"Dracula". En créant ce roman, ce méchant atypique, Stoker était sans doute loin d'imaginer qu'il inspirerait des milliers d'autres livres et de films. En d'autres termes, qu'il deviendrait culte. Rendons à César ce qui est à César : c'est bien grâce à l'éclair de génie de cet écrivain, à son inventivité, que la littérature vampirique a pu prendre son essor, ajoutant une nouvelle corde à l'arc du fantastique.
Mais malgré les qualités que je viens d'énumérer, auxquelles on peut ajouter une plume d'une qualité tout ce qu'il y a de plus correcte, un mode de narration original et des personnages attachants, je n'ai pas pu noter ce monument au-delà de 6 ; j'aurais adoré tomber en admiration devant lui, mais il n'en est rien. Oui, j'ai sans doute un peu saqué, parce qu'honnêtement, je m'attendais à mieux, surtout en tant qu'admirateur du genre fantastique. Plusieurs défauts m'ont frappé. Il y a tout d'abord cette tendance à étirer le récit à l'extrême, en utilisant plus que de raison divers coups de théâtre, rebondissements et autres imprévus, qui ne cesseront de retarder l'échéance de la mort de Dracula. On déplorera également quelques digressions et autres passages à vide qui ponctueront le livre de longueurs et provoqueront une certaine lassitude (d'autant que, sans révéler l'intrigue, la base des mésaventures de Mina et de Lucy reste identique), ainsi qu'une tendance à l'emphase assez irritante, Stoker insistant un peu trop lourdement sur l'admiration réciproque que se vouent les personnages (Van Helsing est carrément considéré comme une sorte de demi-dieu à qui on ferait des offrandes). Enfin, si l'utilisation du journal intime comme mode de narration est, comme je l'ai souligné, une belle trouvaille, elle possède également un inconvénient : celui de trop intellectualiser les choses. En conséquence, l'action se trouve remisée au second plan (sauf au début du roman, lorsque Harker se trouve prisonnier du château), et l'on regrette un peu que les apparitions du vampire soient si sporadiques et si courtes. Pour être franc, on nous en parle beaucoup mais sa présence reste bien trop discrète et détachée. Même le dénouement, hâtif et sans lutte, ne dérogera pas à cette règle étrange.
Evidemment, je ne peux que conseiller la lecture de "Dracula" à tout le monde, car malgré ces quelques inconvénients, nous sommes loin du mauvais roman. De plus, le suspense est aussi au rendez-vous, et l'aspect "aventure" n'est pas négligé. Le seul conseil que je donnerai pourtant, c'est peut-être d'éviter d'en attendre trop : j'ai déjà lu des choses, écrites avant pour certaines, bien plus angoissantes et sulfureuses que ça.