Avec "L'équilibre du monde" se pose la question épineuse suivante : peut-on apprécier un roman qui vous donne la nausée ?


Cette fresque chronologique de presque mille pages décrit une Inde des années 60 à 80 si violente, si noire, si terrifiante et si nauséabonde que plusieurs chapitres sont tout simplement insoutenables d'inhumanité. Et le fait d'être ici dans la chronique plus que dans la fiction n'arrange rien au malaise, tout comme la pensée que le portrait de cette Inde n'est sans doute hélas pas si éloigné de celui de l'Inde actuelle.


Rohinton Mistry est un maître-conteur. Né à Bombay, il connaît son sujet à fond et bien qu'ayant émigré au Canada et y vivant depuis de longues années, il explore ses racines et maîtrise les différents aspects de la culture indienne, cette nation-continent aux multiples identités.


Alors, pour revenir à mon interrogation première, oui, on peut apprécier un récit même s'il donne mal au cœur et à l'estomac. Déjà par la qualité littéraire de son traitement : style, rythme, personnages, recherches, lexique... Ensuite par l'éclairage cru et brutal mais vrai qu'il nous donne sur une période, un peuple, une culture qui nous sont peu familiers. Pour aussi pénibles que soient les sujets abordés à travers les existences de Dina, jeune veuve, de Maneck, étudiant, d'Ishvar et d'Omprakash, tailleurs issus de la caste Intouchable, et de Shankar, cul-de-jatte exploité comme mendiant, il est fondamental d'en prendre connaissance et de regarder la réalité en face, même au prix d'un écœurement et d'un désespoir infinis.


Enfin, impossible de ne pas penser à "La tresse" de Laëtitia Colombani en lisant ce roman puisqu'il y est beaucoup question du trafic de cheveux mais comme ce modeste et récent best-seller semble bien fade et creux en comparaison du riche et coloré "Equilibre du monde" ! L'Inde est un sujet si dense qu'il mérite bien qu'on l'approfondisse, quelles que soient la souffrance et l'absurdité qui résultent de cette étude. Rester à la surface des choses équivaudrait à gravir seulement la partie émergée de ce brûlant iceberg.

Gwen21
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le 15 mai 2019

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