lesquels l'auteur traite les aspirations de souveraineté et d'indépendance des Palestinien·nes – en gros, ces enfants gâtés auraient bien dû se satisfaire de la merveilleuse politique des ponts ouverts qui leur permit, pendant quelques décennies, d'aller au mariage de leurs cousins dans d'autres pays arabes (en demandant l'autorisation à un militaire de l'armée d'occupation israélienne, certes).

Pasiphae

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