J’ai eu beaucoup de mal à trouver des moments pour liire des romans, ces derniers temps, ce qui m’a donné énormément de tristesse (toute relative, puisque je m’en étais écartés pour les études, mais aussi pour les comics Marvel, très excitants en ce moment). J’ai donc choisi, pour fêter mon retour dans le game, de lire un énième roman de Stephen King, un génie que j’affectionne particulièrement.
C’est donc sur « Désolation » que s’est porté mon dévolu. J’avais lu il y a environ un an, son faux-frère littéraire, « Les Régulateurs », que j’avais critiqué (ici: www.senscritique.com/livre/Les_Regulateurs/critique/50344146). Je ne sais pas s’il est très utile de vous rappeler l’artifice littéraire qu’avait utilisé Stephen King en 1996, je vais donc le résumer en quelques mots : en une année, il a sorti les deux romans sus-cités, l’un avec son véritable nom (Désolation), et l’autre avec son devenu célèbre pseudonyme Richard Bachman. Les deux romans, de certaines manières se ressemblent : les personnages y sont « presque » les mêmes, tout comme l’histoire… Mais je m’explique : si les identités des personnages sont bien les mêmes, leurs situations sont très différentes entre les deux romans. Tout comme l’intrigue : Tak, un esprit du mal d’un temps et d’un espace inconnu, prend possession d’un individu et transforme ce qui l’entoure en un enfer qu’il modèle. Sauf que dans « Les Régulateurs », c’était Seth Garin, enfant autiste et fan de séries télévisées qui était possédé et qui transformait son quartier en un immense cauchemar qu’il modelait grâce aux séries qui le fascinaient : ainsi déambulaient guerriers extraterrestres et cow-boys cruels comme jamais dans une petite rue d’Amérique, faisant entrer ses habitants dans une survie difficile. Dans « Désolation », Tak a pris possession du shérif d’une petite ville du Nevada, Collie Entragian, et attire les touristes traversant le désert dans sa maudite bourgade où un sort terrible les attend.
Alors je vais le dire tout de suite : je n’ai pas trouvé ces points de ressemblance si marquants, et cela s’explique peut-être par le délai assez long que j’ai mis entre mes deux lectures. Je n’ai probablement par chopé toutes les références et tous les passages identiques entre les deux livres (même s’il ne faut pas pousser le bouchon non plus, je me souviens assez bien des Régulateurs). Alors, si le procédé est amusant, il m’a paru au fond assez dispensable, Stephen King livrant ici deux livres bien différents, traitant de thèmes eux-aussi très différents.
De plus, avant même de poursuivre la critique, autant l’affirmer sans attendre : « Désolation » est de très, très loin supérieur à « Les Régulateurs ». Vraiment rien de comparable.
Le seul atout fort de « Les Régulateurs » était son long incipit, présentant la rue de Poplar Street et ses habitants plus vrais que nature, et la bascule irréversible et sanguinaire d’un charmant quartier résidentiel américain dans l’horreur la plus sombre. Et honnêtement, ça tenait du génie. Je me souviens encore de cette chaude journée d’été où je commençai le livre, et cette impression que le frisson glacé qui me parcourait tenait bien plus à ce que je lisais qu’à la clime du métro. Alors on ne va pas y aller par quatre chemins : si le début de « Désolation » est très différent, il est du même niveau. On suit des vagues successives de personnages (que l’on connait déjà un peu, donc, avec Les Régulateurs) se confronter à Collie Entragian, hanté par Tak. Et c’est terrifiant, anxiogène, tout y est… Le surnaturel et le bizarre s’insinuent sans difficultés sur cette route chaude du Nevada, pour notre plus grand plaisir. Très réussi, très haut en couleur.
Et alors que « Les Régulateurs » s’enfonçaient dans la boue pour toute la suite de l’intrigue, « Désolation » prend son envol. King nous livre certaines pages d’écriture magnifiques de vérité et de talent (je pense notamment à l’ami de David dans le coma, et cette image de son esprit coincé dans « l’accordéon de plastique blanc » … Enfin bref, lisez quoi !). Et l’intrigue prend un tournant assez radical, le thème de la religion s’installant alors pour ne plus quitter le livre.
Alors oui, « Désolation » est peut-être un des livres les plus religieux de Stephen King. J’ai lu pas mal de belles conneries sur internet, certains lecteurs ayant dû se sentir obligé de ne pas réfléchir aux propos de King et de les traiter comme seule partie intégrante de l’histoire… Alors non, c’est une mauvaise idée de ne pas les confronter à ses propres convictions, interrogations. Dieu est-il cruel ? Est-il miséricorde ? Est-ce là une épreuve, un don d’amour, une objectivité révoltante ? Toute l’intrigue se déploie autour de ces questions, qui si elles alourdissent pas mal l’intrigue, sont passionnantes. Et d’ailleurs, elles ne font pas qu’alourdir l’intrigue, puisqu’elles permettent aussi à Stephen King de se décoincer d’impasses sans trop se forcer… (vous imaginez bien que lorsqu’un personnage ne sait pas quoi faire, la voix de Dieu dans sa tête est assez pratique pour l’écrivain bloqué).
En tous les cas, l’intrigue, jusqu’aux deux tiers du livre, garde le lecteur immergé et l’encourage à continuer. Cela se gâte un peu arrivé vers la page 500, où le livre devient long. Et cela rejoint la critique bien trop fréquente et pas vraiment fausse que l’on entend à-propos de Stephen King : certains de ses livres sont bien trop longs. C’était le cas avec « Désolation » qui aurait été carrément sensationnel avec 300 pages en moins… Et je pèse mes mots. Car même si l’histoire de King, et notamment la mythologie qu’il créée est riche, on tombe dans l’enlisement. On commence un petit peu à s’ennuyer, et on s’alarme du surplace qui menace chaque place un peu plus… Et qui s’installe bel et bien. Dommage, donc.
Il en reste que « Désolation » est un bon Stephen King, haletant et intelligent. Cela ne peut en aucun cas en faire un des livres majeurs de l’auteur, qui a fait beaucoup, beaucoup mieux. Mais cela reste de bonne facture (ou en tous cas d’une bien meilleure facture que tout ce que vous pourrez à peu près trouver au rayon fantastique d’une librairie…). Et s’il y avait vraiment eu un matche entre King/Bachman – « Désolation »/ « Les Régulateurs », les pronostics sont alors sérieusement truqués, tant Désolation se révèle plus excitant et réussi que son pendant un peu foiré.
Wazlib
7
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le 11 juin 2016

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