Sous le Volcan est un de ces livres à la bizzarerie sublime, dans et autour duquel chacun aimera dégoiser. Curieux objet né dans la douleur et, selon la légende, accouché après d'interminables péripéties de réécriture, de manuscrit brulé, de refus d'éditeur, seul réel succès d'un écrivain que tout porte à qualifier de "maudit", le roman se situe à la frontière entre réécriture (La Comédie, ce roman seul faisant, selon Lowry, office d'Enfer au sein de la trilogie qu'il projettait d'écrire) et post-modernisme, le style mêlant longues phrases ampoulées, courant de conscience et diverses fantaisies narratives.

Ce qui frappe le plus dans le Volcan, c'est cette volonté de symbolisme exacerbée chez Lowry : tout est, pour lui, prétexte à signifer quelque chose de plus grand, de mystique (références multiples et explicites à la Kabbale), d'universel (les volcans), de personnel (l'alcool)...rien n'échappe à cette obsession, qu'on devine encore une fois inspirée par Dante et les 4 niveaux de lectures de sa Comédie. À l'instar du Florentin, avec qui il partage exil et désespoir amoureux, Lowry réalise une sorte de poème en prose mettant en balance les vicissitudes de sa propre vie, les tourments d'une époque agitée (la rédaction du livre a commencé quelques années avant la guerre, et s'est terminée peu après), ainsi que les intrigues presque métaphysiques ourdies au-dessus de nos têtes, ou peut-être sous nos pieds par des puissances obscures et dépassant de loin le plan humain.

C'est cette ambition débordante qui confère sa grandeur et sa bizzarerie au roman, mais c'est aussi ce choix délibéré de mettre sur le même plan les angoisses quotidiennes d'un individu et les enjeux planétaires remontant en temps et en distance jusqu'au-delà des Pléiades de l'humanité toute entière qui confère au Volcan une ambiance crépusculaire, particulièrement angoissante. L'intrigue et le dénouement se situent tous les deux sur une seule journée, contribuant ainsi à placer sous la forme d'un crescendo un récit s'enfonçant de plus en plus littéralement dans les ténèbres jusqu'au final, d'une tristesse absolue.

On gardera longtemps à l'esprit les lettres enfin retrouvées de Yvonne adressées au Consul, en se morfondant quelque peu face au constat que l'auteur, mort trop tôt, ne fournira jamais de Purgatoire, ni encore moins de Paradis après nous avoir gratifié de ce bouquin d'enfer.
T_wallace
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le 10 sept. 2013

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le 10 sept. 2013

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T_wallace

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