La terre est bleue comme une orange.
Difficile de parler de La Horde du Contrevent après le choc que ce livre m'a fait. Je ne m'attendais tout simplement pas à ça. On m'avait parlé d'un excellent bouquin de SF, je ne pensais pas y trouver un écho à de nombreuses questions que je me suis souvent posé et que j'essaye, moi aussi, de faire transparaitre dans mes piteux écrits.
La Horde, c'est tout d'abord un premier chapitre qu'on lit sans trop bien comprendre. Je suis assez patient avec les début un peu chaotiques, pourtant là je n'ai pu m'empêcher de me dire "merde... si tout le roman est comme ça, j'vais capter que dalle".
Pourtant non, les pages filent et peu à peu la situation s'éclaire. Par à coup, quelques conversations, quelques remarques des narrateurs, l'univers de Damasio apparait, fourmillant de questions (comment le vent peut-il souffler en continu? Comment peuvent-ils atteindre l'extrême amont... il est foutu comment leur monde? C'est quoi ces chrones? Et ça...?), va s'ancrer avec une précision incroyable dans l'imagination du lecteur. Les personnages, pourtant nombreux, vont devenir intimes, proches du lecteur, on les reconnait sans même avoir à lire leurs noms, tant le style propre à chacun va être identifiable. Autre coup de génie de Damasio, identifier les personnages par un simple signe, et surtout par une façon d'écrire changeante selon la personnalité du narrateur...
La Horde, ça devient une aventure totalement absurde mais dans laquelle on ne peut s'empêcher de s'embarquer. On veut contrer avec eux, on veut les voir atteindre l'extrême amont, même si on sait bien que cette histoire d'extrême amont n'est qu'une fable, une connerie, foutaises, y a pas d'extrême amont, c'est pas possible, on le sait bien, nous, lecteur: la terre est ronde, y a pas de haut et de bas, y a pas de fin du monde. Pourtant... on est bien dans une œuvre de SF, non? Après tout... et si? Et s'il y avait vraiment un espoir? Et s'ils pouvaient atteindre cet objectif? Qu'est-ce que ça changerait, hein, ils l'auraient atteint, et après, cela n'aurait pas plus de sens, mais pourtant on le veut, on le souhaite, on en oublie tout ce que l'on sait, on garde espoir. Parce que la Horde n'abandonne pas. jamais!
La Horde, on vit avec elle, on crève avec elle. On est Golgoth, cet impitoyable salopard sexiste, violent, têtu, noble aussi. On est Pietro, on est Sov, on est Erg que l'on suit dans ses combats en parties d'échec sur trois dimensions (quelles merveilles que ces combats, tout en réflexion, tout en calcul), on est Caracole lorsqu'il cabriole sur ses mots truqués et trucs de magicien un peu barré. On est Coriolis lorsqu'elle séduit les hommes et s'affirme au sein de la Horde, on est Oroshi toujours à la recherche de la vérité, on est la feuleuse, la sourcière, on est cette vingtaine de personnages à la fois, on ne veut pas les perdre, pourtant on en perd, forcément, on en perd plus d'un, ils tombent sur la route, le vent les emporte, le vent l'emportera.
Et je tiens à rajouter un grand bravo pour les jolies références aux textes de Noir Désir qui jalonnent le roman (et ouvrent les remerciements).
Critique décousue, comme d'habitude. En la relisant, je m'aperçoit que je suis incapable de transmettre tout ce que m'a fait ressentir ce roman. Je ne peux que vous conseiller de le lire (et le relire), afin de commencer, à votre tour, ce voyage de toute une vie.
Derrière moi, la Horde! On contre!