La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. (Frank Herbert)

[Science Fiction (Planet Opera, SF Horrifique) / Suspense]


La Zone X est un lieu de mystère, apparue il y a de ça quelques décennies seulement, elle soulève bien de l’intérêt pour les gouvernements. Officiellement, elle est le résultat d’un échec militaire sur des essais nucléaires, officiellement pour les officieux, elle est un endroit dont on ne sait que peu de choses, malgré onze expéditions envoyées pour en déchiffrer la nature, et, officieusement pour les vrais supérieurs de ces opérations, rien ne fuite, des choses de la Zone X sont connues, d’autres non, envoyer des volontaires là-bas est nécessaire pour, peut-être un jour, éviter le pire avant l’heure fatidique. Onze expédition ont officiellement été envoyée, mais il y en surement eu beaucoup plus, 50, 100 ( ?), seuls eux le savent et seuls ceux qui pénètrent dans ce monde nouveau, étrange, fascinant, peuvent espérer découvrir un nombre approximatif de ces expéditions.


Nous suivons dans la Zone un groupe de quatre scientifiques, une anthropologue, une psychologue, une géomètre et une biologiste, cette dernière nous narre son voyage au sein de cette dimension inconnue. L’histoire se déroule relativement vite, sur quelques jours. Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans un monde différent, bien que familier, un lieu où la nature a repris ses droits sur ce qu’il restait du passage de la civilisation humaine, un décor verdoyant dans lequel les vies animales et végétales sont omniprésentes, mais où, malgré cet aspect connu, l’atmosphère se révèle inexorablement étouffante, fade avec un côté fantomatique.
Notre héroïne, la biologiste n’est pas là par hasard, cherchant des traces de son mari ayant fait parti de la précédente expédition, même si en réalité elle est poussée par une raison plus profonde, tout autre, qui ne sera jamais révélée. Elle fait partie de la "douzième" expédition, un groupe qui, on le comprend très vite, ne fera pas long feu dans la Zone X.


Je n’en dirai ici pas beaucoup plus sur l’intrigue, il s’agît là d’une histoire suscitant l'intérêt chez la personne qui ouvre les premières pages du livre, partons plutôt sur le développement.


La science-fiction a toujours su explorer des univers différents, créer du concret à partir de l’irréel, du possible avec l’inconnu et même le sinistre. Annihilation fait parti de ces histoires d’un nouveau genre, par leurs originalités comme par leurs ambiances flânant aux frontières de la solitude et de la contemplation. Certes nous n’avons pas ici le meilleur des romans de SF, mais entrer dedans reste un voyage intense qui vous fera passer par de nombreuses sensations, la curiosité, la frayeur, les palpitations et, le vide sentimental. En effet, partir à la découverte de la Zone X à travers ses descriptions, sa faune, sa flore, sa géologie, c’est découvrir un nouveau monde, ainsi on peut dans une certaine mesure qualifier cette histoire de Planète Opéra, car ce qui y est troublant dans un premier temps c’est la façon dont les descriptions de l’environnement paraissent nouvelles malgré le fait que tout ce passe sur Terre, dans autre dimension connexe ayant assimilée les caractéristique de son nouvel environnement oui, mais sur la planète bleue avant tout.


L’auteur nous guide petit à petit dans un récit entraînant et rythmé dans lequel les personnages vont de découverte en découverte. Ces personnages pourtant ne sont ici pas développés, le fait que tout se passe à travers les yeux du personnage principal, se voulant être une femme solitaire et fermée, empêche de créer plus qu’un caractère aux autres aventurières, qui de toute manière ne feront pas de vieux os.


Un prétexte pour développer un peu plus le mystère planant sur la Zone X, avec la première mort, puis avec le jeu inquiétant de la psychologue qui parait en savoir beaucoup, mais qui n’apprendra au final pas grand-chose de plus, la dernière, hormis notre héroïne, ne sert pas non plus à l’histoire sauf peut-être à accentuer légèrement le côté incompréhensible des événements arrivant à la biologiste. Je ferai là mon reproche principal à l’œuvre, l’héroïne qui, bien que dotée d’un passé, d’une personnalité, une réflexion et d’une solide paire de couilles, apparaît comme dépourvue d'émotions, les seules descriptions probantes sont ses états d'âme plat et taciturne, en même temps, vous allez me dire que le personnage est taciturne, ce qui est vrai, et qu’elle est censée écrire un journal, elle ne peut donc décrire que brièvement les faits en essayant d’aller à l’essentiel, ce qui n’est pas faut non plus, mais, il y a quand même une dimension horrifique dans le scénario, et j’ai beau chercher, je ne ressens pas la peur du personnage principal.
Je m’explique, la dame est dans un monde inconnu, peuplé de bêtes sauvages, de créatures défiant l’imagination, dans une atmosphère noire-pétrole, elle se fait poursuivre par on ne sait quoi en pleine nuit, seule dans un champs de roseau, manque de se faire descendre par sa collègue, visite des villages morbides et un phare dans lequel les pièces sont toutes droit sorties de l’imagination d’un esprit malade, visite une grotte-tour ensevelie-tunnel où les trucs les plus glauques du monde se produisent, elle se fait aussi contaminer par des spores d’origine inconnue et tout ça sachant que tous les membres des autres expéditions sont tous morts, soit à leurs retours, soit dans la Zone (on se demande d’ailleurs comment les dirigeants de ces expéditions ont fait pour en apprendre autant sur l’endroit et ses secrets alors que les journaux sont restés dans la Zone X et qu’il est normalement impossible d’en ressortir de soi-même, mais bon, une erreur scénaristique n’est pas très grave du moment qu’elle est difficile à remarquer…), comment elle fait pour ne pas avoir peur de tout ça ?? Surtout qu’elle raconte bien qu’elle a la trouille de sa vie à la fin du roman. Voilà le gros reproche que je peux faire à l’histoire malgré tout.


A part ça, le récit se trouve intriguant dès l’entrée en matière et va même jusqu’à devenir passionnant passé les 120 premières pages (à peu près la première moitié). Le contenu et le manque d’explication mène à une incompréhension totale du monde et de l’histoire de fond, on ne peut que suivre l’histoire de notre biologiste et découvrir le paysage au travers de ses yeux, on est aussi paumé qu’elle (et on a aussi certainement plus peur qu’elle, pour en revenir à mon reproche), et c’est ça qui est fascinant, arrivé à la fin du roman, on ne sait rien, on connait juste l’histoire du personnage principale, sa quête révélant plus d’interrogation que de réponse, nous ne pouvons qu’imaginer la solution, certainement que la trilogie s’achèvera sur une morale écolo bateau et à la con, mais pour ce qui est de ce premier tome, le suspense et à son apogée, le lecteur est perdu, déboussolé, véritablement sans réponse, ce qui est dans un sens frustrant, mais qui dans un autre donne envie à tout prix de lire la suite.


Cela faisant longtemps que la science-fiction n’avait pas sortie une petite perle aussi fascinante et absorbante, les droits du bouquin ont, au passage, déjà été rachetés en vue d’une adaptation Hollywoodienne dont la sortie est prévue pour 2018.


De la bonne SF donc, qui mérite bien son prix Nebula, peut-être un peu moins son Shirley Jackson du fait que l’on ne ressent pas la peur de son personnage. Un livre que je conseillerais aussi bien aux fadas de science-fiction que d’horreur. Un très bon roman, qui aurait pu être excellent selon moi si le personnage avait été un peu plus peureux.


VR_

ubik48
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le 19 sept. 2017

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ubik48

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