Impressionnant premier roman. On peut aimer ou détester ce livre, qui ne saurait être au goût de tout le monde, mais je crois qu'on ne peut qu'être bluffé par la virtuosité (matinée de maladresse) qu'affiche ici la jeune Nathalie Nothomb, par sa maîtrise de la langue, son art de la rhétorique, et son sens du cynisme appuyé. "Hygiène de l'assassin" est un livre essentiellement composé de dialogues, une série de conversations épuisantes entre un écrivain mourant et les journalistes venus l'interroger. Aucun (et le lecteur pas plus qu'eux) n'en sortiront indemnes. Accrochez-vos ceintures.


Moi qui avait aimé la légèreté de son "Stupeur et tremblements", j'ai été très surpris par la lourdeur extrême du roman, une espèce de rouleau compresseur langagier, qui nous emmène de dialogues en dialogues, de confrontations en confrontations, dans un torrent de répliques acerbes et amusantes, truffées d'insultes, de suppliques, d'incompréhension. Face à cet écrivain prix Nobel misanthrope, misogyne et roublard, les journaleux se font tailler en pièces par ses sorties assassines , que ce soit lorsqu'ils se permettent de fouiller son régime alimentaire, d'interroger la validité de ses métaphores, ou de comprendre son oeuvre. Un vrai jeu de massacre, qui pose un personnage étonnant, laid, dangereux, manipulateur et très aisément détestable. On jubile autant qu'on est rebuté. C'est la première moitié du livre.


La deuxième moitié du livre ouvre une dernière conversation avec une interlocutrice ("horreur, une femme!" dit notre héros), journaliste "fouille-merde" qui va s'attaquer avec méthode et logique aux contradictions de l'écrivain, renflouant peu à peu une vérité glauque cachée dans le marécage de sa jeunesse mal documentée. Jusqu'ici docte dissertation sur la théorie littéraire ( pratique et obsession) et pensum rusé sur la notion de "mauvaise foi", le roman tourne alors à l' explosion de concepts bizarroïdes sur les femmes, la jeunesse, la strangulation , la réincarnation, etc... L'émergence du drame ancien est passionnante, m^me si elle marque aussi pour moi la dégradation de l'histoire (trop d'explications, trop de twists, une intrusion malvenue des... sentiments). Ca reste jouissif et bordélique.


Texte étonnant donc, bluffant dans la forme, assez lourd sur le fond, pour un livre très artificiel mais très rusé. On appréciera ce portrait au vitriol d'un assassin halluciné et on préférera sans doute ses œuvres suivantes, mais beau début... Je recommande prudemment car c'est assez spécial :-)

nostromo
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le 22 mars 2017

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nostromo

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