Dans ce troisième roman, Michael Connelly s'intéresse de près aux crimes d'un serial killer qui a sévi au début des années 90. Le "Dollmaker", qui étranglait des prostituées blondes et les maquillait à outrance après leur mort, semble être de retour : une lettre anonyme déposée dans un commissariat a permis au LAPD de déterrer un cadavre coulé dans une dalle de béton, et alors qu'on le croyait mort et enterré depuis longtemps, tout laisse désormais penser que le tueur court toujours dans les rues de Los Angeles. Le hic, c'est que le principal suspect a été abattu 4 ans plus tôt par l'inspecteur Harry Bosch, lors d'une intervention en solo qui lui vaut aujourd'hui un procès au civil pour bavure. Malgré les preuves qui semblaient jusqu'alors accablantes, tout le monde se pose désormais une seule et unique question : Hieronymus Bosch s'est-il trompé de cible ? A-t-il abattu un innocent, ou a-t-on affaire à un imitateur particulièrement bien renseigné sur le mode opératoire du Dollmaker ?

Durant 460 pages, Connelly va mener son roman de main de maître, et nous entraîner habilement sur de fausses pistes à de multiples reprises, jusqu'à un dénouement final que l'on n'aura JAMAIS vu venir. Il faut dire que le bougre est alors au sommet de son art, et qu'il maîtrise son intrigue sur le bout des doigts. Plusieurs fois, j'ai cru être plus malin que l'auteur, et j'ai accusé untel ou untel d'être le tueur, mais à chaque fois, je me suis fait rouler dans la farine comme un bleu… Rien que pour ça, je lui tire mon chapeau !

Il est également amusant de voir l'écrivain américain se frotter à des archétypes de personnages qu'il développera plus tard dans sa carrière : ainsi, le journaliste du L.A. Times Joel Bremmer n'est pas sans rappeler Jack McEvoy ("Le Poète", "L'épouvantail"), tandis que l'avocate sans scrupules Honey "Money" Chandler est annonciatrice du personnage principal de "La Défense Lincoln", à savoir l'antipathique Mickey Haller.

A ce propos, on ne peut pas dire que les romans judiciaires de Connelly m'aient jamais passionné : tout le côté procédurier est assez rébarbatif pour le lecteur non américain que je suis, mais dans ce livre, l'auteur parvient à rendre le procès relativement supportable, grâce à une galerie de personnages particulièrement savoureux (l'avocat incompétent qui sue 1000 gouttes face à une adversaire redoutable, le SDF trahi par la justice qui collectionne les mégots près d'une fontaine, la veuve du suspect qui pleure sur commande pour émouvoir le jury, etc…). Pendant une bonne partie du roman, Connelly va jongler entre ce procès au civil dont même Harry se désintéresse et l'enquête bien plus palpitante sur la fameuse "blonde en béton". Tout cela ne nous laisse pas un instant de répit, et tout au plus, on suivra par-ci par là l'évolution de la relation amoureuse qui lie depuis quelques mois déjà l'inspecteur quadragénaire à l'institutrice Sylvia Moore.

Bref, je ne vais pas vous en raconter davantage, ça vous gâcherait le plaisir. Sachez simplement qu'on retrouve dans ce roman tout ce qu'on aime chez Connelly : un style efficace sans la moindre fioriture, un suspense à couper au couteau, et une intrigue passionnante qui met en avant les failles et faiblesses de son héros. Et oui, dans les vieux Connelly, Harry Bosch était déjà un flic sanguin doté d'un flair redoutable, mais il n'était pas encore le surhomme à la Jack Bauer qu'il est malheureusement devenu à la fin des années 2000… Y'a pas à dire, la saga Harry Bosch, c'était mieux avant !
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le 6 févr. 2013

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