Debout les morts
7.4
Debout les morts

livre de Fred Vargas (1995)

Après avoir lu ce roman, vous ne verrez plus jamais un arbre de la même manière.


Je ne suis pas très polar, voire pas du tout en fait. Je dois en avoir lu tout au plus un ou deux depuis que je lis donc on ne peut pas vraiment dire que je sois une adepte du genre. Mais j'ai littéralement dévoré ce roman de Fred Vargas, auteur que je viens tout juste de découvrir grâce à Goodreads justement (comme quoi ce site est vraiment génial pour beaucoup de choses). Je ne sais pas si c'est parce que je suis étudiante en archéologie-histoire de l'art que j'apprécie autant l'humour de Vargas mais quoi qu'il en soit, cela a été exquis du début à la fin. L'écriture est incroyable, elle reflue sans arrêt comme une vague et elle nous porte à travers l'histoire, elle nous emprisonne à tel point que vous voulez à tout prix lire la page suivante, oh et puis... encore une autre, et une autre. Résultat, vous êtes arrivé à la fin du roman sans même vous en aperçevoir. Je dois dire qu'après toutes les lectures que je dois faire pour mes cours d'histoire de l'art, ce roman policier (si on peut dire) m'a réellement fait un bien fou. Le plaisir coupable de la lecture... j'en avais presque oublié le goût. C'est diaboliquement divin.


Les personnages. Epiques. Au sens premier du terme. Historiques, inoubliables, fantasques, intelligents, sensibles, blessés, idiots, handicapés du coeur, curieux, bornés, solidaires, dans la merde. Oui, Marc le médiéviste est "dans la merde" comme il dit, et il veut racheter une vieille maison qui tombe presque en ruine. Mais il a besoin d'aide pour ça. Alors il s'adresse à d'autres personnes "dans la merde" susceptibles d'accepter n'importe quoi. Et les candidats sont tous trouvés en Matthias, le préhistorien, prototype du chasseur-cueilleur, et Lucien, le contemporéaniste, spécialiste de la Grande Guerre 14-18. Le fossé qui sépare ces trois là est simplement temporel. Oui mais voilà, on déconne pas avec la chronologie. C'est sérieux, et un médiéviste ne peut décemment pas fréquenter de tels individus, à moins de ne plus avoir le choix. Ils acceptent. Porté volontaires, dirait Lucien. En fait, ils sont amis et puis le reste, c'est juste des masques, la comedia dell'arte version parisienne de la rue Chasle. Et on les aime tous, même le parrain de Marc, ce flic à la retraite qui se mêle de tout mais semble avoir des choses à cacher.Vandoosler, c'est un dur, un vrai de vrai, à tel point qu'il casse ses noix à la main. Pour les suspects, c'est pareil.


Mais le polar dans tout ça? Oui... j'y arrive. La voisine du front ouest, comme dit Lucien, Sophia Siméonidis, ancienne cantatrice, a disparu mystérieusement, après s'être liée d'amitié avec ses nouveaux voisins louphoques. Elle leur a demandé de creuser sou un arbre, un hêtre pour être plus précise (si si c'est important d'être précis), qui avait mytérieusement surgi dans son jardin. Devant l'inaction de son mari, elle demande de l'aide à ses historiens toujours prêts à donner un coup de main. Rien sous l'arbre mais Sophia a disparu. Ils se lancent donc dans leur propre enquête, et tout se complique lorsqu'arrive Alexandra, la nièce de la chère disparue, avec son fils, Cyrille.
Marc ressent tout de suite quelque chose pour cette belle femme à moitié grecque, au fort tempérament, qui agite sa techtonique des plaques. Alors, ils font tout pour l'innocenter et pour la protéger. Il y a aussi Juliette, voisine du front est, qui tient un bistrot, le Tonneau, aussi amie de Sophia et inquiète pour celle-ci. Juliette, elle fait aussi battre le coeur de Matthias, et fait frémir le vieux Vandoosler. Et oui, on se refait pas!


L'humour de Vargas est délicieux. Elle est vraiment géniale et je me suis retrouvée à sourire toute seule dans le métro. Un pur moment de joie, de bonne littérature, de mystère, de tendresse aussi. Tous les ingrédients pour faire un bon roman. Premier roman de l'auteur que je lis, première impression, excellente. Je vais lire d'autres de ses oeuvres pour voir ce qu'elle a à offrir. Rien que l'idée de répartir les personnages dans les étages de la maison à la manière de couches stratigraphiques, c'est du pur génie. Comme je le dis, on ne rigole pas avec la chronologie. Il y a que ça de vrai. Je me suis tout particulièrement attachée à Marc, peut-être parce qu'au fond, c'est le personnage qu'elle dévoile le plus et qu'on connaît le mieux. Quoi que... ça reste à voir. En fait, la personne sur qui on sait le plus de choses, c'est sans doute Sophia. Je conseille ce livre à tout le monde, parce que c'est vraiment un pur régal, du début à la fin, comme un suc exquis, l'ambroisie des dieux. On veut lire jusqu'à la lie, s'ennivrer de l'écriture de Vargas comme de ses personnages. Parce que diantre! il ne saurait être question d'opérer un replis d'aucune sorte. Sur leurs nobles destriers, comme pour une chasse à l'auroch, les personnages se lancent à coeur perdu dans une quête de la vérité. Parce qu'au fond, ils sont historiens et l'un est un ancien flic. Et ils cherchent la vérité.

yourcenars
8
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le 28 oct. 2018

Critique lue 174 fois

yourcenars

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