Prix Arthur C.Clarke 2006, Dans la toile du temps nous plonge dans un lointain avenir qui ne plaira pas particulièrement aux arachnophobes.


Alors que l'humanité explore l'espace, elle entame la colonisation de planètes. Parmi ces dernières, figure le monde de Kern pour lequel la scientifique Avrana Kern réserve un traitement spécial en 3 phases :
1- terraformation de la planète.
2- envoi de singes dopés avec un nanovirus qui devra les faire grandement évoluer (mais pas plus que les humains, faut pas déconner hein).
3- arrivé des humains qui seront accueilli comme des dieux et trouveront dans les singes une main d'oeuvre efficace et servile.
A l'entame du roman, la phase 1 est finie et nous nous apprêtons à lancer la phase 2 avec l'envoi des singes et du nanovirus sur la planète. Malheureusement c'est le moment que choisi une faction fanatico-écolo-religieuse pour mettre son grain de sel. Pro écolo, contre toute manipulation de la nature et certaine de la nature d'élu divin de l'Humanité, pour elle l'homme n'a pas besoin de tout ça. C'est donc à ce moment que la faction déclenche une attaque générale sur tout le territoire humain, déclenchant donc une guerre civile cataclysmique. Les dégâts du côté de Kern sont simples : les singes meurent, les scientifiques y passent également, Kern se plonge en stase dans un satellite de survie... tandis que le nanovirus arrive tout de même à atteindre la planète.


On va alors faire un saut dans le temps et passer dans tout l'intérêt du roman. On va en effet dès lors alterner les chapitres entre le survivant de l'humanité et la planète de Kern.


Le côté planète de Kern est sans conteste la grande réussite du livre. Sans les singes, le nanovirus ne va rester inactif et va s'attaquer au reste de la faune. S'il était bridé pour les mammifères (afin de permettre aux singes de dominer), il en va tout autrement des insectes et autres araignées. Au fil des chapitre nous allons donc voir toute une société arachnide se développer. Les aspects sociaux et religieux qui sont abordés font échos en grande partie à notre histoire. Kern étant notamment vu initialement comme une divinité qu'il faut satisfaire et écouter. Simple aura mystique, elle va devenir du concret pour les araignées ce qui provoquera un schisme dans leur société entre religieux (aide divine) et scientifique (débrouillons nous tous seul). Si le statut de créateur de Kern ne sera pas remis en question, il en sera tout autre de son statut de divinité / messagère. L'aspect sociétal est également très intéressant et l'on passe par les principales étapes qu'à également connu la Terre. D'initialement plutôt solitaire, va venir la période des clans, des communautés pas vraiment hiérarchisées, de la domination religieuse (au dépens des scientifiques)... pour déboucher sur une société moderne et structurée. On note avec un petit amusement qu'en parallèle la problématique homme/femme est également abordée mais d'une manière inversé à nous : à la base chez les araignées, c'est la femelle qui domine, et à un tel point que manger le mâle après avoir copuler est un comportement normal. Bref, le mâle n'est initialement qu'un objet sexuel avant qu'on lui découvre un certain potentiel mais toujours sans lui donner le moindre droit. Et il faudra lutter pour que les mâles gagnent des possibilités d'ascension social. L'aspect scientifique est également très intéressant. Le passage et le partage des connaissances via la génétique, le domaine de la biochimie ultra poussée (sur lequel repose toute leur société). Quand au comportement d'intégration des autres espèces, on est à des années lumières du comportement éradicateur de l'homme avec "comment puis-je les utiliser ?" et non pas "comment m'en débarrasser ?". Le premier exemple, et le plus illustrateur, étant les fourmis. Grands ennemis des araignées, elles se révéleront être l'un des piliers de leur société. On se surprends qu'avec tout cet aspect bio écolo la vie sur Kern s'avère très moderne avec les équivalents de la photo/vidéo, de l'informatique, de la génétique... et même de l'aérospatiale.


Cette évolution se fait naturellement sur des milliers d'années et afin de suivre cela facilement, Adrian utilise 4 prénoms pour ses araignées, chacune présentant un certain profil avec des caractéristiques proches de ses ancêtres et précédentes détentrices de ce nom. Cela étant en plus accentué par l'aspect génétique qui permet aux descendantes d'avoir accès à une partie du savoir de leur ancêtre (un peu à la Bene Gesserit de Dune). Ainsi donc Portia figure la meneuse, l'héroïne, la pionnière de la bande, elle incarne ce personnage moteur qui permet les grandes avancées de la société. Bianca de son côté sert la cause scientifique avec ses idées révolutionnaires, ses inventions/remèdes qui sauvent le monde le tout même si cela relève de l'hérésie. Fabian est notre seul mâle et va nous montrer la dure vie et le dur combat des minorités et de la guerre des sexes. Viola qui apparaît un peu plus tard et une sorte de mix entre Portia et Bianca.


Les autres chapitres se consacrent donc aux survivants humains. Malheureusement cette partie est moins réussi. Déjà on part sur du classique avec une Terre totalement ravagée qui a donc poussée les derniers survivants à s'enfermer dans un grand vaisseau, le Gilgamesh, pour explorer l'espace afin de trouver une nouvelle Terre. Et naturellement la guerre civile a entrainé un énorme recul technologique et territoriale des humains. Thème mille fois abordé et qui n'est pas traité de manière spécifique ici. Le vaisseau tombe en miette, les humain se chamaillent comme d'habitude. L'action se concentre sur quelques personnages tout aussi classique : le chef Guyen qui prends un peu trop de gap pour finir en dictateur messianique voulant devenir Dieu, l'ingénieur Lain qui tient le vaisseau à bout de bras telle une mère protectrice, le linguiste/historien Mason totalement dénigré mais qu'on est content d'avoir pour les contacts avec l'extérieur et les explications sur les vieilles technologies qui assiste à l'Histoire, le chef de la sécurité Karst sans vraiment d'ambition mais qui pourrait nous faire un coup d'état et qu'il vaut mieux avoir de son côté, la scientifique prête à prendre des risques juste par curiosité... S'écoulant sur la même échelle de temps, on va par contre jouer ici avec les caissons de stase afin d'utiliser les mêmes protagonistes, ce qui ne les privera pas du vieillissement. On assiste grossièrement à une agonie des survivants qui ne pourraient trouver leur salut que sur une nouvelle planète. On assiste donc pas mal dans ces chapitres à des luttes de pouvoirs.


Et au milieu de tout ça figure la pauvre folle Avrana Kern... Enfin, folle pas au début, mais on assiste à sa chute inévitable dans la folie du à son isolement et à son rejet de la réalité (l'échec des singes, l'agonie des humains et la montée des araignées).


Au final on a presque affaire à 3 romans. Les 2 premiers abordant respectivement la civilisation des araignées (très bon, LA force du livre) ainsi que la quête d'une nouvelle planète pour les survivants de l'humanité (classique mais où il manque un petit quelque chose). Le troisième étant l'inévitable rencontre et confrontation des 2 mondes. Rencontre qui se fera sur le tard et qui s'avère être expédié un peu trop vite et un peu trop facilement.

Spacewolf1
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le 4 avr. 2019

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