J’ai rarement eu autant de difficultés que cette fois-ci pour donner mon avis après avoir lu un livre… C’est-à-dire que je suis tiraillé entre le fond et la forme. En parcourant la petite dizaine de critiques éditées à ce jour (sur plus de deux cents lecteurs…), je me rends compte que la plupart des rédacteurs s’attachent surtout à la forme, mais comme je l’ai déjà souligné plusieurs fois, je n’ai aucune expertise dans ce domaine, je m’en remets à mon seul ressenti, pure subjectivité. J’ignore les bons théorèmes, dans cette matière. Mais peu importe, ça me plait ou non, je trouve de l’agrément en lisant ou non, et en l’occurrence, j’ai trouvé le style extrêmement jouissif, vif, enlevé, flamboyant, tournoyant, affolant, virevoltant, avec des phrases courtes continuellement bousculées dans un rythme endiablé et répétitif. Du moins dans la première partie.
Car on le sait, le roman se divise en deux parties. Il s’agit de la rencontre d’une femme, la narratrice, professeure de lettres, mère de famille, rangée et sans histoire, avec une jeune violoniste, Sarah, exubérante, imprévisible et fantasque, l’antithèse du professeur. Ça raconte ça (sic), la rencontre et l’amour passionnel et possessif de ces deux êtres qui, jusque là ignoraient qu’une telle fusion soit possible. Cela pourrait être assez banal (et ça l’est) si ce n’était poussé à son paroxysme et surtout raconté de façon si magistrale ! Mais dans toute cette première partie, bouillante de passion, la narratrice n’est qu’un rapporteur passif (en apparence) et, en permanence, ça raconte Sarah, ça raconte ça… mais ça ne raconte pas la narratrice, ou si peu
Et voici la deuxième partie. Et là je ne suis plus tout à fait d’accord… OK ! Vous me direz : “C’est l’auteure qui décide ! C’est l’auteure qui fait ce qu’elle veut avec ses personnages !” – Oui, c’est vrai, mais moi, que voulez-vous, pour aimer à fond un roman, il faut que j’approuve à fond ses personnages. Et là ça raconte la narratrice…
On vous l’a dit, Sarah est atteinte d’un cancer du sein. Eh bien notre narratrice est tellement amoureuse qu’elle ne le supporte pas : Oh Non, mon amour, pas toi ! Ta si jolie poitrine… Ta si belle chevelure… Ton si joli teint cuivré… Je ne peux le supporter : Courage fuyons ! Eh bien en voilà une belle preuve d’amour. En fait, ce n'est pas Sarah qu'elle aime, c'est son apparence. C’est au moment où l’Amour de sa vie a besoin d’elle, pour la soutenir dans sa lutte contre la maladie… et surtout contre les effets de la chimio (j’en sais quelque chose, j’ai épaulé ma fille dans cette situation) qu’elle se fait la valise en prenant bien soin d’être injoignable ! Voilà une forme d’amour que je ne connaissais pas… Pas étonnant que le roman se termine comme il est dit, en pleine déprime !