Germinal
7.4
Germinal

livre de Émile Zola (1885)

La révolution doit être une lente germination

Oh sale et généreuse industrie ! que d'or trouve-t-on dans tes ténèbres ! Quelle jouissance paisible à voir au loin ces miséreux s'abandonnant dans une foi servile au labeur des mines... Ah certes il y a bien quelques réfractaires comme Rasseneur mais leurs ambitions de révoltes s'étouffent bien vite face à l'inertie des capitaux des compagnies minières, semblant ne jamais succomber à la moindre crise.
Mais oui faite dont la grève, sorte de divertissement du bas peuple, "Maintenant, vous pouvez réclamer du pain, c'est du plomb qu'on vous donnera" le sage Rasseneur, ancien révolté, a bien compris cela au fil du temps, la résignation est la sagesse des pauvres.
D'autres originaux tentent eux-aussi de dilapider notre stable édifice, comme Etienne Lantier, un égaré que la compagnie a sauvé de la misère. Loin de témoigner toute gratitude, il va s'enorgueillir de réveiller toute la masse du Coron contre notre compagnie.


Ici vous pouvez spoiler


La révolte commence par une éclosion douce, lente, Etienne se prépare à la guerre en créant une caisse mutuelle, il rejoint une dangereuse et anarchiste association "L'internationale" regroupant une foule de représentants d'ouvriers enragés et ameute progressivement et habilement les mineurs du Coron.
C'est alors que deux faits successifs vont précipiter la révolution : un éboulement dans une mine causant immanquablement quelques morts et blessés et une baisse de salaire déguisé. Ce que n'ont pas compris ces mineurs est que l'éboulement est dû à la mauvaise qualité des boiseries (sorte de charpente stabilisant toute la mine), directement provoqué par le piètre travail des mineurs eux-mêmes, ce n'est pas faute d'avoir averti les mineurs à ce sujet par une surveillance étroite de nos sbires hauts gradés. La compagnie eut alors l'idée de joindre la stimulation du salaire et l'utilité des boiseries. Une partie du salaire est désormais fixé sur les boiseries et l'autre sur la tonne de charbon. Au même moment la compagnie a souffert d'une crise industrielle attribuée à la baisse de demande de charbon aux Etats-Unis. La compagnie trafique alors ce nouveau mode de salaire pour le tirer à la baisse. Il faut bien que la compagnie survive, c'est pour le bien de tous. Cela ne suffisait pas pour autant à combler la crise, il fallait aussi imposer un chômage technique, non rémunéré bien sûr, ce qui fragilise davantage le maigre portefeuille des mineurs. Ainsi soit-il, la vie est dure, oui mais serrez-vous la ceinture et ça ira, d'ailleurs qu'avez-vous fait toutes ces années ou vous buviez des coups dans ces ignobles débits de boissons ? n'avez-vous pas pensé à épargner ? En plus de cette insouciance quotidienne, certaines familles ont bien trop d'enfants à charge, comme les Maheu, quelle idée aussi de se reproduire autant dans la misère.
La saine gestion de la Compagnie pouvait perdurer indéfiniment si le jeune Etienne n'avait pas brisé nos plans par une grève et de multiples réunions générales du Coron. Le simple observateur discret s'est transformé en harangueur de foule, l'esprit s'est brièvement corrompu par des lectures socialistes et des conversations entre anarchistes. La grève si soudaine fit légèrement rire les membres de la Compagnie, la faim allait tôt ou tard ramener à la raison ces mineurs. Plus longue que prévue, la révolution commence à troubler la quiétude de la Compagnie.
Des négociations ont lieu, quelques concessions sont proposées mais sont aussitôt refusées par Etienne et le père Maheu, ils en veulent plus. Il est vrai que la Compagnie aurait pu être plus subtile à ce moment précis où les revendications salariales à la hausse n'étaient destinées qu'à pourvoir à sa faim. Nous aurions pu par exemple leur octroyer des avantages en nature, des tonnes de patates offertes par exemple. Oui la Compagnie a trop sous-estimé la grève, qui durera plusieurs mois. Or, chaque jour qui s'écoule aggrave l'enragement des mineurs qui se fanatisent de jour en jour au point de devenir anarchistes.
Une fracture s'opère entre les grévistes, certains reviennent travailler, d'autres continuent la grève, une farouche opposition se créée ayant les allures d'une guerre civile. Les grévistes saccagent les fosses en vue de bloquer tout travail, humilie les travailleurs, et dans cette effervescence populaire digne de la Terreur, s'attaquent à tout sur leurs passages à plusieurs kilomètres à la ronde, tout type de symbole extérieur de richesse, jusqu'à s'attaquer aux membres de la Compagnie !
Cet excès de trouble à l'ordre public fut logiquement réprimandé par des militaires, quelques coups de feu suffisent à rétablir la soumission générale. Echec prévisible des grévistes mais non sans lourds dégâts pour la Compagnie, Etienne est conspué par les mineurs, leur gourou est jugé responsable de leur débâcle. Rien de plus n'est accordé aux mineurs, la vie continue.
Un autre original, plus fou et anarchiste encore qu'Etienne, un mystérieux dénommé "Souvarine", a démoli littéralement la plus grosse fosse de la compagnie alors même que des centaines d'ouvriers s'y trouvait. Etienne était dedans au moment de la catastrophe ! tant mieux, bon débarras. Ah hélas il parvint miraculeusement à émerger de la fosse encombrée après une dizaine de jours enfoui sous les mines. Fort heureusement il abandonnera la mine et rejoindra Pluchart, un grand représentant de "L'international" un des maîtres anarchistes idolâtré par Etienne. Ah ces anarchistes... Ils veulent tout détruire pour reconstruire, mais ils obtiennent seulement qu'une partie du premier plan, à savoir détruire frénétiquement, sans jamais récolter le fruit de leur violence. Ah on s'amusera bien de tous ces faits dans quelques années, quand les pertes seront consolidées. Cette révolution avait pourtant bien commencé, mais l'impatience et la fanatisation des grévistes auront causé leurs défaites. Toute révolution trop brusque est temporaire et rend la vie cyclique, on repart ainsi de zéro après une révolution ratée. La révolution doit résulter d'une germination lente dans l'esprit d'une majorité.


C'était Germinal, vu au travers des yeux de la Compagnie minière.


Sur le style, je ne trouve pas que les descriptions soient si longues que cela, elles sont indispensables pour visualiser le cadre de vie. Cependant, Zola veut absolument décrire plusieurs familles du côté des mineurs, du côté des bourgeois, de commerçants locaux... Il y a une foule de personnages si bien qu'on peine à s'attacher aux personnages principaux. Les relations amoureuses ou amicales sont peu profondes, cela va trop vite à mon sens pour qu'on s'attache réellement. Quant au ton général du livre, tout n'est pas grisâtre du début à la fin, l'esprit familial règne sur le Coron, mais il y a aussi des rivalités, des disputes, des beuveries, des fêtes, des jeux d'enfants. Les scènes les plus violentes sont appréciables car on aime bien voir se dynamiter progressivement cet environnement sans âme.

EtienneBernard1
7
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le 3 oct. 2021

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Etienne Bernard

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