Et de vivre 4 heures accroché à ces écorchés, vibrant à la lumière de ces magnifiques 200 pages plei

Je n’aime pas les récits de soldats. On enjolive, On décrit des exploits et des victoires. La nouvelle génération écoute, puis se met à rêver à sa propre guerre.
La rentrée littéraire a du souffle, celui de l’être caché derrière nos habitudes d’esclaves au sein de la mécanique humaine comprise grâce à la rixe de nos maîtres : jeu de désirs, compétition de vanités, comédie de postures – tout ce qu’on croit être la vie.
Libres d’être prisonniers d’une vie qu’ils n’ont pas choisie, lancés à la poursuite d’un évadé de leurs camps et de leurs contraintes de par les rivières et les chemins, laissant derrière lui dans la traque le poids de son existence, Pavel sent le souffle de la vie animer enfin son âme.
De tous les carnages observés, le fait d’avoir foulé un visage féminin allait me poursuivre avec la persistance la plus impitoyable
Un récit, une narration de Pavel Gartsev, sa guerre et ses morsures ; les désillusions féminines ; une nouvelle mobilisation, un nouveau départ dans la taïga d’Extrême-Orient ; les commissaires politique « Louskass ne supportait pas les imperfections de la vie. Si ç’avait été en son pouvoir, il aurait redressé tous les troncs tordus dans la taïga des environs » ; la poursuite « un criminel armé et prêt à tuer vient de s’évader », cinq soldats perdus, cinq hommes passés par les camps et les procès, cinq vies corrigées par le Système et ses règles, cinq déchirures vibrant de certitude se lancent sur les traces d’un homme, un évadé de ses mêmes camps, dans l’inconnu, vers l’incertain…
Celui que nous poursuivions était devenu indispensable à ce bonheur simple. Car il s’agissait bien de bonheur.
Et de vivre 4 heures accroché à ces écorchés, vibrant à la lumière de ces magnifiques 200 pages pleine d’amour et de haine, de courage et de lâcheté, une course à vue sans jamais rejoindre l’autre avant de voir s’effondrer son propre monde laissant se découvrir ce petit moi en caché en soi prêt à exister, libre…


« Et cette femme, Elkan, se disait Gartsev, que j’ai voulu tuer pour mériter un rôle dans la bouffonnerie du monde où, depuis toujours, les hommes vivent en se haïssant. » Plus qu’à leur peur d’être arrêtés, jetés dans un camp, leur exil tenait au refus de participer à ces jeux.


Seuil, Août 2016, 280 pages, 18€ d’une aventure intérieure aux confins de la terre et de votre âme.


Lectori salutem, Patrick
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le 12 sept. 2016

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