Abracadabrantesque

C'est marrant d'avoir lu un livre à un certain age et de le relire bien plus tard à son fiston. Je viens d'achever le numéro quatre d'une série commencée début janvier et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit du plus compliqué. Les chapitres sont plus longs, plus prenants et souvent junior somnole, ne veut pas arrêter, s'endort en me faisant une crise pour reprendre le lendemain jusqu'à la dizaine de pages en arrière.

A vrai dire, j'ai longtemps été réfractaire à Harry Potter pour la simple et bonne raison que j'avais autre chose en tête, puis, au bout d'un mois de décembre bien fatiguant, je suis parti retrouver des potes avec lesquels j'avais prévu de fêter la nouvelle année au ski. Manque de bol, la voiture tomba en panne. Départ différé de 24 heures, moi amorphe, j'ai pas résisté quand la future "future maman" du groupe nous a imposé les trois premiers épisodes alors disponibles pour occuper la journée. Sans être plus enthousiaste que ça, je garde en mémoire d'avoir été touché par le personnage de Sirius Black. Bien entendu, on a fait notre trip, la voiture a tenu tout le voyage et voilà qu'avant notre séparation, cette copine, en plein délire prosélyte du phénomène jeunesse, me glisse cette coupe de feu dans mon sac. Alors cette nana, on est pote depuis super longtemps, son mec, c'est mon pote, son frère, c'est mon pote, ses enfants sont mes potes etc.. et donc c'est bien normal de partager, d'échanger et je ne vais pas dire que je ne la remercierai jamais assez, mais je peux dire que j'ai lu tous les autres bouquins parus ensuite.

Aujourd'hui, je n'y suis pour rien si le fiston adore Harry Potter, il a regardé le premier en vacances avec ses grand-parents alors que le DVD trainait dans la location et depuis, c'est la déferlante. Bien sûr les films pour commencer, la musique, les Lego, les lunettes, le jeu Hogwarts Battle et maintenant les livres. C'est donc avec une émotion particulière que je viens de conclure celui ci, bouclant ainsi une période entamée il y a plus de quinze années.

Une émotion particulière aussi parce que ce livre comporte plus qu'une histoire que chacun peut juger plus ou moins valable selon ses goûts. C'est bête à dire mais il arrive à porter plusieurs thèmes de bonheurs universels, de paix intérieure, destinés aux enfants ou adolescents sans jamais effleurer la niaiserie, en gardant humilité, humour et esprit de camaraderie. Des valeurs qui me sont essentielles, bien avant le savoir, la culture et les autres attraits superficiels utiles à jouer au coq.

Bien sûr, cet épisode se démarque en fracturant toutes les mises en place établies précédemment en ajoutant la coupe du monde de quidditch, en reléguant le rythme scolaire au second plan, en faisant intervenir Dumbledore plus souvent et en amorçant une suite plus sombre. Pourtant je ne peux m'empêcher de garder en tête ce parallèle avec Josey Wales, hors la loi. En creusant plus les personnages environnant, en leur donnant chacun plus d'importance, on sent clairement que Harry se constitue une nouvelle famille au fur et à mesure de ses aventures, sans omettre chien, chat et chouettes, ainsi, si sa solitude du début était utile pour lui attribuer des qualités inhérentes à un gentil héros presque parfait, l’agglutinement de personnages dans sa sphère émotionnelle va donner sens à son futur combat.

Depuis ma première lecture de ce livre, l'environnement Harry Potter s'étant étoffé en faveur de -vous savez qui-, les films et, en l’occurrence, l'adaptation de celui ci, je suis à même de bien connaitre cet univers. C'est ainsi qu'en le relisant, j'ai pu apprécier cette idée de tournoi de manière différente. Dans une série à succès de ce genre, cette œuvre prévue de longue date pour être centrale avait besoin d'une structure infaillible et il faut reconnaitre que ça frôle le génie. (ok on reste dans la littérature jeunesse) En débutant par la coupe du monde de quidditch, le monde de la sorcellerie s'élargit de la même manière que le passage du chemin de traverse s'écarte dans le premier épisode et introduit de fort belle manière le tournoi des trois sorciers. De cette manière, les deux compétitions permettent d'insérer rapidement la multitude de personnage, venu de panoramas différents, utiles pour complexifier l'univers ainsi étendu. De cette construction solide, après un premier paragraphe qui annonce fort joliment la couleur, le renversement final peut arriver sans prendre qui que ce soit à défaut, en évitant des ressorts extravagants, et laisse la place à un épilogue dantesque qui pose les bases des trois prochains épisodes.

Mon grand a maintenant 7 ans et demi et cela fait presque aussi longtemps que je partage, avec ma femme, les soirées lectures. Comme tout le monde ça m'est déjà apparu comme une corvée mais en vérité, on se jalouse quand on n'y participe pas. En partant de l'extra simple, j'ai pu développer une méthode en multipliant les tonalités, les rythmes, les voix et plein d'autres artifices pour enrober chaque histoire. C'est ainsi que je me rend bien compte de la maitrise de J.K. Rowling sur une œuvre aussi longue. Mes improvisations sont quasiment dictées et pour les fois où je retourne en arrière, que je me trouve averti du texte, je me sens au moins autant capable de faire la lecture à la télé que Jean Rochefort le faisait au début de Winnie L'ourson