La très belle collection Les Grands Animaux, de l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture, indique en fin d'ouvrage qu'il s'agit là d'un concentré de noirceur. Tout au long de l'ouvrage, je me suis demandé où ils voulaient en venir. Jusqu'à aborder les cent dernières pages, qui permettent de sauver la mise. Et de souffler brusquement dans cette suie qui s'était déposée ça et là, pendant les cinq cents pages précédentes. Un soulagement.
Avec Saul Karoo, on apprend à connaître les méandres sinueux d'un homme usé par la vie, devenu cynique par les expériences vécues, d'un ADN naturellement fainéant et las, fin observateur des dérives humaines, perdant avant même d'avoir joué. Il aurait pu être imaginé par Bukowski, mais n'est pourtant pas assez crade et dépravé. Il aurait pu également naître de la plume de Beigbeder, mais n'est pas issu de la haute et n'est pas assez dandy. Symptomatique de ce personnage, qui ne se sent nulle part à sa place. Qui le sait et qui joue avec.
Saul réécrit les scripts de films foireux, jusqu'à tomber sur un chef d'oeuvre qu'il démembrera néanmoins pour tenter de réparer certains désastres de sa vie. A la grosse louche, c'est le pitch de l'histoire. Mais ce n'est qu'un détail, car le livre repose essentiellement sur la profondeur des personnages, leurs aspects torturés, leurs interactions, leurs victoires, leurs échecs, leurs parcours parfois aussi communs qu'universels.
Un humour qui grince, des descriptions psychologiques qui font mouche, une plume simple trempée dans l'acide qui révèle beaucoup sur qui nous sommes, autant sous la lumière quand nos parts les plus à l'ombre.
** Kube#02