Œuvre relativement concise, et peut-être moins profonde pour certains lecteurs que 1984, La Ferme des animaux n'en reste pas moins d'une efficacité diabolique pour démontrer les suites d'une prise de pouvoir au sein d'une communauté. Quelques soient les intentions d'origine, l'affirmation de ce pouvoir se fera toujours au détriment de la communauté, et les animaux de cette fable si réaliste en font bien sûr les frais.
Le pouvoir des cochons se renforce par le biais de mécanismes traditionnels mais malheureusement toujours efficaces tels que la force (ici exercée par la meute de chiens élevés et dressés par Napoléon), l'effacement du passé (l'héroïsme de Boule de neige transformé au fil du temps en acte belliqueux envers la communauté), le changement des règles et discours d'origine, l'excommunication de certains membres... Orwell dresse une liste quasiment exhaustive de tous les procédés que peut utiliser un régime devenu tyrannique.

D'une révolution désirant aboutir à plus d'égalité et de partage des richesses (le stalinisme est bien entendu ici visé) on aboutit à la création de privilèges accordés à quelques uns, dirigeants comme de bien entendu. Ainsi les cochons se retrouvent à dormir plus confortablement, à manger dans l'opulence, à ne plus réellement travailler mais seulement à diriger les opérations.
Tout cela se passe grâce aux tares (bien mises en avant par l'auteur) des "citoyens" passifs ; ainsi leur illettrisme permet au pouvoir d'agir plus facilement pour faire oublier les évènements passés mais aussi pour la modification du code, l'obéissance aveugle de Malabar qui se tue à la tâche sans jamais se plaindre d'être exploité, la peur et la lâcheté devant les menaces et les abus de la police du pouvoir en place, ces inactions assoient un peu plus l'autorité et crée un cycle duquel il est difficile de sortir.

Tout cela finit par aboutir à un pouvoir ressemblant plus que jamais à l'ancien régime dominant, celui qui fut renversé pour ses inégalités, ses injustices et son manque de liberté. Constat terrifiant et désolant d'un cycle de jeux politiques qui ne cessent de se répéter et qui démontre les faiblesses de l'être humain dans sa volonté propre. Les plus pessimistes iront jusqu'à dire que l'être humain est fondamentalement mauvais... mais c'est là un autre débat qui va plus loin que le propos de ce livre.
ngc111
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le 11 nov. 2014

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