Ce livre déconcerte par le caractère hétéroclite des sujets abordés et sa rédaction en fragments, ce qui s'avère en réalité porteur de sens. Cette oeuvre commence comme un roman où un couple part en fuite, en douce et de manière précipitée. Il y est question de profiter de la vie, sans trop calculer, où le narrateur, l'homme, analyse les qualités, vertus et menus travers de sa compagne de fortune, la jeune Maud.
Puis, il dérive rapidement sur les vices et bizarreries du monde, sur ce dont il faut se méfier, se protéger, pour mieux survivre et en profiter le moins mal possible. Les étrangetés de la langue française sont également passées au crible. Il s'ensuit que cet écrit dérive, en effet, comme le rappelle Kinbote, vers une sorte de journal intime, rédigé un tantinet à la va-vite, en fonction du hasard des réflexions. En fin de course, il revient à la trame initiale, avec la description de saynètes du couple, plus ou moins anodines et intimistes, histoire de rappeler la nature et le but initiaux du propos.
Tout cela pourrait n'avoir ni queue ni tête, ce serait plus ou moins le cas, si une certaine idée de l'existence n'émergeait pas, à la fois hédoniste et désabusée. L'ensemble pourrait manquer de signification, par son côté décousu, si ce livre ne tentait pas, semble-t-il bien, de montrer que le monde n'est pas toujours sérieux et oublie souvent sa raison d'être. C'est déconcertant et beau à la fois, comme certains tableaux surréalistes, et porteur de réflexion. Il est donc intéressant.