La Ballade de Lila K nous fait faire un bond en avant dans le temps d’une centaine d’années. La France semble être devenu un état sécuritaire scindé en deux : la "Zone", terre hostile séparée par une frontière surveillée militairement où sont concentrés les terroristes et les marginaux et l’Etat civilisé, à l’intérieur des frontières. On y fait la connaissance d’une petite fille qui a été substituée à la maltraitance de sa mère pour être placée dans un Centre, géré par l’Etat, où elle va être rééduquée afin de pouvoir intégrer la société à son dix-huitième anniversaire. On suit alors son évolution, de l’enfance à l’âge adulte et surtout, sa prise de conscience face au fonctionnement de cette politique autoritaire.

Le personnage de Lila est très attachant : c’est une petite fille profondément asociale qui a vécu la première partie de son existence enfermée dans un placard, sans voir la lumière du jour et se nourrissant essentiellement d’aliments pour animaux. La seule personne avec qui elle avait des contacts humains était sa mère. Mais Lila est surtout beaucoup plus intelligente que la moyenne, ce qui va pousser les administrateurs du Centre à lui proposer un programme d’apprentissage spécifique. Malheureusement, la petite fille semble vouée à voir disparaître toutes les personnes à qui elle ose s’attacher, ce qui la pousse à limiter encore d’avantage son ouverture vers les autres. C’est aussi une parfaite manipulatrice qui parvient à contourner la plupart des règles pour arriver à ses fins. Les personnages qui entourent Lila, quant à eux, ont tous un rôle à jouer dans son évolution ou dans sa quête. Aucun n’est là pour meubler le décor.

La société dans laquelle Lila évolue est particulièrement autoritaire : chaque lieu, qu’il soit public ou privé, est équipé de caméras de surveillance reliées à la cellule centrale. Tout est régi par l’Etat que ce soit le régime alimentaire des citoyens, le nombre d’enfants qu’ils peuvent voir, les nombre d’animaux domestiques, … jusqu’à la fréquence des relations sexuelles. Oui, ça fait peur ! Bien sûr, comme souvent dans les fictions se déroulant dans des sociétés particulièrement autoritaires, les livres sont voués à disparaître. Ici, ce serait pour une raison de santé publique (les livres, c’est dangereux, ça rend les gens malades). Ils sont donc remplacés par des grammabooks (des livres électroniques) dont le contenu peut plus facilement être modifié pour correspondre aux nouvelles décisions étatiques.

Ce roman est avant tout un roman d’apprentissage : celui d’une petite fille qui réapprend à vivre en société et qui tente de découvrir les raisons pour laquelle elle a été arrachée à sa mère. On peut dire qu’il est assez addictif puisque je l’ai dévoré en deux jours. Ce qui m’a plu, c’est le fait que Lila s’adresse directement à son lecteur (dont l’identité est dévoilée à la fin du roman), ce qui nous implique davantage dans la lecture. Cela peut néanmoins être parfois un peu déroutant, notamment lorsqu’elle évoque des faits que son lecteur est censé connaître mais que nous ignorons complètement.

La seule chose que je pourrais reprocher à ce roman, c’est qu’il reprend des clichés déjà largement éculés dans les romans d’anticipation : par exemples, la surveillance audio et vidéo (Big Brother is watching you) ou la destruction systématique des livres. Il y en a peut-être d’autres mais je ne suis pas suffisamment lectrice de ce genre de littérature pour pouvoir les déceler. Je trouve cela dommage car cela donne un air de déjà vu/lu au roman alors que le reste de l’intrigue est plus original.

Mis à part cela, je n’ai rien à redire sur ce joli roman qui m’a fait passer un agréable moment de lecture. C’est le premier livre de cette auteure que je lis mais je pense bien en découvrir d’autres.
Maghily
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le 10 nov. 2013

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