Les romans de l’ouest, les westerns, ne sont pas qu’un genre cinématographique. Dès le XIXème siècle, la littérature est déjà abondante des histoires de pionniers qui tentent de faire reculer la Frontière et de faire fortune ; tout en affrontant l’inconnu, les indiens, la nature sauvage, et bien souvent eux-mêmes… Les westerns restent des témoignages, des récits d’aventures, des récits initiatiques… Tout semble avoir été écrit dans ce genre, il est donc étonnant de voir une écrivaine française s’emparer du style et de ses codes pour broder une narration étonnante, mais diablement réussie. « Faillir être flingué » est la huitième parution de Céline Mignard, écrivaine qui ne cesse de surprendre son public par l’éclectisme dont elle fait preuve dans le choix de ses sujets. Se lancer dans un western était un pari risqué ; mais franchement réussi, et les prix accordés à ce livre (dont celui de France Inter) sont largement mérités.
Tout y est, la ville naissante sur la Frontière, le commerce avec les indiens et la défiance qui va avec, les règlements de compte, le saloon tenu par une femme, les bœufs qui tractent sans fatiguer la carriole de colons, et bien sûr cet ouest sauvage qui fascine et inquiète. Sous la forme d’un puzzle (un peu difficile à suivre au début car les personnages sont nombreux), Céline Minard s’attache surtout à un personnage qui a lui seul résume un peu tout cet esprit des pionniers : Zebulon, qui porte dans ses fontes autre chose que de simples dollars. Tous les personnages vont se croiser, puis comme sous l’effet d’une force primitive, se regrouper dans cette ville qui n’en est pas encore une réellement, où le destin va les soumettre à ses épreuves... Western aux accents crépusculaires, mais pas que ; c’est en cela qu’il change quelque peu la norme classique du genre, le renouvelle. Nous sommes à l’aube d’un nouveau siècle, et d’une nouvelle civilisation dont nos héros sont les promoteurs, même si le chamanisme est encore partie prenante de l’ensemble.
Le plus étonnant dans « Faillir être flingué », c’est la qualité du détail, qui donne de la crédibilité au récit, et on peine parfois à imaginer qu’il n’est pas d’époque, mais de 2013. L’humour, le cocasse des situations, l’étrangeté de la civilisation indienne, et parfois la violence aveugle, tout nous porte à tourner les pages comme dans un bon vieux Fenimore Cooper. J’avoue que je n’ai qu’une hâte, c’est qu’un réalisateur s’empare de cette œuvre et la transpose en images.