Fatigué par le monde et son agitation stupide Jean Des Esseintes décide de quitter les miasmes de la vie parisienne pour s'installer à Fontenay-aux-roses. Il y fait l'acquisition d'un pavillon qu'il va entièrement décorer et aménager selon sa bonne envie.
Tel est le thème du roman de Joris Karl Huysmans « A rebours ».
Dans sa nouvelle thébaïde, Des Esseintes va longuement étudier la couleur adaptée à chaque pièce, l'agencement du mobilier, le classement de ses livres et incunables, les tableaux de ses peintres préférés, se piquer d'horticulture rare. Parfois ses pensées retourneront vers ses années de formation chez les jésuites, vers ses passions passées. de rares escapades seront prétexte à fantasmer des voyages que l'ennui des tracas des transports le dissuadera d'accomplir.
Nous avons déjà évoqué tout le bien que je pense de l'immense talent d'Huysmans. Il est pour moi l'un des plus étonnants prosateurs de la littérature française. Libre, impertinent, fin et érudit, son style précis et imagé est incomparable. Combien, sans le citer, se sont inspirés à la fois de son oeuvre mais aussi de son personnage.
Cet homme rongé par la misanthropie et l'ennui, se balançant entre les plateaux de la piété et de la provocation sadique fut le précurseur de Céline, d'Oscar Wilde, de Paul Léautaud qui s'installa tout comme Des Esseintes à Fontenay pour y écrire et soigner sa ménagerie, Vian et jusqu'à l'ectoplasme exsangue qu'est Houllebecq.
Beaucoup plus qu'un roman décadent, « A rebours » est un traité imagé de philosophie par l'épreuve, une inspiration de lectures érudites et iconoclastes, une incitation à vaincre notre taedium vitae si prégnant en ces temps de nouvelle barbarie.