Un groupe de 23 individus doit parcourir des terres ravagées quasi continuellement par le vent pour remonter jusqu'à l'extrême amont, là où est censé se trouver l'origine du vent et quelque part l'origine du monde.
Nul doute que la Horde du Contrevent laissera perplexe plus d'un lecteur non averti lors de ses premières pages ; entre sa pagination inversée qui pourrait faire croire à une erreur d'impression et son univers jamais introduit (mais révélé au fur et à mesure par les personnages d'une manière habile et fine), la fiction d'Alain Damasio n'est pas une œuvre directement accessible et demandera un certain investissement de la part de son lectorat.
La narration éclatée entre tous les personnages, représentés par des symboles (des runes ?) dont il faut un certain temps pour s'accommoder et le vocabulaire riche, foisonnant, inédit quoique proche du nôtre, le verbiage très imagé de certains personnages (celui vulgaire et grossier de Golgoth ou à l'opposé celui voluptueux et empli de péroraison du troubadour Caracole) ; tout cela rend le récit lent à se mettre en place tant l’appréhension de l'univers se fera progressivement, le brouillard mâtinant le cerveau du lecteur laissant place petit à petit à la compréhension jouissive d'un monde inconnu mais aux enjeux assez similaires au monde réel.
La recherche de l'origine, la quête de réponses au sens de la vie, la façon dont se construit la vie, tous ces sujets seront finalement au cœur de l'intrigue mélangeant adroitement science fiction et philosophie.
Les personnages évolueront tout au long de ce douloureux périple, obtenant parfois des semblants de réponse, désespérant aussi de temps en temps devant l'apparente impossibilité d'atteindre cet extrême amont fuyant et jamais entrevu par aucune horde avant eux.
On finit donc par s'attacher à certains de ces personnages même si tous ne sont pas logés à la même enseigne quant à l'intérêt qu'ils peuvent susciter, n'ayant pas tous droit à des éléments scénaristiques les concernant, qu'ils proviennent du passé ou non.
On se perd parfois dans les notion de chrone, de vif, dans les motivations des sociétés d'Aberlaas et l'on peut s’agacer un peu de l'utilisation du lièvre que représente la nature de l'extrême amont, surtout après avoir découvert la fin qui peut frustrer un peu.
Alain Damasio abuse un peu de son univers cryptique malgré la mise en place intelligente et l'on perd un peu d'intérêt à l'apprentissage de ce monde et de ses codes lorsque l'on se rend compte des subterfuges plus grossiers utilisés en terme de vocabulaire notamment. Mais cela n'empêche pas de reconnaître que la Horde du Contrevent est bien écrit, sait donner de l'épaisseur à ses personnages et se sert remarquablement de son intrigue SF pour amener de la philosophie ainsi que beaucoup de questions existentielles.
C'est un voyage intimidant, assez long, parfois un peu lancinant mais le plus souvent riche en péripéties et curiosités, et surtout en bonne compagnie.
Alors le plus important quel est-il ? Le voyage ou la destination ?