"Et ils meurent tous les deux à la fin" raconte les histoires croisées de Rufus et de Mateo, deux jeunes dans leur 18ème année, qui apprennent pas une société spécialisée, Death-Cast, qu'ils vont mourir aujourd'hui. L'histoire se concentre donc sur une durée inférieure à une journée (puisqu'ils meurent forcément avant la fin de cette journée), donnant un prétexte à l'écrivain pour donner un caractère hâtif aux différents actes des personnages et forcer leurs prises de décision.
C'est l'occasion pour Adam Silvera d’évoquer les thèmes de la mort (et de la mort d’une personne jeune), des implications qu’ont une mort annoncée (enterrement avant la mort, Derniers Adieux, voyeurisme des autres, mort des célébrités, etc.), du sens de la vie, de ce que c’est de vivre. Le tout est abordé sans grande complexité, puisque le tout se fait du point de vue des deux jeunes adultes et d’une petite galerie de personnages secondaires assez simple à cerner.
L'aspect science-fiction reste finalement très mineur. L'histoire se déroule en 2017, dans un monde très similaire au notre. La seule différence notable réside dans l'existence de la société Death-Cast, qui n'est pas sans rappeler le Pre-Crime de "Minority Report", à part qu'ici la façon dont ils parviennent à connaître à coup sûr la date de la mort des gens n'est pas évoquée (elle est complètement secondaire). Et avec Death-Cast, le New-York de l'ouvrage voit naître différents lieux, différents comportements qui en font un univers de low sci-fi cohérent, avec son vocabulaire, ses lieux et ses habitudes.
Les personnes auxquelles on annonce la mort, les dits "Deckers", peuvent être suivis sur les réseaux sociaux pendant leur « Jour Final », notamment sur le blog des « Décompteurs ». Différentes applications sont conçues pour les Deckers, notamment « Dernier Ami » au centre de l’intrigue, qui permet trouver quelqu’un avec qui passer sa dernière journée. Des lieux inédits, La Cité du Globetrotteur, ou encore Vivez l’Expérience, côtoient les lieux bien réels de Central Park avec ses statues d’Alice au Pays des Merveilles (qui existent vraiment). Enfin, détail qui m’a beaucoup plu, le début du chapitre des personnages secondaires commence toujours par « Death-Cast n’a pas téléphone à cette personne parce qu’elle ne va pas mourir aujourd’hui ». Cela permet de rythmer le récit, de créer une habitude, un élément auquel se rattacher et rattacher tous les personnages, et surtout de donner le ton : les personnages vont êtres influencés dans leurs comportements selon que leur mort est annoncée ou non.
Tous ces éléments nous permettent d’être embarqué dans cet univers aux côtés des personnages dans un discours à la première personne (à la troisième personne pour les personnages secondaires), et l’ensemble est solide, tout comme l’écriture de l’auteur, qui est simple et efficace. Il ne tombe jamais dans le gore ou dans l'aspect spectaculaire de la chose (ce qui aurait été tomber dans la facilité), et propose une oeuvre tout public, toute en finesse et en subtilité. Les pensées des personnages sont bien exprimées, leurs doutes leurs peurs aussi, et si certains comportements peuvent paraître étranges, le tout est justifié par ce Jour Final où toute une vie peut enfin se réaliser.
Une œuvre intelligente donc, qui sans être un must have m’a fait passer un bon moment de lecture.