J'ai lu les 13 tomes de L'Assassin Royal d'une seule traite. Cela pourrait être pour certain un signe incontestable du plaisir que j'ai eu à le lire. Pourtant, cela témoigne davantage de mon acharnement tout à fait personnel à finir une histoire commencée, piquée par trois ou quatre petits détails qui m'empêchent de lâcher l'affaire.


Nous sommes donc passé d'un préjugé positif à une introduction peu engageante. Je m'explique...


L'Assassin Royal relate, à la première personne, l'histoire de FitzChevalerie Loinvoyant, très intimement liée à celle du Trône des Six-Duchés, grand royaume de cet univers Fantasy. Si l'on parvient à passer outre la qualité d'écriture (ou peut-être de traduction, c'est difficile à dire), on entre au début pas trop mal dans l'histoire, du point de vue peu prise de tête d'un enfant de six ans qui n'a pas de nom (les dieux en soient loués, vu celui dont il écope plus tard), on se laisse piéger par sa relation avec les animaux, notamment, jusqu'à ce que l'auteur mette de côté sa subtilité naturelle pour la souligner de façon disgracieuse.


Et là peut-être réside l'ensemble de mon ressenti sur la qualité de ce bouquin. Au dos de chaque tome, est écrit une phrase de George R.R. Martin, auteur du génial Trône de Fer : "Les romans de Robin Hobb sont des diamants dans un océan de zircon." ... s'est-il montré poli ? Ou est-ce vraiment le traducteur français qui a fait un travail de chiotte ? Parce que ses diamants, là, ils puent la redondance comme une nouvelle de débutant, voire carrément la répétition, pire que les mauvaises séries télé qui répètent toute la scène précédente après la pub, au cas où on aurait oublié entre temps... ... ... .____.


Donc, récapitulons pour l'instant : un manque de subtilité, beaucoup de redondances, pas mal de répétitions, énormément de disgrâces...
Ajoutons des incohérences et autres longueurs avec Monstre de détails sur certaines périodes qui ne servirons à rien d'autre qu'à rendre les moments bâclés encore plus frustrants : par exemple, la description d'un voyage de plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avec des rencontres qui n'auront aucun impact par la suite, s'est opposée dans mon cœur à la précipitation d'annonces importantes, le survol de ressentis essentiels dont on se débarrasse à la fin du premier cycle pour justifier le fait qu'on a pas su les exprimer etc.


Bref, L'Assassin Royal ressemble à un manuscrit PLEIN d'un potentiel alléchant qui n'a jamais été retravaillé.


Alors, me direz-vous, pourquoi y rester accroché malgré la colère qui s'accumule au fil des tomes ? Eh bien... justement à cause du potentiel, qui fait toujours naître cet espoir que la suite sera de meilleure qualité. Et par bonheur, certains passages sont suffisamment bons pour qu'on s'y plonge. Mais, surtout, le potentiel... qui porte le nom de Vif. Le nom de Vérité, de Kettricken, de Patience, de Burrich, Martel, Fou, Oeil-de-Nuit, de Chevalerie malgré son prénom ridicule (et qui ne restera qu'un objet de frustration), d'Ortie, de Caudron, Rurisk...


Mes points de suspension n'incluent pas le personnage principal. Y a-t-il pire Héros ? Honnêtement... qu'est-ce qu'un héros ? ou même un anti-héros, ça m'est égal ! Un personnage qui raconte sa vie en s'efforçant de la rendre pitoyable ? Un personnage auquel on ne parvient pas à s'attacher par manque d'empathie pour lui ? Je crois franchement que ça ne m'étais jamais arrivée, de n'avoir aucune compassion pour un personnage principal. De ne me reconnaître dans aucune de ses actions, de ne pas me sentir proche de lui à ce point ! Je n'ai pu le comparer qu'à des personnages comme Naruto ou Ichigo (Bleach) : complètement idiots et incapables de voir plus loin que le bout de leur nez même si la solution est écrite en lettres lumineuses, ils ont au moins pour eux d'être doté d'un courage et d'un acharnement, peut-être inconscient, mais sans limite. FitzChevalerie (que j'en veux à l'auteur pour avoir osé lui fournir ce nom ridicule - FitzChivalry en VO hein...), a les mêmes défauts : quand il a toutes les cartes en mains, que tous les indicent lui hurlent une réponse évidente et vitale, son cerveau cesse de fonctionner, et il remet à plus tard (même chose d'ailleurs quand il s'agit simplement d'un sujet qui le contrarie). Il enregistre l'information et ne semble JAMAIS capable de faire A + B, ce qui est totalement contradictoire avec sa formation d'Assassin dont il ne cesse de se vanter. En gros, il a une capacité d'analyse toute pourrie, qui ne marche que quand ça arrange l'auteur, et du coup, les choses traînent et s'aggravent bêtement. M'est avis que Robin Hobb aurait pu trouver mieux pour justifier toutes les galères dans lesquelles il se trouve.


Je me souviens d'un moment dans le dernier tome, où Fitz, dans un de ses ultra-nombreux moments d'hébétude, sourit à part lui, tout fier d'avoir obtenu une information (en l'occurrence, combien de temps il a été absent), par la mise en relation de plusieurs paroles prononcées près de lui, dont une étant, mot pour mot "Demandez-lui où il était passé tout le mois dernier" ... ... ... le mec en déduit qu'il a été absent un mois, et il est fier de lui... ... x_x


En plus de ça, la volonté elle même lui fait défaut, jusqu'aux dernières pages, l'homme est un dépressif geignard qui ne cherche jamais à se mettre à la place des autres et qui ne fait preuve de courage, de force et d'empressement qu'à la toute dernière minute quand la mort est en train de se saisir des personnes sans lesquelles il ne peut pas vivre (et ce avec un égoïsme à couper le souffle). Le destin tourne autour de lui, il est celui qui change les choses... mais comme un caillou dans une ornière, ce n'est presque jamais de sa volonté. MÊME aller retrouver Vérité dans les montagnes, il ne le fait pas de son plein gré est y est obligé par un "ordre d'Art" que ce dernier a imprimé dans son esprit.


Non, non, et non, vraiment, FitzChevalerie Loinvoyant est de loin le personnage principal le moins agréable, et le plus exaspérant que j'ai eu à suivre. Cela dit, je ne pense pas que Robin Hobb ait voulu le dépeindre ainsi. Je crois qu'elle a voulu le rendre très humain, un peu classe mais pas trop (warf !), maladroit dans ses relations (pour moi il est limite handicapé), capable des sentiments les plus forts (mais il ne suffit pas de dire qu'un personnage est amoureux pour que le lecteur sente passer cet amour)... C'est juste raté, quoi. Un personnage un peu pourri, ça pourrait le faire, si justement il était assumé pourri, et que l'ambiance autour allait avec. Mais là... là seule chose qu'on peut concéder à ce Fitz, c'est que c'est un survivor. Et encore, souvent grâce au Vif ou à l'Art.


Et justement, parlons du positif. Le Vif et l'Art sont deux magies que Robin Hobb dépeint cette fois avec beaucoup de précision, même si une fois arrivée à court de synonymes, elle tourne en rond dans ses propres termes. Elles suscitent donc beaucoup d'intérêt et de curiosité, et sont encore une source de frustration, puisque Fitz ne les maîtrisera jamais complètement, et que toute l'étendue de leur puissance ne sera jamais qu'effleurée. Il faudra d'ailleurs attendre les derniers tomes pour en avoir une idée. Le Vif est une magie instinctive, aussi naturelle que de respirer, qui met l'homme qui la possède en relation intime avec tout ce qui est vivant, ce qui lui permet de percevoir des choses que d'autres ne perçoivent pas, et de communiquer avec certains animaux si ceux-ci sont prêt à échanger. L'Art est d'abord décrit comme plus noble et plus puissant, en opposition au vif ; pourtant il est, au même titre que la parole, simplement réservé à la communication entre créatures dites intelligentes (humains, Blancs, Anciens, dragons, Autres), c'est une sorte de télépathie, mais dont le fonctionnement est loin d'être simple et que Robin Hobb s'efforce de décrire avec le plus de justesse possible, comme si ça lui tenait tout particulièrement à cœur.


Si Fitz contribue beaucoup à la découverte du Vif, l'Art en revanche bénéficie davantage du charme de Vérité, héritier du trône et oncle de Fitz, qui s'en fait l'emblème durant tout le premier cycle. Vérité, voilà un personnage attachant, acharné, vivant ! Et son épouse, Kettricken, si vive d'esprit malgré une certaine fragilité, apte à prendre les bonnes décisions et à rebondir sur des événements tout justes arrivés. Sans eux, et sans le Fou (espiègle, important, énigmatique, vif, intéressant, passionné et que rien ne peut détourner de son but), sans Burrich (homme de cheval bourru, très peu communicatif mais dévoué et plein d'une volonté que rien ne peut abattre), sans Patience (dame de la cour complètement décalée qui s'intéresse à tout et intimide par son franc parler et son indiscrétion), sans la place laissée la plupart du temps à l'individu animal... je n'aurais pas tenu, j'en suis tout à fait certaine.


Je ne déconseillerais pas cette saga, je pense que chacun le vit différemment, et si vous avez la capacité à rentrer dans la peau de Fitz, vous n'en serez, c'est certain, que transporté.


Pour ma part, si j'étais éditeur, j'aurais rendu le manuscrit à l'auteur ou au traducteur avec une mention "A retravailler". Parce que zut !


note : La série Les Aventuriers de la Mer est beaucoup plus intéressante. C'est même incomparable. Les redondances sont encore un peu là, parfois ça se mord un peu la queue, et la plupart des personnages dont on suit les points de vue sont encore pourvu d'un solide égocentrisme (heureusement, pas tous, et certains changent un peu au fil des romans)... Mais on ne peut s'ennuyer, ni passer toute l'histoire à s'exaspérer, car le régulier changement de points de vue nous en empêche. Et ça allège énormément le tout. Quant aux longueurs, elles ne sont quand même pas AUSSI longues que les voyages de FitzChevalerie, détaillés presque au jour près. L'histoire en paraît plus active, plus pimentée. Je n'en ai pas gardé un mauvais souvenir, en tout cas.

Zosha
6
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le 17 mars 2020

Critique lue 337 fois

Zosha

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