L'été ne rime pas seulement avec pétanque, pastis et chant des grillons, pour moi la période estivale c'est aussi le moment de se lancer dans des bouquins un peu conséquents. Après l'excellent "Déchronologue", je continue dans mon exploration des auteurs Français. En avant pour Jean-Philippe Jaworski avec "Janua Vera" et "Gagner la guerre".
Mes brillants éclaireurs insistants sur l'intérêt de lire le recueil de nouvelles introduisant le Vieux Royaume, théâtre des aventures contées par Jaworski, j'attaque donc avec une certaine appréhension "Janua Vera", les nouvelles c'est rarement ma tasse de thé.
Dans ce recueil, l'auteur nous livre des clés de compréhension de son royaume, les évènements marquants, les guerres, les cultes religieux qui façonnent un monde entier. On ne peut s'empêcher d'y voir un hommage à Tolkien. Les différentes ethnies, l'ambiance guerrière fantastico-moyenâgeuse, les grandes ères chronologiques font que l'histoire du roman prendra ancrage dans un environnement "connu". Le "vieux royaume" m'a semblé tout au long de ma lecture comme une mini-terre du milieu. Le vrai apport, qui sera en plus réellement exploité dans les deux ouvrages c'est la religion, les différents cultes apportent une couche supplémentaire "d'âme".
Assez glosé au sujet du contexte, que valent-elles finalement ces nouvelles ?
En cours de lecture j'aurai surement parlé d’une qualité hétérogène et finalement à posteriori, j’y vois une certaine dynamique, commençant par des nouvelles guerrières et assez bas du front (Janua Vera & Montefellóne), les nouvelles suivantes sont beaucoup plus subtiles et font au contraire la part belle au fantastique et à l’onirisme (Une offrande très précieuse, Le conte de Suzelle).
C’est donc par petites touches que Jaworski complexifie sont monde, la religion qui affleure dans « Une offrande très précieuse » montre toute sont emprise dans « le confident ». Cette dernière nouvelle est également le moyen qu'a l'auteur pour que le lecteur sente l’aspect sombre du monde qu'il crée. Elle possède une ambiance poisseuse et viciée, on ne rigole pas tous les jours dans le vieux royaume.
Le recueil n’oublie pas non plus d’être divertissant, Jaworski nous offre une respiration en son milieu, la nouvelle « Jour de Guigne » présente un quiproquo qui vire franchement à la comédie. Malgré le contraste qu'offre ce récit d'avec les autres, il s'insère parfaitement dans l'ensemble et est finalement assez caractéristique de l'œuvre.
Et comment ne pas parler de Benvenuto Gesufal, de loin le personnage le plus attachant du recueil, à dessein. Quel dommage que la nouvelle nous présentant le héros soit finalement assez banale. Le côté « épisode de Scoubidou » où le gentil confronte le méchant en expliquant bien qu’il a tout compris de la manigance est assez irritant. Heureusement, de Benvenuto nous en reparlerons pour solder les suites de la victoire contre les armées du Shah de Ressine…
N’en déplaise aux chuchoteurs, les bijoux de ce recueil sont pour moi, « Un amour dévorant » l’histoire de deux fantômes, gentilshommes du passé qui hantent les bois d’un village à la recherche d’une femme perdue et surtout « Comment Blandin fut perdu ». L’histoire du peintre et de son apprenti fait une synthèse de tous les thèmes abordés par l’auteur.
Malgré mes réticences habituelles face aux nouvelles de toutes sortes, Jean-Philippe Jaworski m’a emporté avec facilité dans son monde. Le style de l’auteur n’éblouit pas par son génie, mais il embarque le lecteur dans une ambiance qui ne perd pas de sa substance tout au long des 400 pages du livre. Janua Vera pose donc avec brio les jalons d'un monde plus "fun" que celui des hobbits de Tolkien. Il est temps de s'attaquer au grand récit ! 8/10
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