Depuis une vingtaine d'années, Stephen King enchaîne les livres, mais bien qu'ils soient pour la plupart agréables à lire, je vous mentirais si je disais qu'ils m'ont autant fait vibrer que ses premiers romans. Par habitude, j'ai continué à tous les lire inlassablement, espérant retrouver un jour la verve de ses débuts, mais après quelques années et de nombreuses déceptions (Cellulaire, Roadmaster, Colorado Kid…), j'ai fini par renoncer à cette idée. Oui, Stephen King, c'était toujours sympa à lire, mais le bonhomme n'était tout bonnement plus capable d'écrire un roman de la trempe de Ça ou du Fléau…

A ma plus grande surprise, Dôme m'a fait changer d'avis. À sa lecture, je me suis souvenu pourquoi Stephen King m'avait tant plu quand je l'avais découvert lors de mon adolescence. Avec ses dizaines de personnages au compteur, ce livre est terriblement ambitieux sur le plan narratif, et à certains égards, il peut faire penser à Bazaar. Pourtant, l'idée de départ est toute simple : une petite ville se retrouve couverte par un dôme invisible qui coupe ses habitants du reste du monde. Personne ne rentre, personne ne sort. Ouais, bon, elle est cool ton idée Stephen, mais les Simpson l'ont exploitée dans leur film de 2006, et je ne vois pas comment tu vas pouvoir tenir 1200 pages avec un pitch si mince…

Et bien détrompez-vous : pendant les 3/4 du roman, le rythme est extrêmement soutenu, et on n'a quasiment jamais le temps de souffler. Sur une période totale qui avoisine les 7 jours, le King passe successivement d'un personnage à l'autre, et il nous montre leurs réactions diverses et variées face à cette situation de crise. Certains paniqueront, d'autres se mettront des œillères et continueront leur vie comme si de rien n'était, et bien évidemment, quelques opportunistes aux intentions mal placées profiteront de cette occasion pour tenter de prendre le pouvoir. C'est d'ailleurs bien là le sujet principal de ce livre : à travers le personnage de "Big Jim" Rennie, Stephen King nous montre comment mettre en place une dictature dans une petite communauté apeurée, en utilisant tous les prétextes possibles et imaginables… Toute cette partie du roman, essentiellement décrite dans le Tome 1, est absolument passionnante à lire, et à mes yeux, les 800 ou 900 premières pages figurent parmi ce que l'écrivain du Maine a écrit de mieux au cours de sa longue carrière. On finit par s'attacher à la plupart des habitants de Chester's Mill, à commencer par Dale Barbara (le cuistot) et Rusty Everett (l'assistant médical), et alors que leur nombre est inhabituellement élevé, aucun ne semble être de trop. Les 3 adolescents, bien que peu présents tout au long de l'intrigue, font à mes yeux partie des personnages les plus réussis, et à la lecture de leurs aventures, on ne peut s'empêcher de penser à Ça, à la première moitié de Dreamcatcher et bien évidemment au Corps. Stephen King est un grand écrivain, mais quand il se met dans la peau d'adolescents, il tutoie tout simplement le génie.

Loin de se limiter aux aspects politiques et psychologiques de cette situation de crise, l'auteur américain n'oublie pas de s'intéresser aux conséquences météorologiques et écologiques engendrées par l'arrivée de cette cloche invisible de plusieurs kilomètres de diamètre. Comme il l'avouera dans la postface, c'est cette problématique climatique qui l'avait découragé et fait renoncer après environ 75 pages lorsqu'il s'était pour la première fois lancé dans l'écriture de cette histoire… en 1976 !

Pourtant, tout n'est pas parfait dans ce roman incroyablement dense. Si la description de la mise en place d'un état policier est un vrai régal à lire, tout l'aspect fantastique et surnaturel est clairement un cran en-dessous. Les visions, les références incessantes à Halloween et l'explication finale digne d'un George Lucas période "Indiana Jones 4" ne sont tout simplement pas à la hauteur du reste. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes depuis toujours dans la bibliographie du King : ses romans partent souvent sur les chapeaux de roue, mais la conclusion laisse pour la plupart du temps à désirer.

Cela dit, vous pouvez me faire confiance quand je vous affirme que c'est le meilleur roman qu'ait écrit Stephen King depuis 25 ans. En dynamisant son intrigue et en arrêtant de nous saouler avec ses "voix dans la tête" (comme il le faisait depuis environ 2 décennies), le sexagénaire a retrouvé une flamme que je croyais éteinte à jamais, et je classe sans la moindre hésitation ce Dôme dans son top 5, aux côtés du Fléau, Salem, Ça et Shining.
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le 16 août 2012

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