qui passe son temps à désobéir à Dieu quand celui-ci se manifeste sans arrêt et à lui obéir une fois qu'il se tait définitivement.
voilà, voilà.
Bon l'ignoble athée que je suis se devait de faire un commentaire ironique, maintenant ce texte mérite sinon le respect, du moins une certaine considération historique. Je déplore certes que tant de mes semblables humains s'appuient de nos jours encore sur un canon aussi violent, xénophobe, sexiste - et sur ses dérivés plus tardifs. Texte contemporain des mythes babyloniens et grecs qui ont eux du moins été rangés là où ils devaient l'être, à savoir dans le rayon littérature. Mais disant cela, je passerai un peu à côté du sujet. Je ne commente que l'Ancien Testament, petite précision, n'ayant pas encore lu le Nouveau.
Effectivement ce texte est violent, xénophobe et sexiste. Surtout lorsqu'on le regarde avec nos lunettes du XXIe siècle. Mais à l'époque, qui devait être incroyablement dure, il exprime aussi la volonté de pacifier et rendre plus justes les rapports sociaux, les relations hommes-femmes et même la diplomatie - car si les Hébreux passent leur temps à massacrer leurs voisins cananéens, in fine ils recherchent l'établissement d'un Etat-nation aux frontières stables, et pas du tout impérialiste. A l'heure des empires égyptiens, assyriens, babyloniens et perses, c'est incontestablement sinon un progrès du moins une nouveauté fort en avance sur son temps.
Par ailleurs, la bible hébraïque est une épopée nationale qui s'inscrit dans le cadre des mythes de l'époque et de la région (Méditerranée orientale et Croissant fertile), très créative de ce point de vue, mais son destin ne peut manquer de fasciner. En effet, comment un texte écrit à partir du -VIIe s. avant Jésus-Christ dans le petit royaume de Juda et qui s'adressait à une poignée d'hommes dans un contexte bien particulier (révolte nationale contre l'empire Assyrien puis Babylonien, réaction religieuse contre les Hébreux du nord restés plus ou moins polythéistes) a-t-il pu bouleverser à ce point l'ordre du monde et traverser les siècles ? C'est réellement fascinant d'un point de vue historique. Déshabiller la Bible de ses oripeaux mystiques n'empêche pas de lui reconnaitre cet immense pouvoir de fascination qu'elle exerce, bien au contraire.
Ayant connu moult rédacteurs, rédigée sur probablement cinq siècles, l'unité de ton n'est pas toujours présente. Littérairement parlant, il faut reconnaitre que la foison extrême de personnages et de noms de lieu peut un peu perdre le lecteur, que des passages sont franchement barbants, mais que d'autres sont magnifiques. Et je terminerai d'ailleurs par deux citations fort émouvantes, car ayant qualifié la Bible hébraïque de xénophobe - c'est en effet la narration d'un peuple qui se sépare du reste du monde, parfois avec violence - ce qui lui sera d'ailleurs lourdement reproché tout au long de l'histoire et qu'il paiera d'un tribut exorbitant - je souhaiterais rendre justice aux éclats de génie dont ce livre unique est parsemé :
"C'est lui qui fait droit à l'orphelin et à la veuve, et il aime l'étranger, auquel il donne pain et vêtement. Aimez l'étranger car au pays d'Egypte vous fûtes des étrangers." (Deutéronome, 10)
"Ne me presse pas de t'abandonner et de m'éloigner de toi, car
où tu iras, j'irai,
où tu demeureras, je demeurerai;
ton peuple sera mon peuple
et ton Dieu sera mon Dieu
Là où tu mourras, je mourrai
et là je serai ensevelie.
Que Yahvé me fasse ce mal
et qu'il y ajoute encore cet autre,
si ce n'est pas la mort
qui nous sépare !"
(Livre de Ruth)