« Rien de plus facile pour moi que de vous raconter une histoire de fantômes : j’en entends depuis mon enfance. On m’a appris à croire en eux. Je ne parle pas des récits de bonnes femmes qui évoquent des spectres en suaires, des crânes ricanants ou d’effroyables gobelins. Je parle des authentiques apparitions… ».


Après avoir publié « Les fantômes des victoriennes » [critiqué sur ce site], Jacques Finné récidive en traduisant onze nouvelles histoires fantastiques. Cette fois encore il se tourne du côté de ces dames qui ont pris la plume, mais la période abordée est un peu plus large (années 1860-1910) et des auteures américaines figurent aux côtés de leurs consœurs britanniques.


Cette anthologie se veut plus moderne que la précédente. Certes on y retrouve des esprits frappeurs qui assument pleinement leur rôle (la vengeance, l’avertissement…). Toutefois, les fantômes poussiéreux soupirant dans leurs donjons laissent place à des hantises plus complexes et multiformes. Dans certaines nouvelles par exemple, le phénomène surnaturel est invisible, mais assez effroyable pour faire perdre la raison (« L’ombre tapie dans un coin » « La vérité, toute la vérité », « La villa Lucienne »). Lorsqu’on les voit, les fantômes peuvent prendre des aspects surprenants (une foule vêtue de noir dans « Terrain à vendre», une meute de chiens dans « L’abbaye de Chrighton ») ou franchement horribles (une main dans «Une promesse est une promesse », un cadavre bleui à la bouche remplie d’étoupe dans « Ce qui se passa à la gare de Grover »). Par ailleurs, des objets modernes remplacent les carrosses et les vieux manoirs (« La voiture pourpre », « A la lueur d’une lampe à gaz) ; cela permet d’ancrer le surnaturel dans le quotidien du lecteur de l’époque et de le rendre d’autant plus inquiétant. Dérangeantes, ces histoires le sont aussi parce qu’elles abordent souvent la folie ou du moins des problèmes psychologiques (solitude, remords…) qui offrent une alternative à l’explication surnaturelle. Ainsi dans « Le portrait disparu », le thème semble classique mais, à y regarder de plus près, le spectre pourrait être issu de l’esprit de Mme Swinford qui souffre d’isolement et vit dans le souvenir de son amant disparu, tout comme son ancêtre Joceline. Les interprétations proposées au lecteur sont donc plus complexes, voire carrément absentes. « A la lueur d’une lampe à gaz » est un exemple particulièrement intrigant: quel est cet homme en noir, aux paroles prophétiques et aux doigts coupés, qui accompagne le "squire"? Est-ce un mort ou bien la Mort elle-même?


Vous l'aurez compris, ce recueil révèle au lecteur français plusieurs chefs- d'oeuvre du fantastique anglo-saxon. D'excellents moments en perspective; des frissons garantis!

Bianca_Flo
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le 19 juil. 2018

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